Le Cycle de Syffe - T.1 L'enfant de poussière - Patrick K. Dewdney
14/09/2021
Syffe, 8 ans, orphelin sang mêlé de Corne-Brune, partage une vie misérable avec ses compagnons de la Ferme Taron.
Alors qu'il commet un vol à l'étalage, le terrible première-Lame Hesse lui tombe sur le paletot.
L'enfant voit son heure venue, loin encore de s'imaginer que l'homme va au contraire le prendre sous son aile.
Dans ce temps suspendu entre enseignements, missions et tâches ingrates, Syffe se croit tiré du ruisseau, promis à un avenir héroïque.
Mais c'est sans compter les luttes de pouvoir, les intrigues de la Cité dont le gamin ne saisira que trop tard la portée et les conséquences pour lui.
Instrumentalisé, abusé, Syffe devra alors tout quitter pour sa survie.
Alors que je m'apprêtais à me lancer dans cette saga, je me suis remémorer les avis des copinautes. Enthousiastes à la quasi unanimité. Je ne m'étais pas lancée, retenue par le nombre de tomes annoncés (7), leur taille (de beaux pavés de plus de 600 pages), par le nombre d'autres sagas en cours de lecture (L'assassin royal, Les aventuriers de la mer, Sharko et Hennebelle, etc).
Puis lorsque j'ai reçu cette proposition de partenariat estival pour les 3 tomes du Cycle de Syffe (les 2 premiers édités chez FolioSF en poche et le 3ème tome au Diable Vauvert paru le 9/9/2021), je me suis dit que l'occasion était trop belle pour passer outre.
Restait à savoir si j'allais réussir à dépasser la fatigue, trouver un bon rythme et prendre du plaisir à cette lecture.
Et il s'avère que petit à petit, à longueur de pages, je me suis surprise à avoir envie de retrouver Syffe de plus en plus tôt dans ma soirée.
Quel meilleur signe de réussite que cette impatience à vouloir revenir dès que possible à son livre en cours?
Je vais rapidement me débarrasser des petites réserves à l'encontre de ce tome 1er. Ce sera bref et anodin tant l'ensemble est de qualité.
Premièrement, j'ai ressenti une forme de lenteur dans le récit mais qui tient plus au souci du détail dont a fait preuve l'auteur afin de poser l'univers de son cycle qu'à un problème de rythme. Le récit se parent donc de nombreuses descriptions, caractéristiques des personnages, caractéristiques des contrées traversées, des peuples rencontrés, des armes, us et coutumes, etc. C'est certes poétique, certes très visuel, voire sensitif, amenant profondeur et réalisme (et c'est important!) mais à répétition, ça finit par engendrer chez moi une forme d'impatience, une envie de mouvement, d'action.
Reste que ce n'est absolument pas rédhibitoire et, que j'en comprends tout à fait la nécessité, si tant est que cela ne me sorte pas du récit. Je sais aussi que d'autres lecteur.ices sont fervents de ces descriptions et en ont besoin pour comprendre l'univers dans lequel iels entrent.
Deuxièmement, une forme de répétition de situation qui amène une préparation, une anticipation des évènements, cassant un peu la surprise de certains rebondissements. Et aussi, une défiance à s'attacher aux personnages (vaine tentative cependant).
Voilà pour les légères réserves.
Maintenant qu'est-ce qui fait la force de L'enfant de poussière?
Des personnages forts et intelligemment construits.
Syffe, c'est un peu le pendant de Fritz. Rapidement attachant, légèrement agaçant, malmené par la vie, trahi, courageux malgré tout, entouré d'une certaine aura, la sienne propre mais aussi celle de ceux qui l'emmènent dans leur sillage.
Un personnage vraiment bien brossé dont on sent d'emblée l'importance pour le monde dans lequel il évolue et évoluera. Un gamin voué à une grande destinée, qui le dépassera peut-être même.
On ne peut pas parler de Syffe sans parler des personnes qui gravitent autour de lui. Alors que Syffe se ressent comme en construction (je le rappelle, il a 8 ans au début du récit), quasiment tous les autres (hors les compagnons d'enfance), se voient du haut de leur position, stature et ils en imposent par leur force, sagesse, rigueur. Que ce soit Hesse le 1ère Lame, Nahirsipal le Maître chirurgien, Uldrick le guerrier Var, ces personnages bien que secondaires accrochent le regard, apparaissent d'emblée importants pour faire vivre le récit. On les sent taillés à la hauteur du gamin, propre à le faire grandir et s'imposer à son tour dans le monde.
Patrick K. Dewdney les a soignés dans chaque détail physique et psychologique, de sorte que la lectrice que je suis reste marquée du souvenir de ses personnages, de leurs mots et actes.
Un univers vaste et des thèmes d'importance.
Par univers, j'entends notamment la construction des différentes ethnies, peuples qui prennent part au récit. Là aussi on sent le soin apporté par l'auteur à chacun d'eux, aucun n'est là par hasard. Il ne se contente pas de les évoquer, il amène le lecteur, dans les pas de Syffe, à leur rencontre. Lui permet de comprendre leurs origines, leur structure, leur fonctionnement, leur influence dans le monde dans lequel ils évoluent.
C'est une vraie force du récit qui engage l'empathie du lecteur, sa curiosité et son intérêt.
D'ailleurs ces peuples sont aussi un moyen de comprendre les enjeux géo-politiques du monde dans lequel s'inscrit le roman. Les tensions et guerres qui viennent le bouleverser, le transformer par le jeu des alliances et trahisons de toutes sortes.
Enjeux sociologiques aussi.
Chez les Vars par exemple, on apprend que les relations entre humains dépassent les tabous de genres, que les femmes peuvent être des guerrières tout autant craintes et respectées que les hommes. J'ai vraiment apprécié la philosophie de vie des Vars, leur sagesse et leur force. Et certainement que le personnage d'Uldrick et ses compagnons d'arme y est pour beaucoup.
Avec les Claniques de Corne-Brune, c'est le peuple dont j'ai le plus apprécié la philosophie de vie.
Nahirsipal, Uldrick, le mystérieux Pélegrin sont autant de pistes de réflexion sur la religion, les croyances et ce qui gouverne les Hommes. Cela apporte de la profondeur au récit ainsi qu'au jeune Syffe, qui développe son esprit critique et se doit d'affirmer sa pensée.
C'est ça aussi grandir, abandonner certaines convictions d'enfant, s'ancrer un peu plus dans la réalité tout en laissant une porte ouverte à une possible magie.
Cette magie, elle s'insère dans le récit doucement, par vagues qui avancent puis se retirent bouleversant notre jeune héros, me laissant moi perplexe et inquiète.
L'aspect fantasy tient en grande partie à l'insertion de cette magie antique, mystérieuse, mystique.
Mais il n'apparaît pas que là, il est aussi dans le temps de la guerre, lorsque les flèches sifflent, lorsque les boucliers se heurtent, dans l'horreur des corps ouverts en deux qui tombent, dans les scènes de bataille sauvages et effrayantes que vit le jeune Syffe.
On le sent encore dans les évocations des ogres et peuples anciens, dans celles de certaines légendes.
Le style.
Précis, soigné, détaillé, visuel, poétique, authentique.
Patrick K. Dewdney parvient par son écriture à emmener le lecteur au coeur de l'histoire qu'il conte, à la rendre réelle, intense, parfois affreuse et chaotique, souvent grave et poignante, profondément humaine et vivante.
L'enfant de poussière est une entrée réussie et aboutie dans le monde du Cycle de Syffe. Un roman fantasy initiatique qui voit son jeune personnage vivre très tôt des bouleversements tant intimes qu'extérieur. Un premier tome où la figure du père a une grande place au travers de personnages emblématiques qui vont élever l'enfant au rang de héros.
Un premier tome qui inscrit Syffe dans une destinée qui semble toute tracée et qui pourtant reste bien mystérieuse et pleine de chambardements.
Un premier tome qui s'ouvre sur un monde vaste où tout reste à découvrir.
Si vous avez pris du plaisir à lire L'assassin royal, si vous vous êtes attaché.es à Fritz, il se peut que Syffe conquiert votre coeur de la même façon et que vous deveniez rapidement addict à ses (més)aventures.
"Soit les dieux existent et ils ne sont pas ce que les hommes en disent, soit ils n’existent pas du tout. La seule sagesse qui peut exister ici, c’est dire que nous ne savons pas."
"L'homme sage est capable de discerner les nuances entre ce qu'il sait et ce qu'il croit, parce que la croyance est la plus dangereuse des ignorances."
"Uldrick m’avait assuré, hématome après hématome, que jamais plus je ne serais l’esclave de moi-même.
Que je m’appartiendrais tout entier, même dans la peur, même dans la rage, même dans la souffrance et le désespoir le plus abyssal. Je crois que je le devinais déjà, mais avec le temps qui passe, j’ai acquis la certitude qu’il n’existe guère d’autre liberté que celle-là."
"Il n’est pas déshonorant qu’un homme reste à la yourte pour s’occuper des enfants et des tâches ménagères pendant que sa femme part sur la piste du gibier. Dans les Hautes-Terres, le pragmatisme est un art de vivre et, si une jeune fille tire mieux que son frère ou porte mieux l’épée, il est naturel que ce soit elle qui hérite des armes de la famille."
"Je fus initialement surpris par cette découverte, parce que chez les Brunides, on voue un mépris stupide à ce genre d'hommes, considérés comme inférieurs, des sortes de femmes ratées qu'il est permis de traiter avec tout le dédain que l'on souhaite. Les Vars, eux, s'en fichaient éperdument, et n'en faisaient aucun secret. Lorsque au lendemain de notre arrivée Eireck me surprit à fixer un baiser entre Sidrick Harstelebbe et son compagnon, un guerrier à la peau mate dont j'ai oublié le nom, mon expression troublée dut l'interpeller. "A Carme", me dit-il sur le ton de la discussion, "les phalangistes ont le devoir d'aimer d'autres hommes. Les généraux pensent qu'un soldat se battra plus férocement pour défendre celui qu'il aime. Là-bas, les femmes sont des matrices et rien de plus. Nous, nous pensons que chacun devrait être libre de ses préférences." Je pris à cœur ces paroles et, lorsque la bizarrerie initiale m'eut quitté, je les méditai souvent pour leur justesse."
Je remercie les Editions Folio de ce partenariat.
12 commentaires
Plus le temps passe et plus je me dis que je ne lirai pas la série, parce que la lenteur et la longueur me font peur, notamment. Et en même temps, j'ai quand même un peu envie de tenter le tome 1. Si ça se fait ça attendra surement que tout soit publié.
La comparaison à Fitz résume assez bien mon ressenti : j'ai adoré lire "L'Assassin Royal", j'en garde un excellent souvenir - et donc je devrais être tenté par Syffe - mais je ne suis pas du tout sûr que je l'apprécierais autant si je découvrais la série aujourd'hui.
Regarde, j'y suis bien arrivée avec mon cerveau si peu disponible pourtant. C'est un bon signe car j'ai échoué à le faire pour d'autres romans tout aussi volumineux.
Moi je dis que ça se tente :)
Pour ajouter un complément à la comparaison entre Le Cycle de Syffe et L'assassin royal, je dirai que l'écriture n'est pas tout à fait identique. Il y a un côté un peu plus mature, dark dans le style de Dewdney.
Quand bien même Hobbes n'épargne pas son personnage.
Tu n'es pas sûr que tu apprécierais autant L'A.R., par rapport à ton âge présent et l'âge auquel tu l'as premièrement lu?
Si c'est ça, je me suis lancée dans l'A.R. en étant adulte et je ne lui ai trouvé aucun défaut :)
Mais encore une fois Le Cycle de Syffe bien que mettant en jeu un personnage très jeune, me fait l'impression de s'adresser d'emblée à un public très large et notamment adulte.
L'univers est foisonnant, vraiment plaisant. J'avais des craintes avant de me lancer et j'en suis bien revenue.
Eh oh, je te vois en train d'essayer de me faire changer d'avis là. =P Tes arguments sont bons, indéniablement. Mais j'ai quand même du mal à avoir envie de me lancer dans une série de 7 briques qui n'est même pas à moitié publiée. On verra plus tard. ^^
Eh ph laisse-moi rêver 2 s que je puisse être une book influenceuse. ;)
Moi aussi j'avais des principes : pas de nouvelle série si pas achevée et voilà ^^
Tout fout l'camp mon bon monsieur (mais c'est bon en même temps)
Je retiens le "on verra plus tard :p)
Très clairement ce qui me rebute ce sont les 7 tomes. Comme j'ai loupé le coche de la sortie du premier, je pense que je vais attendre de m'assurer que les 7 soient sortis ou presque avant de m'y aventurer. En espérant de passer au travers des longueurs
On en est déjà à 3, en soi c'est pas mal déjà. Mais je comprends car je suis de plus en plus portée à attendre que les séries soient très très avancées, soient achevées.
Pour ce qui est des "longueurs", ça reste une légère impression déterminée par mes attentes donc comme je le dis, il y a de grandes chances que d'autres lecteur.ices n'aient pas du tout ressenti cela.
:)
Je l'avais acheté pour Monsieur, c'est moi qui ai fini par le lire. Je ne pensais pas accrocher mais finalement c'est très addictif. Et définitivement Fitz / Syffe même combat, genre à chaque fois qu'il y a une petite amélioration c'est la catastrophe dans les 10 pages qui suivent xD
Tu crois qu'il le lira de son côté ?
Tu as raison, il y a un côté addictif. Est-ce que ça ne tient qu'à la curiosité de savoir d'où vient Syffe et où il va?
D'accord aussi pour ce que tu dis ensuite, il y a ce bis repetita du "et soudain tout parti en cacahuètes"
Hobbes savait l'amener sans agacement, ni lassitude parce que bien d'autres éléments du récit contrebalancait le côté "malédiction" du personnage.
S'il se remet à lire sûrement, mais on peut pas dire que les circonstances s'y prêtent beaucoup en ce moment xD
Quand on ne peut pas on ne peut pas, ça sert à rien de forcer :) Et comme on dit, il faut suivre ses envies avant tout :)
Je ne connaissais que de nom, et encore... Merci pour la découverte!
Il a fait pas mal parler de lui au moment de sa sortie et puis les récompenses qui ont suivies.
(de rien, j'en découvre 3x plus par chez toi :p )
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