25/01/2013
Persepolis - Marjane Satrapi
Dans persécution il y a Perse...
Marji, petite enfant privilégiée vit avec ses parents à Téhéran. Sa famille appartient à cette population iranienne aisée, cultivée, progressiste et engagée politiquement. A travers le regard de Marji nous vivons sur une quinzaine d'années les chamboulements vécus par ce pays, le renversement du Shah (pas par une voiture), l'islamisation du pays à l'extrême, la révolution iranienne. Mais pas que, Marji vit aussi des bouleversements plus intimes, qu'ils soient familiaux ou personnels et il n'est pas toujours facile de concilier son vécu personnel avec celui de son pays parce que l'un vient un peu trop s'immiscer dans l'autre.
Je ne connais pas grand chose de l'Iran si ce n'est la vision assez restreinte de ce qui nous a été donné à voir dans l'actualité : la guerre avec l'Irak, les fondamentalistes islamiques, la burqa imposée, l'opposition entre l'Iran et les Etats-Unis... Mais voir de l'intérieur à travers le regard d'une enfant, ado, jeune femme ce qui s'est réellement passé dans son pays c'est autre chose. Ce n'est pas de l'information transposée, c'est du vécu.
Persepolis est une bd très riche, une pierre à l'édifice culturel et historique de l'Iran.
Loin de tout jugement, le Persepolis de Satrapi nous invite à un voyage au long cours, les 4 tomes abordent différentes périodes de la vie de Marji et de son pays évidemment. Difficile de dire ce qui est en filigrane, l'évolution de Marji ou l'évolution du pays?
- L'enfance, Marji a huit ans, c'est une enfant intelligente, qui a déjà un caractère bien affirmé, curieuse de tout. Elle parle à son ami, Dieu? Elle veut devenir prophète mais petit à petit ce qu'elle vit, les manifestations ensanglantées dans la rue auxquelles ses parents participent, la montée d'un islamisme répressif, le port obligatoire de la burqa, l'emprisonnement de son oncle et son exécution sont autant d'injustices, d'interrogations qui la laissent perplexe et vont lui faire perdre la foi et l'éloigner de son projet.
- L'entrée dans l'adolescence et du pays dans le conflit irano-irakien va mettre le pays à feu et à sang. C'est aussi la radicalisation du pouvoir islamiste. La propagande islamiste notamment qui incite les jeunes garçons à devenir des martyrs pour le pays, ce n'est pas grave de mourir puisque la clé du paradis leur est remise pour les récompenser de ce sacrifice. A côté de ça, il y a des iraniens qui ne sont pas dupes et veulent protéger leurs enfants, ils les expatrient. Marjane Satrapi s'appuie là sur l'histoire de son oncle dont la séparation d'avec son fils va le conduire à une fin bien triste. L'Iran s'isole aussi petit à petit du reste du monde, ferme ses frontières à tout ce qui représente l'Occident, certaines choses se vendent sous le manteau, la rébellion contre le système se fait par petites touches, pas tout à fait ouvertement mais elle est là. Cependant les parents craignent pour leurs enfants alors ceux de Marjane choisissent aussi de se séparer de leur fille et de l'envoyer en Autriche le coeur brisé.
- L'adolescence en Autriche. Marji est propulsée dans ce pays chez une amie de sa mère qui n'a cure d'elle et décide du jour au lendemain de la placer dans une institution tenue par des bonnes soeurs. Là, elle se trouve à la fois isolée, incomprise, en décalage. Comme elle n'a pas sa langue dans sa poche Marjane se fera exclure et trouvera un autre logement et une autre école. Là, elle décidera de s'occidentaliser : nouveau look, des amis anarchistes, les drogues dites douces, le sexe. Elle tente de vivre comme les autres ados sa jeunesse, une soif d'amitiés, de liberté qui la conduiront aussi à rejeter ses origines iraniennes pour un temps... Parce qu'à force de vouloir se fondre dans la masse, elle finira par se perdre elle-même et sombrer. Mais au final, cette chute sera nécessaire pour qu'elle comprenne ce qu'elle est, d'où elle vient et retourne aux sources.
- le retour au pays et à soi-même. Marjane retrouve ses parents, un pays sorti du conflit mais en ruine et qui a du mal à se reconstruire, une répression toujours aussi forte. Elle a du mal à trouver sa place auprès de ses anciennes meilleures amies, leurs préoccupations ne sont pas les siennes... Finalement elle reprend le dessus, s'inscrit à la fac pour suivre un cursus artistique. Là, elle se fait des amis avec qui elle va donner libre cours à son esprit rebelle, à sa soif de liberté en participant à des soirées clandestines où l'on fume, boit, fréquente des jeunes hommes. Ainsi, elle rencontre Reza avec qui elle se marie plus pour avoir le droit de vivre leur amour au grand jour que par véritale amour. En définitive, un nouveau choix de vie s'impose de lui-même à elle, à ses parents, il faut repartir alors Marjane s'exile en France.
Persepolis est une grande fresque à la fois dramatique et humoristique. Parce que oui, sous des images qui pourraient se passer de texte, les drames de ce pays et de ses habitants sont souvent traités avec humour par Marjane Satrapi. Avec humour mais profondeur il ne faut pas s'y tromper. Le dessin est basique en blanc et noir, des traits parfois grossiers, simples, épurés. Comme je l'ai dit, certaines planches parlent d'elles-mêmes tant le dessin exprime tout à lui tout seul. J'ai eu des moments de rire en parcourant ces 4 tomes, d'autres où les images me faisaient frissonner de révolte, de peine... Persepolis m'a permis d'ouvrir un peu mieux les yeux sur l'Histoire de ce pays, sur ce peuple opprimé, sur le courage de ces gens petites ou grandes qui luttent pour la liberté.
Je n'ai pas vu l'adaptation de la BD en film d'animation qui lui a valu de multiples consécrations, je ne suis pas certaine d'avoir envie d'aller au-delà de la bd, je crois qu'elle me suffit pour le moment. Je remercie toutefois, les différentes copinautes qui m'ont donné envie de découvrir Persepolis, j'ai l'impression de sortir grandie de cette lecture.
21:40 Publié dans Bang | Tags : persepolis, satrapi, iran, l'extrêmisme quel qu'il soit ce n'est pas bien | Lien permanent | Commentaires (4)