11/10/2013
Ne t'inquiète pas pour moi - Alice Kuipers
Y avait comme un truc froid entre elles
Quand une maman divorcée et médecin avec des horaires de folie veut communiquer avec sa fille adolescente toute aussi occupée, ça se passe via post-it sur le frigo. Mère et fille se croisent sur papier et sur divers tons, dans la banalité de leurs vies jusqu'au jour où une nouvelle bouleversante les entraîne dans un tourbillon d'échanges moins distanciés, même si... Même si la méthode de communication amorcée reste identique.
De consignes en réclamations, de mots doux en mots aigres, de questionnements en réponses postés à la va-vite sur le frigo, le lecteur voit la vie de Claire et de sa maman se dérouler sous ses yeux. Rien de folichon, la banalité de deux vies qui se croisent, sans vraiment s'arrêter. Parce que c'est le sentiment que j'ai eu, de deux vies effrénées qui ne se posent pas ou si peu. L'une parce qu'elle est dévouée à ses patients, parce qu'elle élève seule sa fille aussi sans doute, l'autre parce que c'est une ado dans toute sa splendeur avec une vie sociale bien remplie et puis, parce que les amis c'est bien connu, passent avant les parents.
Alors il faut cette terrible annonce de la maladie pour que le rythme ralentisse, pour que mère et fille s'arrêtent et soient à l'écoute, l'une de son corps, l'autre de sa mère.
Qui a vécu cette maladie sait combien il est difficile d'affronter le regard de ceux qu'on aime et d'y lire la peur, la tristesse, la colère aussi et combien il peut être plus aisé de se réfugier derrière un écran ou un papier pour dire les choses. Alors, je comprends cet échange à travers post-it, même si je me suis dit souvent : "va plus loin que ce qui est écrit, ça ne s'arrête pas là, ce petit bout de papier n'est qu'une infime partie de ce qu'elles vivent et partagent". Il n'est ni trop léger, ni trop froid, il est ce qu'il est, un pont entre deux personnes qui n'ont peut-être pas les mots parlés mais qui ont les mots écrits.
Qui a vécu cette maladie sait combien on peut à tort en vouloir à la terre entière de ne pas s'arrêter de tourner parce qu'On est malade. Et combien cette situation peut être vécue injustement de part et d'autre : "tu n'es pas là alors que j'ai besoin de toi" qui trouve en écho, "tu ne comprends pas que j'ai besoin d'oublier et de vivre".
Alors oui Claire, s'en va. Claire prend des bouffées d'air salvatrices pour ne pas se laisser bouffer par le crabe qui ronge sa maman. C'est ce que montre aussi ce court roman. Cette maladie elle n'atteint pas que la personne malade, elle atteint aussi les proches. Et parfois, cette épreuve ramène à l'essentiel, l'amour qui nous lie. Alors Claire revient plus combattive, plus forte... pour deux.
Ne t'inquiète pas pour moi, si on ne regarde pas trop loin on ne voit que des post-il sur un frigo, des échanges trop rapides au vu des circonstances. Mais, si on regarde vraiment ce qui se dit, parfois à demi-mots, on réalise qu'aussi petits qu'ils soient ces messages, ils n'en restent pas moins une réelle correspondance entre la mère et la fille. Ils sont les jalons d'une année de combat, d'une année d'apprentissage.
Et à la toute fin petit post-it devient grand et se transforme en une belle lettre posthume qui m'a émue aux larmes.
Parce que nous sommes en plein dans la période d'Octobre rose (le mois consacré à l'information et à la prévention du cancer du sein) et parce que cet article sur ce livre qui aborde le cancer d'une maman tombe à pic, je me permettrai juste un 'tit mot pour mes copines blogueuses : apprenez l'auto-palpation, apprenez à connaître votre poitrine et n'hésitez jamais en cas de doute à consulter. Croire que ça n'arrive qu'aux autres, faire l'autruche tue encore. Détecté tôt un cancer du sein se guérit :)
Commentaires
J'entends beaucoup de bien de ce roman, alors il faudra qu'un jour je me lance. Ton avis est très touchant et accentue vraiment l'idée du deuxième sens, de la deuxième lecture, de cette ,nécessité d'aller plus loin pour saisir l'intégralité de l'oeuvre.
Écrit par : DoloresH | 11/10/2013
Quelle belle chronique ! Je dois trouver le temps et le courage de lire ce titre !
Écrit par : Ingrid Fasquelle | 11/10/2013
J'ai lu ce livre l'an dernier, et l'histoire reste très présente en ma mémoire. C'est triste mais tellement bien amené, avec ces post-its, ces petits mots si touchants, ces riens qui apportent tout.
Un livre à lire, oui !
Biz
Écrit par : nanet | 11/10/2013
C'est un très joli billet ! Très touchant. Et qui donne très envie de découvrir ce titre. Je sens que mon ptit cœur va se serrer bien fort...mais c'est aussi ça que j'aime dans les livres.
Écrit par : stephanie plaisir de lire | 11/10/2013
J'ai moi aussi été très émue par ce livre, bien fait. Il faut certes ne pas se focaliser sur le "c'est juste des post-it"... Je suis d'accord que c'est beaucoup plus que ça !
Va savoir pourquoi, il m'a profondément touchée aussi...
Écrit par : solessor | 13/10/2013
C'est une chronique magnifique! J'avais pas apprécié cette lecture mais en te lisant, j'ai l'impression de la redécouvrir
Écrit par : Aveline | 13/10/2013
DoH : il se lit extrêmement vite mais si tu accroches à ces échanges post-itisés, si tu arrives à aller plus loin et à ne pas t'arrêter à ceux qui parlent de pimpim le lapin alors peut-être il te trottera quelqu'un temps en tête et saura te toucher.
Ingrid : merci! Alors pour le temps, max 2h (grand max) et maintenant pour le courage... Je t'en envoie un peu si tu veux? :)
Nanet : oui j'ai lu ton billet dessus. Pas osé mettre de com car justement billet d'il y a un an déjà... "des riens qui apportent tout" : complètement ça, oui!
Stéphanie : merci merci :) S'il se sert c'est que tu auras été réceptive malgré le style post-itolaire et ce sera plutôt bon malgré les larmes.
Sol' : je crois savoir pourquoi oui tu as été touchée par ce court roman. Ravie que nous partagions le même ressenti même si a le goût salé de nos larmes.
Aveline : j'ai vu ça oui que tu ne l'avais pas vraiment apprécié. Mais si cette toute petite chronique arrive à te toucher c'est que tout n'est pas perdu pour lui :p Et puis, je sais pas, il y a des choses qui font qu'on est plus réceptif à une histoire qu'une autre et ce, malgré la forme.
Écrit par : C'era una volta | 13/10/2013
Un roman bouleversant.
Écrit par : Alex-Mot-à-Mots | 14/10/2013
En parlant de choses qui font qu'on est plus réceptif, je suis tout à fait d'accord avec toi et justement, pour ce livre, je m'attendais à être plus touchée car j'ai été dans cette situation. Mais du point de vue de la mère.
Et c'est peut etre parce que c'est raconté du point de vue de sa fille que j'ai eu du mal à être véritablement émue. Car en fait, j'ai plutôt l'impression qu'elle ne se rend pas vraiment compte de ce qu'il se passe. Et c'est un mal pour un bien pour elle, c'est sûr, mais du coup, elle passe à côté du mal être de sa mère. C'est comme si elle survolait l'instant. Et puis le fait que ça soit retranscrit sur des post it n'a pas aidé, j'imagine
Écrit par : Aveline | 20/10/2013
Honnêtement je crois que dans ce très court roman, mon vécu (d'enfants de parents malades et décédés et d'ex-malade) par rapport à cette histoire me rend tout à fait subjective.
Est-ce que Claire ne se rend pas compte? Je crois qu'au début, oui parce que sa mère lui tait la gravité des faits (peut-être parce qu'elle-même est en partie dans le déni au départ), cherche sans doute aussi à la protéger encore un peu. Et puis, peut-être aussi qu'elle fuit simplement la situation parce qu'à un moment, quand la peur de perdre quelqu'un qui t'est cher t'étreint, tu ne peux simplement pas faire face et tu cherches par tous les moyens (quitte à passer pour une insensible et sale égoïste) à esquiver la situation (ça aussi c'est du déni). Elle pose quand même avec insistance des questions à sa mère sur la sévérité du mal, mais quand la réponse tombe, elle n'est sans doute pas prête à ça, se dire "m... ma mère peut/va mourir". C'est très complexe je crois comme situation et on ne peut pas vraiment porter de jugements. Même si oui on se dit "pfft son comportement n'est pas toujours très chouette". Je ne sais pas si elle survole, je crois qu'elle essaie de survivre à tout ça. Elle finit quand même par ouvrir les yeux et cette lettre à la fin montre aussi son évolution et tout ce qu'elle pouvait taire aussi. La retranscription sous forme de post-it, je conçois que ça puisse paraître trop "sommaire", trop "abrégé", "incomplet" ou que sais je encore... ça ne m'a vraiment pas gêné parce qu'encore une fois (et peut-être en raison de mon expérience) j'ai pu passer outre et lire plus que les quelques mots qui y étaient écrit. Réceptivité et subjectivité donc :)
Écrit par : C'era una volta | 21/10/2013
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