Planetfall - Emma Newman
01/09/2019
Sur une exoplanète, un groupe de Terriens triés sur le volet, a construit une colonie au plus près de ce qu'ils nomment la Cité de Dieu où a disparu Lee Suh-Mi, l’Éclaireuse. De l'équipe scientifique ayant ouvert la voie de cet Eden à sa suite, il ne reste vingt deux ans plus tard que Renata Ghali, pilote du vaisseau Atlas et Cillian Mackenzie, son capitaine.
Alors que tous se préparent pour la célébration annuelle de la graine, un inconnu est découvert aux frontières de la colonie. Étrangement il a les traits de Lee Suh-Mi. Ren et Mack bien que méfiants font en sorte que l'étranger soit accepté par les colons.
Mais qui sait ce qu'il va leur en coûter.
J'ai fait l'acquisition de ce roman lors de mes premières Utopiales, en 2017. Après avoir écouté Emma Newman lors d'une conférence rencontre, j'ai été assez intriguée par l'univers dont elle parlait.
Bref, parlons du bouquin.
Je dois dire que je n'ai ressenti aucune peine à la lecture de ce roman. Certes il est court, mais je l'ai lu très rapidement et plutôt avec empressement (ok c'est aussi parce que je pars en voyage et ne peux pas l'emporter avec moi ^^), en tout cas avec un vrai intérêt pour l'histoire.
Le lecteur se trouve directement immergé dans le récit par le fait que la narration est à la première personne. Je sais que le "Je" peut désarçonner un certain nombre de lecteurs, mais ce n'est pas mon cas. La voix donc qui porte le récit est celle de Renata Ghali, une ingénieure multi-facette, surtout spécialisée dans les imprimantes 3D (réparation, entretien, constructions).
Cette femme, pionnière de la Colonie est complexe, intrigante.
Rapidement, on comprend que l'on est dans la tête d'une personne psychologiquement torturée. Par son passé, par son présent et son devenir. Elle était liée à l’Éclaireuse Lee Suh-Mi sentimentalement, son souvenir la hante. Au-delà du manque, on ressent surtout une culpabilité dévorante.
Ses relations aux autres s'en ressentent en cela qu'elle est dans le contrôle continu de ses sentiments, ses émotions. S'ouvrant peu à eux, même à Kay, la soigneuse de la colonie avec qui elle a une relation chaotique.
Petit à petit, au travers de flashbacks, elle lève le voile sur son histoire mais aussi sur celle de ses premiers compagnons et de la communauté présente, de leur environnement. La Cité de Dieu, complexe extra-terrestre découvert par son équipe, apparaît mystérieux, voire hostile. On ne peut s'empêcher de se demander quel secret dissimule les entrailles de ce lieu. D'ailleurs, quelques éléments de cette Cité m'ont ramenée à ma lecture récente de Les Étoiles sont Légion, par leur aspect organique notamment.
Dans le fonctionnement de la colonie aussi avec le recyclage, mais ici la comparaison s'arrête à cette notion.
Ren interagit principalement avec Cillian Mackenzie, alias Mack. Il est comme elle le réceptacle du pourquoi/comment ils se sont installés sur cette planète, du pourquoi elle ne trouve pas la paix. Bien qu'elle peste souvent à son encontre, elle le suit et l'écoute comme elle a suivi Lee Suh-Mi, à la différence qu'entre eux, il n'y a jamais rien eu de sentimental. Il n'empêche, ils sont liés par quelque chose qui pourrait mettre en danger l'équilibre de la Colonie.
Quelque chose dont peut-être Sung-Soo, l'inconnu portant les traits de l’Éclaireuse, est au courant. Si l'origine de ce personnage trouve une explication, il reste que tout au long du récit, le lecteur le considèrera avec réserve, dès son apparition. Après tout ne porte-t-il pas dans ses entrailles une menace?
Pourtant, le jeune homme est plaisant, docile, curieux de tout, prévenant. Peut-être trop. A la limite de l'intrusion.
A tel point, qu'il met à jour les failles de Ren, sa défaillance psychologique. Elle se sent menacée. Mais le danger est-il avéré ou est-ce son esprit perturbé qui lui joue des tours? Mystère, suspens.
Dans Planetfall, il est beaucoup question d'imprimantes 3D et de tout ce qu'il est possible de faire avec dans ce futur-là. Que ce soit sur le plan technologique, culinaire, architectural, vestimentaire et médical, tout est réalisable. Et personnellement, je trouve ça fascinant. Aux Utopiales justement, l'an dernier, j'ai pu voir des petits bouts d'os produits par une imprimante 3D. Sur le plan médical, c'est une technologie porteuse de tellement d'espoirs. Si aujourd'hui, on peut déjà réaliser tout un tas de choses avec ces fameuses imprimantes, on n'en est pas encore au point de faire à manger avec. Mais imaginez ^^
Bref, je m'égare.
Dans ce futur, les humains sont interconnectés grâce à des implants qui leur permettent à la fois de communiquer, mais aussi d'avoir accès à une banque de données ou encore de pouvoir disposer d'une surveillance médicale de tous instants.
Maintenant, comme toute avancée scientifique/technologique, le personnage de Ren laisse entrevoir le problème de tels implants. Confidentialité, déconnexion neuronale fixée par une alerte si seuil de violence dépassée (bonne idée en soi MAIS), sollicitations et interventions intempestives des logiciels liés à l'implant.
Bref, tout n'est pas si rose dans le meilleur des mondes.
Les relations au sein de la Colonie ne se révèlent pas toutes heureuses. Certaines divergences d'opinion apparaissent. Des humains avant tout, dans toute la splendeur de leurs qualités et défauts.
A bien y regarder, la planète elle-même n'est pas spécialement décrite sous ses meilleurs aspects. Les spores (bactéries et champignons) qui la constituent, sa faune végétale semblent plus être une menace qu'autre chose. Entrer en contact avec le sol, au-delà des dômes de la Colonie n'est pas très engageant. Hostile est le mot qui vient à l'esprit. Mortel même.
Mais j'ai aimé m'immerger dans ce roman qui s'interroge aussi sur la religion et le pouvoir que la foi confère dans une certaine mesure. Il n'y est pas question véritablement de jugement, mais on notera que ces scientifiques pionniers (et ceux qui les ont accompagnés) avaient en eux une foi, que ce soit celle de suivre Lee Suh-Mi, personnage semble-t-il immensément charismatique, forte de ses convictions, ou celle de trouver des réponses à leur place dans l'univers ou une autre vie dans ce dernier peut-être.
On pourra se dire qu'il y a toutefois dans la manière de montrer certains personnages, une critique de la Foi extrémiste, celle qui cherche à s'imposer aux autres, celle qui rend aveugle la foule et conduit au mensonge.
Emma Newman a écrit un roman qui m'a tenue rivée à ses pages, avec une héroïne humaine, faillible, touchante en cela. Certes, elle prend dans le récit toute la place et il eut été plaisant d'entendre aussi la voix de quelques-uns des autres personnages présents. Pour autant, c'est une lecture vraiment plaisante, même avec cette fin plus ou moins ouverte.
"Arpenter la cité de Dieu me donne l'impression d'errer dans les intestins d'une créature gargantuesque, à la façon dont les tunnels suintent et se tordent. Bien que les maisons soient cultivées à partir de matériaux organiques, cet endroit paraît plus proche de l'intérieur d'un être vivant, d'une créature à mi-chemin entre les règnes végétal et animal tels que nous les entendions sur Terre."
"Je crois que chaque mensonge a sa propre inertie. Un mensonge isolé parvient difficilement à ses fins, c’est un grain de sable dans la main ; mais bien vite, les grains s’accumulent, et aucune poigne n’est alors assez forte pour les retenir. "
Cette lecture s'inscrit dans le Summer Star Wars Solo Challenge du RSFBlog de Lhisbei et son monsieur. 2ème et dernier titre qui sera lu dans ce cadre. Maintenant place aux vacances ^^
D'autres avis ?
Xapur sur Les lectures de Xapur
14 commentaires
Une narration à la première personne ne me gène pas non plus. L'impression d'être dans la tête du personnage, dans une sorte de huis clos cérébral colle bien à certaines histoires. En revanche, je me demande ce que cela donne dans un planet opera où la pluralité des voix permet d'envisager un environnement sous des angles différents.
Je suis curieuse de tenter ce roman, la SF a toujours un pouvoir attractif chez moi, et ton billet n'est pas pour m'en dissuader, bien au contraire ;-) Merci
En fait c'est ça précisément Lupa, tu as trouvé le mot qui résume la situation, un huis clos mental. Ah que ne l'ai-je écrit moi même! :p
Et ça s'explique pour maintes raisons donc ce Je.
Alors forcément, comme tu le soulignes, l'univers dans lequel évoluent les personnages de cette histoire n'est perçu qu'à travers le prisme de Ren. Après, elle mentionne quand même souvent les sentiments ressentis par certains autres persos, ce qui permet aussi d'un peu mieux les cerner eux aussi.
Pour le reste, j'espère que le récit t'emportera.
On ne t'arrête plus !
J'ai très envie de lire ce livre, le seul souci c'est qu'on verra sans doute jamais la fin de la série...
Les partes ça booste, surtout quand y a une deadline. Et puis, y avait aussi le départ en vacs... Bref la motivation était au rendez vous, avec l'envie. Quand les lectures ont été bonnes, ça aide en plus ^^
On ne la verra pas en VF, mais il me semble qu'elle existe en VO, où je me trompe?
En tout cas, c'est une histoire qui fait passer un vrai bon moment.
Je ne connaissais pas du tout et j'aime bien ce que tu dis sur l'héroïne, hop dans la Wish
Bonjour Elhyandra et merci de ton passage ici.
Je te souhaite de passer un bon moment avec le personnage de cette histoire et dans cet univers. C'est quasi un huis clos tant on est enfermé dans son esprit mais ça se passe bien :p
Je suis comme Tigger Lilly, ça me tenterait plutôt bien, mais le fait de savoir qu'on ne verra peut-être jamais les derniers tomes en français me font douter de me lancer. =/
Ben quand je l'ai acheté, je ne savais rien de ce problème éditorial. Et à vrai dire, je crois que si l'envie me prend vraiment de lire la suite (qui ceci dit n'est pas une suite au sens littéral du terme vu qu'elle ne reprend pas les mêmes persos, d'après ce que j'ai compris), alors je lirai en VO.
Donc pour te rassurer je pense que ce tome se lit de manière tout à fait indépendante de la "suite"
Intriguant ce que tu dis de ce roman. Généralement, je ne fais pas attention si c'est à la première ou à la 3e personne. Sauf quand c'est à la 2e (qui verra la référence?) quand c'est bien écrit et cohérent, ça me va.
Pourquoi Tigger Lilly est si pessimiste sur la suite de la série?
Personnellement, le JE, le TU, ou le IL, je m'en carre complètement. Parce que comme tu dis, ce qui importe c'est que ce soit bien écrit et l'histoire prenant.
Je ne saurais même pas dire si je suis si à cheval sur la cohésion quand je lis de la SF (c'est quoi la cohésion dans un univers futuriste imaginaire de toute façon? Je n'ai pas les connaissances scientifiques ou techniques pour ça)
Comme je disais à Baroona, la suite doit être entendue dans le sens "série dans le même univers, reprenant quelques points de cet univers mais pas ses personnages précisément".
De ce que j'ai cru comprendre. Ce qui m'a d'ailleurs surprise car je m'attendais vraiment à une vraie suite.
Bref ce titre se lit très bien comme si one shot.
Et il y a un problème d'édition en version française apparemment. ^^ (je n'en connais pas la raison)
Roman terminé à l'instant. C'est fascinant même si j'ai bien envie de lire la suite en VO pour en savoir un peu plus. Et puis, pauvre Ren...
Les personnages de cette histoire ne sont pas repris dans la suite. D'après ce qu'on m'a dit. Ça m'a fait bizarre parce vraiment, je pensais que ce qui arrivait à Ren appelait une suite la concernant.
Elle traverse des moments difficiles, en partie parce qu'elle doit assumer le passé. Personnage intéressant oui. Et l'univers m'a bien plu avec ce qu'il projette d'avancées techno, etc. Et ça donne à réfléchir sur l'idée de contrôle de nos données, sur la vie privée, etc.
J'irai lire ta chronique
Chouette bouquin, j'avais beaucoup aimé ma lecture. Il faut que je penche sur sa suite qui est dans ma PàL. Et si faut passer à la VO ensuite, on verra...
Oui très sympathique.
Je trouve dommage qu'il n'y ait pas de traduction française de la suite. Je veux dire, à quoi ça rime de faire le nécessaire pour un seul titre et pas les autres? Le livre n'a pas rencontré suffisamment de succès pour valoir l'investissement? Je sais pas, je me pose la question en fait :p
Mais bon sinon, je lirai en anglais (en soi ce n'est pas plus mal, juste un petit effort supplémentaire)
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