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25/03/2013

L'enfance d'Alan - Emmanuel Guibert

l'enfance d'alan,emmanuel guibert,alan ingram cope,biographie en dessins,souvenirs,avec tendresse,un hommageUn roman photo illustré

Dans le cadre de l'évènement Priceminister "La BD fait son festival", mon choix s'est porté sur L'enfance d'Alan, d'après les souvenirs d'Alan Ingram Cope d'Emmanuel Guibert.

Pourquoi ce choix? Le résumé, la couverture qui représente un enfant le regard porté vers le large, les pieds dans l'eau. On dirait une photo couleur sépia, d'époque, il s'en dégage une certaine mélancolie.

Cette BD est née d'une rencontre en 1994, celle d'Emmanuel Guibert et Alan Ingram Cope, retraité américain retiré sur l'Ile de Ré. Entre le vieil homme, formidable conteur et le dessinateur l'amitié a débouché sur ce récit illustré où le second a décidé de mettre en images les paroles du premier. De cette "coopération" est né d'abord La guerre d'Alan qui raconte les souvenirs du soldat Alan Ingram Cope durant la guerre 39-45. Ce second partenariat nous livre lui, les souvenirs d'enfance du vieil homme. Réminiscences situées dans cette Amérique d'avant-guerre souffrant de la grande Dépression.

L'enfance d'Alan a ce côté nostalgique qu'ont les souvenirs de qui est arrivé à un certain âge et se penche sur sa vie à distance, le coeur et l'esprit remplis de toutes les découvertes faites, de ces parfums sentis, de ces amitiés éphémères, de tous ces moments riches en émotions qui débordent de soi.
Lire L'enfance d'Alan c'est comme écouter un ancien de sa famille, la tête posée sur ses genoux, nous raconter son passé. Ça a ce quelque chose de tendre, intimiste où l'on se sent bien, au chaud. Un voyage dans un passé, dans un ailleurs qu'on n'a pas connu, dont on a pu entendre vaguement parler mais qu'on considérait avec distance... jusqu' à cette lecture.
C'est une bal(l)ade au coeur d'un homme qui nous raconte son enfance (mêlée de quelques souvenirs d'adulte) heureuse, banale pourrait-on dire, au sein d'une famille "sans histoire", qui a fait son chemin comme elle a pu en des temps difficiles, des temps de récession. Un voyage où l'on comprend l'importance d'appartenir à un clan, à une famille ; chargé d'une part d'admiration toute enfantine pour ces figures qui l'entouraient et faisaient partis de son quotidien.
On parcourt donc ce roman graphique au texte linéaire en esquissant parfois un sourire amusé devant les mésaventures du petit Alan, en se sentant ému par la tendresse qui se dégage des descriptions faite de sa famille, cette manière pleine d'une affection si particulière dans la façon de décrire chacun de ces visages qui l'ont marqué. A d'autres moments, le coeur se pince un peu parce qu'il y a dans toute cette "insouciance" de l'enfance des regrets et des évènements qui l'ont blessé ; ces choses qui on le comprend ont aussi formé l'homme. Oui la mémoire est belle mais elle est aussi cruelle, et les souvenirs se font alors confidences comme pour partager le poids d'un souvenir douloureux trop longtemps porté seul. Dire c'est alors se libérer et peut-être à postériori se faire pardonner...

Il y a beaucoup d'amour, de sensibilité qui se dégagent de ce recueil de souvenirs. Et si ces sentiments transpirent aussi bien du récit c'est qu'ils sont merveilleusement bien accompagnés à la fois par des photos d'époque et par les dessins en noir et blanc d'Emmanuel Guibert (à noter que le prologue à l'histoire d'Alan s'ouvre sur des pleines pages en couleur). Son trait de crayon souligne à la perfection les visages, les corps, les paysages. C'est un dessin qui s'apparente à de la photographie, au style épuré. Une prise de vue illustrant et donnant magistralement vie aux réminiscences d'Alan Ingram Cope. Des souvenirs figés dans le temps qui s'animent à nouveau le temps d'un roman graphique.
Je ne sais comment le dire mais il transperce dans cette superbe mise en images toute l'amitié et le respect du dessinateur pour son vieil ami et c'est juste beau.

Je vous laisse sur ce passage qu'à voulu partager avec nous Alan Ingram Cope et qui est tiré du livre d'Auguste Rodin, L'Art :

-Chapitre "Pour l'artiste, tout est beau dans la nature"
"Mais pour lui, tout est beau parce qu'il marche sans cesse dans la lumière de la vérité spirituelle.
Oui, même dans la souffrance, même dans la mort d'êtres aimés et jusque dans la trahison d'un ami, le grand artiste, et j'entends par ce mot le poète aussi bien que le peintre ou le sculpteur, trouve la tragique volupté de l'admiration.
Il a parfois le coeur à la torture, mais plus fortement encore que sa peine, il éprouve l'âpre joie de comprendre et d'exprimer. Dans tout ce qu'il voit, il saisit clairement les intentions du destin. Sur ses propres angoisses, sur ses pires blessures, il fixe le regard enthousiaste de l'homme qui a deviné les arrêts du sort. Trompé par un être cher, il chancelle sous le coup, puis, se raffermissant, il contemple le perfide comme un bel exemple de bassesse, il salue l'ingratitude comme une expérience dont s'enrichit son âme. Son extase est parfois terrifiante, mais c'est du bonheur encore parce que c'est la continuelle adoration de la vérité.
Quand il aperçoit les êtres qui se détruisent les uns les autres, toute jeunesse qui se fane, toute vigueur qui fléchit, tout génie qui s'éteint, quand il voit face à face la volonté qui décréta toutes ces sombres lois, plus que jamais il jouit de savoir et, rassasié de vérité, il est formidablement heureux."

Je remercie bien évidemment Priceminister et l'éditeur L'Association qui m'ont permis de découvrir cette Bande dessinée de 160 pages. Il ne fait aucun doute que je lirai aussi La guerre d'Alan et L'adolescence d'Alan qui est à venir.

L'enfance d'Alan,Emmanuel Guibert,Alan Ingram Cope,biographie en dessins,souvenirs,avec tendresse,un hommageEt puisqu'il faut lui attribuer une note : 17/20