La Soif - Jo Nesbø
07/10/2019
Serial lover
Oslo est le théâtre de meurtres en série sanglants. Sur l'affaire, une femme, l'inspectrice en chef Katrine Bratt. Mais alors que la liste des victimes s'allongent, les prétentions politiques du chef de la police, Michaël Bellman, contraignent Harry Hole, retiré des affaires criminelles, à reprendre du service.
En proie à ses démons intérieurs, l'ancien inspecteur-star de la police criminelle, parviendra-t'il à coincer ce psychopathe au profil si proche de celui qui lui a échappé par le passé?
Pour un premier Nesbø je peux dire que j'ai tiré un bon et sacré numéro.
Peut-être que certain.es penseront qu'il est dommage de n'avoir fait connaissance avec Harry Hole (et certaines autres têtes de cette brigade criminelle) qu'à partir de cette 11ème enquête ; en toute franchise, je n'ai ressenti aucune gêne à ne pas avoir eu connaissance de tout le background. Sans doute parce que l'auteur, dans ses allusions au passé et passif des un.es et des autres, a livré suffisamment de clés pour saisir la situation.
Qui plus est, La Soif, étant une enquête à part entière, elle se lit sans être pénalisée de cette absence de background.
(Pour autant, et parce que j'aime creuser les profils des personnages d'une série, je me suis dit que ce serait un plus de la reprendre au début dès que j'en aurai l'occasion).
L'enquête, pour tout vous dire, est sacrément glaçante (ce qui n'ai pas pour me déplaire en soi).
Si vous êtes un tant soit peu adepte des rencontres via Mythic, Tinder ou je ne sais trop quelle autre application Match point (ce qui n'est pas mon cas), franchement, y a de quoi refroidir vos espoirs de trouver l'âme sœur par leur biais. Parce qu'ici, les victimes loin d'atteindre le 7ème ciel, auront plutôt droit à un aller simple vers l'enfer.
Les crimes en eux-mêmes, s'ils ne s'étendent pas gratuitement sur le côté glauque, restent d'une grande violence et frappent l'esprit du lecteur. Pour peu que vous ne puissiez vous empêcher de visualiser la scène, ça reste un tantinet trash et dans une certaine mesure choquant.
Sur les moyens de l'enquête, j'ai bien compris que le personnage vedette de cette série était Harry Hole et qu'il était important (pour je présume les aficionados) qu'il refasse surface pour régler quelques comptes, avec le criminel certes, mais lui-même aussi.
À distance de ma lecture, je trouve toutefois un peu regrettable que le personnage de Katrine Bratt se trouve, au final, pas mal effacée dans son rôle d'enquêtrice principale. Peut-être que j'aurais préféré une coopération qui la mette tout autant en avant que Hole, vu qu'elle est présentée comme enquêtrice en chef au départ, enquêtrice auquel est adjoint pour la seconder, un support externe. En définitive, ce support prend la direction des affaires, l'efface et l'enquête se résout de part sa contribution (même si d'autres moyens humains sont là).
En soi, pendant ma lecture, et pour être parfaitement honnête, j'ai quelque peu relayé mon féminisme aux oubliettes. Sans doute le fait d'être happée par l'enquête, le profil du criminel et l'intérêt que suscite le personnage de Harry Hole. Pas forcément sympathique de prime abord hein, le gars a un côté très brut de décoffrage, mais il est bougrement intéressant d'un point de vue psychologique et dans ses mécanismes d'action et de pensée.
Bien tordu et torturé (autre lieu commun des romans policiers auquel Jo Nesbø ne déroge pas) le bonhomme (qui n'est pas de neige). Un trou noir, une abîme. Des fêlures, beaucoup, prétextes à creuser son profil psychologique, mettre en perspective son comportement borderline et sa manière parfois abrupte de gérer l'enquête, voire d'en décrocher pour mieux y revenir. Apporter aussi un côté humain et donc faillible à l'homme flic, l'homme mari, l'homme père, un visage auquel peut-être s'identifier et auquel s'attacher. Peut-être.
Si Harry Hole est le personnage phare du roman, d'autres ressources humaines agrémentent l'équipe d'enquête. Elles ne sont d'ailleurs pas moins faillibles. Jeune recrue ou vieux de la vieille, tous.tes ont des monstres dans leur placard. Certain.es même au point de faire douter de leur intégrité (ah que serait une histoire policière sans le ripou et/ou tire au flanc de service?), voire d'inciter le lecteur à partir sur une piste interne qui s'avèrera, qui sait, peut-être bien erronée...
Côté ressources externes à la cellule policière ou criminelle, il y a aussi de quoi faire. Et de se surprendre à s'attacher rapidement à certain.es d'entre elleux...
Le talent d'un.e auteur.ice c'est de ne rien laisser au hasard. Jo Nesbø est de cet acabit. La construction de son intrigue est parfaite (selon mon humble avis hein). Tout est élaboré avec minutie. Personnages, éléments de l'intrigue, lieux, histoires secondaires, phases de l'enquête. Et c'est pourquoi moi, lectrice de La Soif, je me suis bien bien fait balader. Ah ça, des pistes j'en ai suivies, avec l'intime conviction d'avoir cerner le criminel.
Vous voyez, il m'arrive de faire ma maline et de me dire, arrivée à la fin d'un policier : "hin hin, j'avais deviné depuis belle lurette le coupable". Ici? zéro, quedchi! Je me suis fait embrouiller la tête. Mes intuitions d'inspecteur gadget à 2 balles, à la poubelle! Une vraie bleue.
Bon, à ma décharge, c'était mon premier Hole et justement, Hole, ne l'est pas qui veut. Pour résoudre cette enquête, il fallait son expérience, son cerveau et quelques verres d'alcool pour parfaire le tableau.
L'enquête s'est révélée ardue, mettant à mal Harry et tous.tes celleux qui gravitent autour de lui, sordide à souhait, une enquête le confrontant à son passé et à ses démons. Une enquête qui permet d'aborder de nombreux thèmes intéressants : jeux de pouvoir interne, déviances psy et autres, vocation primant sur famille, fuites médiatiques et conséquences, gestion et ingérence des médias justement, flic ripoux, image du père en tant que héros ou anti héros, dérives de l'utilisation à outrance des réseaux sociaux et sites de rencontres en dépit de toute notion de sécurité, ambition, etc, etc. Des thématiques pour certaines vues et revues dans le genre du polar, d'autres bien moins.
Le contenu est donc fouillé, les différents sujets plutôt bien amenés. L'ensemble interroge, interpelle le lecteur et sa conscience, rend l'enquête extrêmement intéressante et riche, participative, dynamique et incisive. La Soif a toutes les qualités d'un bon policier/thriller. En cela, c'est un vrai page-turner dont on ne sent pas du tout passer les 700 et quelques pages. Il se lit non pas avec précipitation mais envie et plaisir.
Si vous avez soif d'un bon titre du genre, je vous conseille de mordre dans celui-ci à pleine dents.
"Tout le monde sait que le choix moral libre est une illusion, que seule la chimie du cerveau gouverne votre comportement et le mien."
"On dit qu'il ne faut pas anticiper les soucis, poursuivit-elle, mais quand tout ce qui t'attend, c'est des soucis, anticiper est le seul airbag dont tu disposes. Et la meilleure anticipation est de vivre chaque jour comme si c'était le dernier."
"On peut faillir. Mais il ne faut pas trahir"
Roman paru en poche aux Editions Folio (que je remercie de cet énième belle découverte), dans la collection Folio policier, La Soif, une enquête de l'inspecteur Harry Hole de Jo Nesbø a été traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier - 720 p.
14 commentaires
Pas facile de ne pas retomber dans les clichés propres à ce genre de romans : flics torturés, démons tenaces, et autres secrets inavouables planqués dans la penderie délicatement parfumée à la naphtaline... mais si l'enquête te balade de fausses pistes en impasses, et que la révélation te cueille au dernier virage comme une bleue, c'est que la virée policière était soignée ;)
J'ai le premier Harry Hole dans ma liseuse : "L'Homme chauve-souris", et je vois que parmi les tags de ton billet se trouve "vampirisme". Jo Nesbö a-t-il un faible pour les longues canines ? :D
Ah, et pour finir, j'ai matché sur le deuxième extrait, ce qui ne devrait guère t'étonner ;)
Merci d'avoir étanché ma soif de curiosité envers un auteur dont j'entends régulièrement parler :) Baci !
Non, je sais qu'il y a des lieux communs dans le genre qui reviennent inlassablement d'un auteur à un autre. Mais je serais assez curieuse de savoir ce qu'en pensent les principaux concernés ^^ Un flic de la criminelle sans problème ça existe? :p
La révélation m'a cueillie et c'était bien!
Je te conseille de commencer puisque tu l'as, par le 1er. Et vu que je n'ai pas lu les autres (juste vu l'adaptation de Le bonhomme de neige), je ne sais pas si l'auteur a un penchant pour les vampires ^^ (ici il est question de vampirisme hein, pas de vampires à proprement parlé, c'est différent).
C'est peut-être un extrait qui parlera à beaucoup :) et je ne suis pas étonnée non, que ce soit ton cas :p Tu n'as pas dû être étonnée non plus, que je le choisisse ^^
On aura tout loisir de reparler de cet auteur, maintenant que je l'ai lu, j'ai envie de poursuivre avec d'autres titres du monsieur.
Merci d'être passée :)
Ce roman ne m'intéresse pas particulièrement mais je suis toujours curieuse de ce que fait le polar scandinave, donc merci ^^
(c'est Meetic :))
Le polar scandinave produit des titres (et adaptations souvent derrière) plaisantes.
Ici ça n'annonce pas mais ça fonctionne.
(Merci de m'avoir corrigée, au moins la démonstration est faite que je n'utilise pas l'appli :p)
Quel billet complet!!! J'ai beaucoup aimé ce roman. Je connaissais déjà Hole et c'est vrai que Katrine est un peu de côté mais c'est dû à sa promotion ;-) Avant elle était dans la cellule parallèle!! C'est le cas aussi de Aune qui est vraiment très important dans le précédent.
Je suis contente de lire un avis aussi enthousiaste, c'est en effet un excellent thriller. Beaucoup de plaisir pour ma part aussi dans le fait de retrouver des personnages et de voir leur évolution (car le précédent opus Police avec lequel j'ai découvert l'auteur et Harry Hole se situe environ 2/3 ans avant je pense) y compris les personnages comme le chef de la police opportuniste ou son homme de main.
J'adore la dernière phrase de ton billet !!!
Je te remercie de m'avoir fait un petit point historique sur les personnages. C'est sûr que ce titre pris individuellement et sans en savoir plus que ça du background des persos, leur traitement ici m'a un peu surpris.
Mais rien de bien grave hein.
Tu as repris la série depuis le début du coup? Perso, c'est ce que je compte faire dès que possible. J'ai vraiment apprécié le rythme, la manière de mener l'enquête. J'espère que je serai toute aussi positivement surprise parles autres titres de l'auteur.
Et merci de ton appréciation :)
Et ben, tu me donnes envie de relire du Nesbo ! J'ai lu une bonne partie de la saga il y a quelques années et beaucoup apprécié (même si beaucoup oublié aussi, vive la mémoire de poisson rouge...)
Bon team Doris aussi ici :p
J'arrive après la bataille, je me doute que beaucoup de personnes ont déjà lu pas mal des titres de cette série Hole (en tout cas, celleux qui sont fan). Je te souhaite en tout cas, d'y prendre autant de plaisir qu'avant :)
Je ne connais l'auteur que de nom mais la façon dont tu parles du personnage récurrent de flic, j'ai l'impression de voir celui de Thilliez. Et malgré que ce roman me semble parfaitement mené, je vais pas me lancer dans cette série car, me connaissant, je voudrais prendre la série par le début. Et 11 titres… C'est beaucoup. De toute façon, je crois que c'est le genre d'auteur dont je trouverais un de ses jours un roman dans une boite à livre.
Au passage, belle chronique, une nouvelle fois. (j'ai failli le rajouter à ma wish…) ;)
C'est un flic comme on en voit des tonnes dans les livres ou films : écorché, à la limite ^^
Pour ça, rien de neuf sous le soleil. L'intérêt est ailleurs :)
11 titres, ouaip ça pourrait faire peur. M'enfin, es-tu vraiment à une série près? :p
Je suis quasi persuadée que tu y viendras plus vite que tu ne le crois ^^ ahah
(merci :p )
Bonsoir, ce n'est pas pas mal mais ce n'est pas mon Nesbo/Hole préféré, les histoires de vampires ne m'emballe pas plus que cela. J'ai préféré le dernier en date : Le couteau et les trois qui ont précédé La soif : Le léopard, Fantôme et Police. Bonne soirée.
Bonsoir Dasola
Il s'agit plus d'une pathologie nommée vampirisme que d'une histoire de vampires à proprement parlé. :)
J'ai tous les autres romans à rattraper. Finalement, ce n'est pas plus mal de savoir que des titres encore meilleurs m'attendent. Ils sont bien notés, je t'en remercie :)
Bonne soirée à toi
Coucou,
non je n'ai pas commencé depuis le début (je n'en ai lu que 3 ) mais j'ai entendu beaucoup de bien de volets précédents alors je pense que je m'y plongerai en effet à l'occasion!
Belle journée!
D'acc :)
Nous aurons peut-être l'occasion d'échanger nos avis dans le futur alors (vu que je compte poursuivre ma lecture de l'auteur.
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