Des nouvelles du monde - Paulette Jiles
30/08/2019
Sur la route toute la sainte journée
1870, Johanna Leonberger enlevée par les indiens à l'âge de 6 ans a été restituée au Bureau des affaires indiennes. A Wichita Falls, l'agent Britt Johnson reconnaissant son ami le Capitaine Jefferson Kyle Kidd lors d'une séance de lecture publique, décide de lui confier la sauvageonne. Sa mission : ramener la gamine à San Antonio où vit ce qui lui reste de famille.
L'ancien coursier accepte le deal bien que sachant la route vers le Sud longue et périlleuse. Elle le sera d'autant plus que l'enfant désire plus que tout retourner près des siens, les Kiowas.
Quand on pense western, on pense automatiquement film avec cowboys et indiens. La littérature du Far West n'est pas nouvelle pour autant. Wikipédia indique même qu'elle était antérieure à son traitement cinématographique. Bref, le western dans nos esprits c'est un décor, l'Ouest américain et une période, la fin du XIXème siècle. Des nouvelles du monde respecte la charte, on est en plein Texas, en 1870.
Pour le reste, il n'est pas question d'affrontements sauvages entre indiens et cowboys, mais il y a des affrontements...
Le récit est un voyage à travers le Texas, un voyage où le cheminement ne tient pas qu'à la route. Le capitaine Kidd et Johanna vont faire aussi un cheminement intérieur. Lui, le vieil homme un peu bourru, un peu fatigué et à bout de souffle, elle l'enfant perdue aux siens par deux fois, sauvageonne et éprise de liberté.
L'homme est bourru, taiseux mais il est aussi généreux, honnête et sensible. L'enfant ne s'y trompe pas. Elle qui a perdu tous ses repères, elle qui ne connaît plus rien de ce monde "civilisé" dans lequel on lui demande maintenant d'évoluer.
Des nouvelles du monde c'est l'histoire d'un apprivoisement. Mutuel en définitive.
C'est aussi l'histoire d'une région tout ce qu'il y a de plus brute, âpre, féroce. Une terre de conflits, et pas des moins violentes, pas des moins dangereuses. Imaginez-y un vieil homme dans un chariot branlant et une petite fille. L'autrice nous amène à ressentir véritablement la tension de ce périple Texan. Et si le danger est omniprésent, si la garantie d'arriver à bon port est incertaine, il n'empêche que jamais je n'ai trouvé le voyage aussi beau. Presque trop court, tellement l'envie de rester auprès des personnages était forte.
Enfin, à travers le personnage de Johanna Leonberger, c'est toute l'histoire des enfants enlevés par des tribus Amérindiennes qui est abordée. Leur état psychologique, leur difficulté à se conformer à une culture qu'ils ne reconnaissent plus comme leur. Une réinsertion quasi impossible, traumatisante tant leur vie au sein de ces tribus était ancrée en eux.
Surtout ce que je voudrais vous dire, c'est que moi, j'étais dans ce chariot en compagnie de kepten Kidd et de Chohanna. Et tous les trois, on a fait un sacré voyage. De ce qu'on oublie pas, riche d'émotions et rencontres.
Et de la même manière qu'un immuable lien s'est tissé entre le capitaine et la fillette, un lien tout aussi fort s'est tissé entre eux et moi. C'est vrai, j'ai souri et ri avec eux, j'ai tremblé et eu les larmes aux yeux tout comme eux (foutue poussière de chemin hein). Bref, ils m'ont apprivoisée et conquise.
Paulette Jiles a bâti son roman de manière classique, avec un scénario tout ce qu'il y a de plus simple. Cela n’entache ni sa qualité, ni sa force, ni le fait que ses personnages et les émotions qu'ils provoquent perdurent en vous au-delà de la dernière page tournée. C'est une belle histoire, humaine, oui vraiment humaine et bon sang, que j'aime ça.
"Cynthia Parker s'était laissée mourir de faim lorsqu'elle était retournée auprès de ses parents blancs. D'autres personnes anciennement captives étaient devenues alcooliques, solitaires, bizarres. Des êtres étranges à l'esprit bizarrement formé, jamais totalement une chose ou une autre. Ceux et celles qui avaient été enlevés enfants, puis rendus à leurs familles, étaient tourmentés, avides de réconfort spirituel, abandonnés par deux cultures, des étoiles filantes sombres perdues dans l'espace."
"Johanna n'apprit jamais à accorder de la valeur à toutes ces choses si importantes pour les Blancs. La plus grande fierté des Kiowas était de faire sans, d'utiliser ce qu'ils trouvaient ; il y avait même une sorte d'orgueil dans leur capacité à vivre sans eau, sans nourriture, sans abri. La vie était dangereuse, et rien ne pouvait changer cela, ni les robes à la mode ni les comptes en banque."
"Ceci est une imprimerie
Carrefour des civilisations
Refuge de tous les arts contre les ravages du temps
Armurerie de vérité courageuse
Contre le murmure de la rumeur
Et l'incessant tapage du commerce
Que de ce lieu des mots puissent s'envoler
Sans périr dans les flots du bruit
Sans varier en fonction de la main de l'auteur
Mais figés dans le temps
Après avoir été vérifiés
Ami, tu es sur une terre sacrée."
Merci aux Editions Folio pour cette énième belle découverte.
18 commentaires
Il faudrait que je sois bien bête pour ne pas me laisser apprivoiser après un tel billet ! Quand le voyage est aussi fort, j'aimerais en être moi aussi, car en faire partie devient un privilège ;-) Une histoire humaine : tout est dit ! Merci de nous avoir fait monter dans ce chariot durant ces quelques précieux instants ! Bacioni :)
Je crois qu'il y a de la place dans ce chariot pour un bon paquet de lecteur.ices.
Je ne sais pas si je dois te souhaiter de goûter à la poussière du chemin qui pique les yeux... Oh et puis si, tu verras c'est de la bonne.
Bises en retour
Un billet bien tentateur, et une lecture qui doit être dépaysante.
Dépaysement garantie, comme les émotions Alex :)
Je prends enfin le temps de lire ta chronique ! Ton post insta m'avait intriguée, je ne connaissais pas du tout ce titre et je sais qu'il pourrait me plaire ! Merci pour la découverte !
:)
Je pense que s'il n'avait pas été proposé dans la sélection Folio, je serais passée à côté.
Il me semble qu'il a tous les éléments pour t'emporter.
(de rien, à charge de revanche ^^ )
Il a l'air chouette ce livre ^^
La colonne de texte est plus large non, tu as changé de layout ? C'est cool :) Par contre, honnêtement, je t'avoue que les citations surlignées en vert ce n'est pas lisible du tout :/
Il l'est selon moi (et d'autres, ce qui est un bon indice quelque part :p )
Oui plus large, je n'étais pas du tout satisfaite de la précédente. Même en allant dans le template, je n'arrivais pas à trouver comment le modifier. Et le support, que j'avais sollicité m'a en gros dit de me "démerder" ^^
J'ai donc changé pour celui-ci.
Merci de ta remarque, j'ai modifié les couleurs. Je n'ai pas de souci de lisibilité là, tu me diras si ça passe mieux.
(j'ai un petit jeu de couleurs en écho avec la 1ère couv' auquel je tiens un peu, mais si ça passe pas, ça passe pas hein)
Ça va mieux là, merci ^^
:)
Le genre est peut-être ancien mais il est plus trop à la mode. Et c'est bien dommage. En tout cas, ta chronique donne envie de plonger dedans.
Quand j'y pense, 1000 femmes blanches se passe dans le même univers mais pas du tout le même point de vue.
Je ne sais pas toi, mais moi par exemple quand j'étais petite j'adorais les westerns. Aujourd'hui, ils m'intéressent moins. Et pourtant à chaque fois qu'il m'arrive d'en voir, je les trouve vraiment sympa.
Je devrais peut-être en lire plus aussi dans ce genre.
Et 1000 femmes blanches, j'en ai eu pas mal de bons échos, notamment via notre bookclub lyonnais.
(Merci Nico d'être passé me lire et pour tes mots. J'apprécie toujours)
Pas spécialement quand j'étais petit. J'aime aussi les westerns car il y a une sorte de simplicité dans les rapports, un manichéisme rassurant.
Pour 1000 femmes blanches, j'ai jamais pensé en le lisant que c'était un western. En tout cas, l'idée que je me fais du western par le cinéma. Ça doit pas être facile à trouver dans les bacs ce genre là.
Merci à toi également de venir faire bondir mes stats de blog à chacun de tes passages. Il n'y a qu'avec toi que Wordpress m'envoie un message pour m'annoncer cette augmentation des visites. ;)
Je crois que c'est aussi lié au fait que quand j'étais petite, beaucoup de westerns passaient à la télé. Et c'est vrai qu'il y avait ce côté, le bien triomphe toujours. Enfin presque toujours, parce que je me souviens d'un film avec John Wayne (dont j'étais amoureuse, chut!) et à la fin, il mourrait... (sadness)
Tu as raison, il n'est pas facile d'identifier le genre, que ce soit en librairie ou bibliothèque.
Eheh, je vais avoir une réputation de booster de com à défendre alors :p Je devrais me faire rémunérer à coup de saucisson (j'aime ça, mais pas trop le droit d'en manger...) vu le temps que ça me prend de passer sur les blogs :p Mais je ne le ferais pas si ça ne m'apportait rien en retour :)
Un apprivoisement mutuel tout à fait. Des liens qui se créent. J'ai apprécié cette fin. L'un et l'autre n'interfèrent pas du tout sur les choix de vie de l'autre, pas de jugement, une complicité qui dépasse les mots. Je ne doutais pas que leurs liens perdureraient mais je craignais que leurs chemins se séparent...
C'est tout à fait ça, juste une acceptation mutuelle de ce que l'autre est. Et j'ai eu la même crainte, tout en espérant fortement que ça n'arrive pas ^^
Intrigant en tout cas ! Le côté humain a l'air vraiment intéressant même si le côté western n'est pas trop ma tasse de thé.
Écoute si ça peut te rassurer, mis à part le cadre, je n'ai pas eu le sentiment d'avoir affaire à un western. C'est plus pour moi un road-trip (version vieille cariolle) et surtout une vraie aventure humaine. Une très belle histoire.
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