Mary Anne - Daphné du Maurier
18/03/2018
Pour aller plus haut, aller plus haut... Il faut ce qu'il faut
Mary Anne Clarke, née Thompson naquit en 1776 à Londres. Débrouillarde, intelligente et fort belle, elle sut user desdites qualités pour se sortir d'une condition qui ne lui seyait pas. Après la désillusion d'un mariage tout feu tout flamme duquel naquirent 4 enfants, elle prit son destin en main et devint, en 1803, au terme d'un parcours de courtisane, la maîtresse du Duc d'York. De cette situation, elle sut tirer son parti pour s'élever elle, mais aussi son entourage, à un autre rang que celui promis par sa naissance et ce envers et contre tout/tous.
Ce roman aurait pu s'appeler "vie, succès et déboires d'une courtisane" car il s'agit bien du portrait d'une des plus fameuses courtisanes anglaises du XVIIIème siècle qui est ici dépeint par Daphné du Maurier.
Mais avant d'en arriver là, Du Maurier s'attache d'abord à retracer le parcours de sa trisaïeule depuis l'enfance. Elle va ainsi nous dépeindre le milieu dans lequel Mary Anne a grandi (plutôt pauvre), son caractère (affirmé) et peut-être ce qui l'a conduit à ce qu'elle devint (ne pas être suivre la voie de sa mère et être dépendante des hommes).
Dans ce premier portrait de demoiselle en devenir, le lecteur voit émerger une jeune fille sensible, à l'intelligence vive, farouchement déterminée à se sortir de sa condition, toutefois encore un peu naïve en amour. Et il est facile de ressentir de la sympathie pour elle. Sa rébellion contre sa condition paraît alors juste, parce qu'elle n'use encore alors que de son intelligence, d'un certain culot et d'un charme relativement inoffensif bien qu'avéré.
Le lecteur sent qu'elle a bien des atouts en main pour réussir et avancer dans ce monde qui est tout ce qu'il y a de plus patriarcal.
Avec la désillusion du premier amour et le risque de retourner à ce qu'elle a fui, vient la conscience de son pouvoir sur les hommes et une volonté encore plus farouche de se mettre elle et les siens à l'abri du besoin. Dès lors, elle n'aura de cesse d'user de ses charmes et de son bagou pour y parvenir. De l'ami fidèle, protecteur, amoureux transi aux hommes de la haute disposés à payer pour passer quelques heures avec la jeune femme, il n'y a qu'un pas, que Mary Anne franchira. Sa rencontre avec certains hommes, que l'on peut qualifier d'entremetteurs et autres intrigants de Cour ou agitateurs, lui fera apparaître de nouvelles perspectives, des opportunités qu'elle saisira sans scrupules.
Le portrait vire alors à la femme émancipée, courtisane assumée, femme d'affaires indubitablement. Et jusque là, moi en tant que femme, je ne pouvais que saluer son parcours, la détermination dont elle faisait preuve pour se sortir de la misère.
Cependant, en parallèle de la sympathie éprouvée pour Mary Anne, est né un petit désaveu quant à sa conduite. Ainsi son côté hyper calculateur et vénal m'a parfois rebutée. Emportée par l'ascension sociale que lui a fourni notamment sa relation au Duc d'York et le jeu d'influence allant de paire avec, son ambition à ne jamais vouloir quitter le sommet devient une obsession qui n'a pas rencontré toute ma sympathie.
Peut-être parce que d'autres choix de vie, moins bling bling, moins risqués, pouvaient la placer elle et sa famille à l'abri du besoin, peut-être aussi parce que parfois j'ai eu le sentiment qu'elle se faisait manipuler et ne maîtrisait pas autant les choses qu'elle le pensait.
Et en même temps, je me dis que telles que les choses se sont présentées à elle, telle que la société était à l'époque, elle n'a fait qu'utiliser les armes dont elle disposait en tant que femme. Elle est restée jusqu'au bout fidèle à elle-même : une maîtresse femme qui ne voulait pas être sous la coupe d'un homme aussi gentleman et bien intentionné fût-il.
Si j'ai apprécié l'ensemble du roman, je dois dire que j'ai trouvé particulièrement intéressant et instructif les passages consacrés aux procès qui ont vu Mary Anne mise en scène. Sacrée peinture sociale et politique. Qui du coup, a su ranimer une pleine sympathie pour cette femme maintenant révoltée, traînée dans la boue mais jamais abattue.
On peut ne pas être à 100% ok avec la vie qu'a menée Mary Anne, il reste que c'est une femme qui a marqué son temps, qui laisse l'empreinte d'une femme libre et forte. Une self made woman.
A la frontière du roman historique, de mœurs et de la fiction, Daphné du Maurier livre avec Mary Anne une fresque d'ordre familial et social intense. Empreinte aussi d'un certain féminisme. Si jamais je ne me suis ennuyée à la lecture de cette histoire, c'est que l'écriture de cette autrice m'emporte toujours. Elle sait indubitablement nous faire pénétrer le cœur et l'esprit de ses personnages.
"Ce moment compte. Ce moment et pas un autre."
16 commentaires
J'entends pas mal parler de cet auteur mais je n'arrive pas à m'y intéresser. Je ne saurais dire en quoi mais comme l'impression que cela va être un peu convenu comme lecture! En as-tu lu d'autres d'elle?
Hmm je ne qualifierai pas les romans de Daphné du Maurier comme convenus, peut-être parce que ça ne correspond pas non plus à la personnalité de l'autrice.
Quel titre pourrais-je te conseiller? Hmmm... Hmmm... La maison sur le rivage peut-être bien. Oui allez go pour celui-là.
(sinon c'est mon 5ème titre lu et chroniqué sur le blog)
5e quand même! Je crois me souvenir qu'il y a un ou plusieurs titres dans la bibliothèque de ma mère. Je commencerais peut-être par un de cela, en espérant qu'il y ai La maison sur le rivage! ;)
Le challenge d'unchoco m'a bien motivée ^^
J'y pense, Le bouc émissaire pourrait te plaire aussi. Je viens de multiplier tes chances de trouver un titre dans la bibli de ta belle maman :)
Genial ! Tu vois, je ne le connaissais pas celui-ci. J’ai très envie de le découvrir
:) super! Merci pour ce challenge Unchoco, ça a été un plaisir d'y participer. :)
Je ne connais pas bien Daphné du Maurier, mais j'ai la ferme intention d'y remédier. C'était une femme très talentueuse, et je me souviens de Rebecca comme d'une histoire vraiment troublante, comme son adaptation cinématographique d'ailleurs.
J'avais repéré à la médiathèque Manderley for ever de Tatiana de Rosnay, qui est plus qu'une simple biographie parait-il, mais il faut que je découvre davantage de romans de cette grande dame de la littérature avant de me pencher sur sa vie... Que de prévisions en perspective ^_^
Je reviendrai vers toi pour en rediscuter à ce moment-là, car tu connais bien son oeuvre ;-)
Merci et à bientôt !!! Bises :)
Il y a effectivement de quoi se faire plaisir avec cette autrice. Je te conseillerais bien L'amour dans l'ame, presque sûre que cette histoire te plairait.
Manderley for ever me tente bien... et il reste pas mal de titres à lire encore. Nous en reparlerons.
Biz Lupa
Je note L'amour dans l’âme alors, merci :)
Je t'en prie :)
Celui-ci pourrait me plaire. Certains romans de l'auteure m'ont déçu.
Faut tenter ;)
Mais lesquels t'ont déçue? La maison sur le rivage non?
C'est une autrice que je voudrais vraiment découvrir. Mais je pense commencer par le classique Rebecca, en voyant aussi le film qui est de Hitchcock.
Je pense qu'elle vaut le détour.
Rebecca est le 1er que j'ai lu d'elle mais il n'est pas mon préféré au final. Son ambiance est très particulière, hitchcockienne.
Je lui préfère La maison sur le rivage pour son ambiance un peu fantastique, surréaliste, pour son intrigue.
Et aussi, j'ai beaucoup aimé la saga familiale L'amour dans l'âme.
Mais l'écriture est à chaque fois un régal.
(merci pour tes petits mots sur mes derniers articles et de ton intérêt)
Oh, je ne savais pas du tout que du Maurier avait écrit un récit de ce type. J'aime énormément son écriture alors je me lancerai certainement un jour.
Bonjour Karine.
Plus je lis du Daphné du Maurier, plus je découvre la large palette de genres de littérature que cette autrice a écrit. Et dans cette diversité, on retrouve ce style qui emporte si facilement le lecteur.
Bonne future lecture alors et merci de ton passage par ici :)
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