Stephen KING Challenge chrono
08/10/2023
Où inspirée par d'autres lecteur.ices, blogs (@tiggerlilly), je décidais de me lancer à mon tour dans la lecture des romans de Stephen KING (et peut-être quelques nouvelles).
Tranquillement, chronologiquement autant que faire se peut.
Cela fait un paquet d'années qu'en voyant s'aligner les publications, l'envie de me lancer était là.
Alors voilà, j'ai commencé il y a quelques mois et, maintenant, parce qu'il faut bien garder une trace quelque part, j'y vais aussi de quelques mots ici.
(pour ceux déjà lus et/ou chroniqués, je verrai ce que je fais au fur et à mesure)
(*avis du plus ancien au plus récent)
Carrie (1974)
Chamberlain, petite ville du Maine, Carrie White a seize ans. De la "vie" elle ne connaît que les images puritaines que sa mère lui serine et ce qu'elle observe timidement au lycée.
Harcelée et brimée suite à un incident, elle subit la vindicte d'une élève, prête à tout pour lui faire payer son exclusion du bal de fin d'année.
Mais Carrie, bien que honteuse et traumatisée par les derniers évènements, se découvre une force surnaturelle, qui lui donne la volonté de résister. L'intérêt nouveau que semble lui porter Tommy Ross n'est pas non plus sans effet.
Le prix en vaut-il la chandelle?
Premier roman de King, Carrie porte en lui la force de la rébellion d'une adolescente coincée entre une mère fanatique, ravagée par la honte de ses propres pêchés, maltraitante et une éducation porteuse de complexes qui la rendent différente et donc détestable aux yeux des autres élèves.
Le fait déclencheur pourrait paraître anodin, mais ici il ne l'est pas. Carrie a 16 ans quand elle est menstruée, et cela survient au lycée. La question n'ayant jamais été abordée à la maison, elle se voit mourir, croyant avoir une hémorragie. Pas de solidarité à attendre ici, elle est moquée, ridiculisée, blâmée même. Il faudra l'intervention d'une enseignante pour lui faire entendre qu'il s'agit d'un épisode normal dans son évolution.
Rappelons-nous que nous sommes en 1974, et qu'à fortiori encore plus à l'époque qu'aujourd'hui, le sang menstruel est dans l'esprit de la plupart des gens une abomination, qu'il faut taire et ne surtout pas montrer. Bon les lignes ont un peu bougé depuis, mais pas tant que ça hein (coucou le sang bleu sur les pubs et les termes détournés pour ne pas dire "j'ai mes règles" ^^).
Bref, c'est assez fort de la part de King de partir de cette détresse morale de Carrie face à ses premières règles pour la mener vers le chemin d'une puissante remise en question de ce qui faisait et commandait sa vie jusque-là.
Le sang qui s'écoule sonne le glas d'une révolte.
Bien, comme nous sommes dans un roman fantastico-horrifique, il convenait que King apporte un ingrédient surnaturel à tout cela. Ainsi, avec cet aspect féminin qu'elle découvre, la panique qui s'en suit, la frustration face aux moqueuses de service, Carrie ressent une vibration, une force qui la dépasse, hors de tout contrôle.
Souvenir évanescent d'un don qu'elle va explorer et chercher à maîtriser, en même temps que sa féminité.
Face à elle, la mère, qui jusque-là a cherché par tous les moyens à réprimer la féminité de son enfant. Gavée de commandements religieux, au prix de punitions et d'une violence morale folle, elle l'a réduite à une condition d'enfant objet de sa propre rédemption. Carrie, gonflée de son pouvoir, va oser lui tenir tête, quémander un pourquoi, avant de comprendre qu'elle devra passer par sa destruction pour s'en émanciper totalement.
Dans l'ombre, l'autre ennemie qui œuvre, c'est l'antagoniste de Carrie, Chris, la fille belle et riche, reine du lycée, sexuellement active, un badboy en boyfriend, celle a qui on ne dit pas non, à qui on ne s'oppose jamais et à qui, surtout, on ne vole pas la vedette.
Forcément, quand son statut est remis en question, quand l'exclusion du bal de promo où elle se voyait briller, tombe, rage et vengeance sont à attendre, conduisant à l'apothéose et l'hécatombe de cette nuit d'enfer où Carrie se voyait enfin heureuse, aimée et célébrée.
L'explosion de Carrie sera encore le fait du sang. Une éclaboussure, une salissure qui viendra la souiller sans réparation possible.
Une humiliation qui survient de manière si violente, si injuste, qu'elle ne peut engendrer qu'une avalanche dévastatrice.
La fin ne sera alors que chaos et champ de ruine.
Carrie est un roman qui se lit vite, plus de type thriller psychologique qu'horrifique, qui dit ce qu'il a à dire sur les travers d'une éducation bigote maltraitante, sur le harcèlement, etc ; c'est aussi un roman de l'émancipation, de la rupture, d'une force brutale.
"Ils l'ont tous oubliée , comprenez-vous. Ils ont fait d'elle une sorte de symbole et ont oublié que c'était un être humain, aussi réel que vous, lecteur, avec des espoirs et des rêves elle aussi et bla, bla, bla... Inutile de vous dire tout cela, je suppose. Rien ne pourra plus maintenant lui rendre cette réalité dont elle a été retranchée. Mais c'était un être bien vivant et qui souffrait. Plus que nous nous en rendions compte pour la plupart, elle souffrait."
(Sinon j'ai vu la dernière adaptation avec Julianne Moore et Chloé Grace Moretz. Et bon, si ça colle plutôt bien au roman, ça reste quelque part assez terne et ne réalise pas son ambition en cela qu'il sera vite oublié)
Salem (1975)
Ben Mears, enfant du pays, maintenant auteur, revient à Jerusalem's Lot (aka Salem), afin de trouver l'inspiration de ce qu'il espère être son futur best-seller.
L'homme entendait s'installer à Marsten's house, une vieille demeure isolée dominant la ville du haut de sa colline. Déception, cette dernière a été acquise par Barlow et Straker, un antiquaire et son acolyte, nouvellement installés dans la bourgade.
Lorsqu'un gamin disparaît, Mears y voit une piste d'écriture, mais avec cette histoire refluent aussi des souvenirs traumatiques.
Et si c'était encore là?
Dans Salem ce qui se joue tient à l'ambiance qui est posée d'emblée par King.
On est là pour frissonner de peur et d'angoisse et tout est fait dans les descriptions de la ville, dans ce qui survient et dans les émotions traversées par les personnages pour que ça opère et ne vous lâche pas avant le point final.
Ce qui fait la réussite de Salem sur le plan horrifique, outre les mystères autour de la maison, c'est l'obscurité qui s'en vient et ce truc inquiétant qui l'accompagne (vous savez cette chose, par-delà le noir profond, qui s'y cache et vous colle l'envie de déguerpir plus vite que votre ombre).
De la nature réelle de cette menace, que l'on devine très rapidement, quand bien même ici elle a tout du portrait effroyable et peu ragoûtant, bien loin de la famille Cullen, n'est pas venue le frisson.
Le frisson, la pupille qui se dilate de peur, c'est ce qui ne se sait pas encore, qui n'est pas expliqué mais dont on sait qu'il est là quelque part, à l'affût. C'est une frayeur qui a trait à l'intime parce qu'elle éveille des peurs enfouies en soi.
Sur les personnages, je ne dirai pas grand chose. Ils font le job et sont bien campés dans leurs rôles. King leur apporte un grand soin et sait en tout cas leur donner une substance qui les anime et les font vivre sous nos yeux.
Certains laissent une empreinte plus que d'autres.
Marsten's House est un de ces visages. Elle incarne une horreur plus grande encore que l'être qui la possède. Dès les premières pages, l'évoquer fait naître un malaise, chez Mears, chez le lecteur aussi. Elle est une incarnation du Mal et en cela, elle file une sacrée pétoche.
Alors autant dire que lorsqu'il sera question d'y pénétrer, ce sera le cœur battant et le souffle coupé.
Dans Salem, on sent tout ce qui travaillera King et reviendra dans ses futurs écrits, la force d'un lieu, d'une maison, d'une ville, porteuse de l'étrange, de l'horreur, l'enfance et ses traumatismes mais aussi le lien et la force de l'amitié, le métier d'écrivain et le travail d'écriture, adulte, les démons que chacun porte en soi et tant d'autres choses.
Ce qui me fait dire depuis longtemps que King ne se résume pas qu'à être un maître de l'horreur, mais qu'il est aussi un grand romancier quand il se livre à une peinture sociale en arrière plan de ses histoires.
Pour la petite histoire, ma version était agrémentée de petites nouvelles que, bizarrement, fatigue ou inattention, je n'ai pas pris comme telles et qui a rendu la lecture de la fin du roman un peu confuse... Bon ce n'est pas venu gâcher mon sentiment final, car Salem s'est révélée être une lecture plus que saisissante.
"Il n’y a pas de thérapie de groupe, pas de cure psychanalytique, pas d’assistance sociale prévues pour le gosse qui doit, nuit après nuit, affronter seul la menace obscure de toutes ces choses qu’on ne voit pas mais qui sont là, prêtes à bondir, sous le lit, dans la cave, partout où l’œil ne peut percer le noir. L’unique voie de salut, c’est la sclérose de l’imagination, autrement dit le passage à l’âge adulte."
"Un beau jour, on rencontre quelqu’un qui vous tient la main et qui vous aide à traverser le dédale de ces maisons hantées qui ont pavé votre route depuis vos premiers babillages de bébé jusqu’aux ronchonnades de la vieillesse. Jusqu’au jour où... jusqu’au jour où, comme ce soir, on découvrait qu’aucune de ces terreurs n’était morte, mais qu’elles étaient juste enfouies au fond de votre esprit, bien rangées, chacune dans un petit cercueil de la taille d’un enfant"
(j'ai vu la version film de 2004 et si il colle plutôt bien au roman de King dans son déroulé, je lui ai trouvé beaucoup de longueurs mais surtout, l'aspect angoissant du récit n'était pas au rendez-vous)
Shining (1977)
Jack Torrance, ancien alcoolo viré de son poste de prof pour violences, n'a pas d'autre choix s'il veut subvenir aux besoins de sa famille que d'accepter le poste de gardien à l'Overlook Palace (un hôtel de luxe situé au milieu de nulle part dans les Rocheuses) que son meilleur ami lui a trouvé. Durant les longs mois d'hiver, le palace est fermé, vidé de son personnel, seul reste le gardien et sa famille. Jack voit aussi, là, l'occasion de finir d'écrire cette fameuse pièce de théâtre synonyme de succès et nouveau départ.
Wendy, sa femme, n'est pas très à l'aise avec l'idée de se retrouver bloquée là haut pendant l'hiver mais s'y résigne car c'est la dernière chance de sauver son couple.
Danny, leur fils de 5 ans, petit garçon spécial et sensible, a conscience des enjeux mais ses cauchemars se font de plus en plus réels et ici, quelque part, quelqu'un lui en veut...
(suite de la chronique ICI)
(Sinon j'ai vu l'adaptation de Kubrick après ma lecture et bon... j'ai pas apprécié ce qu'il en a fait. Si le personnage de Jack Torrance est excellemment interprété par Nicholson, j'ai détesté ce qu'il a fait du personnage de Wendy Torrance et divers autres ressorts importants du roman de King. Après on ne s'y ennuie pas hein...)
(à suivre)
9 commentaires
TROP bien ! Je suis très contente que tu te sois lancée :)
Quels King tu as déjà lu ?
Je garde la chro sur Shining pour un moment où je serai plus alerte.
Ha dans l'après-coup je me dis que ce panel de couvertures ce sont peut être justement tous les King que tu as lus ?
Ohlala non je suis hyper à la bourre dans les King
Mon 1er a été Ca à la fac il me semble. J'ai englouti les 2 tomes tellement j'ai adoré cette histoire.
J'ai lu et vu Misery, La ligne verte, Shining, Dr Sleep, Marche ou crève... Donc tu vois, il me reste une tonne de titres à lire :)
J'ai hâte de poursuivre l'aventure!
Entre Tigger Lilly et toi, je vais vraiment avoir l'impression de connaître tout King sans avoir besoin de le lire. ^^
Tu n'as pas relu "Shining" ou ton avis est globalement identique quelques années après ?
Hin hin hin, c'est une conspiration Baroona ^^ Aucun ne te tente?
Je n'ai pas relu Shining non. Ma lecture a été suffisamment marquante pour que le souvenir du sentiment qu'elle m'a laissé résonne encore aujourd'hui. :)
J'ai déjà lu le peu qui me tentait ("22/11/63", "Les Yeux du dragon" et surtout "La Tour sombre"), le reste n'est pas vraiment mon genre.
D'accord. C'est déjà pas mal, surtout vu le nombre de tomes pour La tour sombre :)
Trop génial!! Lire ou relire Stephen King, c'est toujours bien. J'espère que tu y trouveras d'innombrables autres heures de plaisir!
Ton enthousiasme me fait sourire Alys :) Merci. J'ai peu de doutes sur le plaisir que je vais trouver dans mes lectures kinguesques futures, et l'intérêt des nombreuses pistes de réflexion qu'il soulève aussi :)
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