Le peintre d'éventail - Hubert Haddad
25/05/2014
L'auberge de l'ange gardien
Dans la contrée d'Atôra, il est une pension tenue par Dame Hison. Dans cette pension, diverses solitudes se croisent, se mêlent mais vibrent aussi sur des cordes différentes. Ici, se joue aussi la transmission d'un art, celui de la peinture d'éventails car, non loin de la pension, un sublime jardin abrite maître Osaki qui œuvre discrètement à l'harmonie du lieu et, à en rendre toute la beauté par ses pinceaux et ses haïkus. Matabei venu trouver comme d'autres refuge dans cette pension, va nouer une relation privilégiée avec ce jardinier si spécial, avant de lui-même passer du statut d'élève à maître et veiller contre vents et marées à la survie de l'âme du lieu et de ses pensionnaires.
Je retiens deux choses de ce roman :
Une 1ère partie qui se livre sous un rythme lent, qui se veut une peinture poétique et tendre des lieux, des personnages, qui nous livre une ambiance toute particulière. Je l'ai trouvée cette première partie hautement descriptive, invitant à la contemplation et à la rêverie. Elle m'a demandé d'être patiente, de savourer juste les mots et l'écriture de ce romancier que je ne connaissais pas. Peut-être un peu trop de langueur, un peu trop "paisible" à mon goût, quand bien même des drames se jouent. Un peu trop dans l'ébauche des personnages pour qu'ils éveillent un véritable attachement, pour qu'ils me rendent curieuse et impatiente de leur devenir. Parce qu'au final, on devine plus qu'on ne lit la part d'histoire et de drame qui est celle de la plupart des personnages de la pension et de leur maîtresse. Et, on attend que ça s'emballe tout ça, que ça nous emporte au-delà d'un simple regard posé sur un tableau qui, certes est très beau mais qui semble par trop immobile.
Et puis, arrive cette 2nde partie qui rompt le rythme précédent, secoue le lecteur presque assoupi et l'ensemble se mue en un récit mouvementé (en regard du premier). On en halèterait presque d'être dans les pas de Matabei quand il essaie de lutter de rapidité avec les éléments qui se déchaînent en contrebas ; quand il se précipite vers ceux qui sont devenus en quelque sorte les siens depuis son arrivée à Atôra, quand il se rue vers celle qui obsède son esprit maintenant. Je l'avoue, j'ai été bien plus séduite par cette part-là du récit, comme si quelque chose en moi ne pouvait pas ne se satisfaire que du Beau donné à voir dans le récit premier. Comme si j'en appelais à quelque chose de plus tumultueux et que de le trouver enfin avait assouvi quelque chose. La catastrophe dépeinte par Haddad est renversante, la nature en mouvance et non plus figée m'a transportée. Et c'est alors un tout autre regard que j'ai posé sur le roman et, enfin, j'ai pu m'approprier les émotions de Matabei et finir cette lecture en me sentant rassasiée.
Voilà donc un roman qui m'aura à la fois impatientée et comblée. Mais je n'ai aucun doute sur le fait que l'écriture d'Hubert Haddad saura plaire aux amateurs de prose, d'art et de poésie au charme nippon.
Je remercie les Éditions Folio pour ce nouveau partenariat qui me vaut la découverte d'un nouvel auteur et d'une belle plume.
5 commentaires
Tu as vraiment été plus emporté que moi avec cette lecture ^^ J'ai vraiment aimé l'écriture de l'auteur cependant la deuxième partie ne m'a pas apporté plus d'éclaircissement concernant l'histoire =) C'est comme ça ! En tout cas, je suis ravie que ce bouquin t'ait plu :D
C'est particulier ! La culture nippone ne manque jamais de provoquer chez moi une appréhension que je ne m'explique pas et que je n'arrive pas toujours à dépasser !
Une première partie lente, très peu pour moi en ce moment.
De même pour moi, j'ai besoin de lectures rythmées pour ne pas m'endormir, en ce moment ! As-tu lu Neige de Maxence Fermine ? Je me souviens plus... Très joli et court roman sur l'apprentissage des haïkus !
@ Alison : emportée je l'ai été un peu plus par la seconde partie, la 1ère m'a demandé beaucoup plus de patience en fait. Il faut dire que je sortais de 2 lectures qui m'avaient transportée de bout en bout avec de très fortes émotions donc... La seconde partie ne nous donne pas vraiment plus d'éléments de réponse mais elle est dans un rythme un peu plus "palpitant" on va dire, et du coup ça m'a suffit :) Il faut que je repasse lire ton avis d'ailleurs.
@Ingrid : un peu comme moi avec les auteurs nordiques ^^ Pourtant ce roman est écrit par un auteur tunisien, son écriture reste très belle ceci dit et pour ça on pourrait conseiller ce roman. Mais je serai plus pour dire qu'il faut laisser aller les gens vers ce roman quand ils en ont envie que de dire ici "il faut le lire!".
@Alex : on a tous nos moments propices à telle ou telle lecture ^^
@Sol : eh non je n'ai pas lu Maxence Fermine encore. Encore un auteur à découvrir! Je suis pas trop tentée par le genre poétique habituellement mais à l'occasion why not.
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