11/11/2012
Le vrai est au coffre - Denis Lachaud
Ni une ni deux...
Tom, 5 ans, déménage à la Cité des Fleurs, une cité pour cheminots en banlieue parisienne. Il s'épanouit entre ses parents, sa grande soeur Hélène, et Véronique avec qui il joue à la poupée. Il fait aussi la connaissance de Miguel le grutier avec qui il va nouer une grande amitié. Avec l'entrée en primaire, viennent les premiers troubles relationnels, les premières angoisses. Tom est marginalisé aux yeux des autres garçons, insulté, il met alors en place des stratégies d'évitement. Mais lorsqu'il part en classe de neige, plus moyen pour lui d'éviter ses camarades les plus virulents à son encontre. Un accident, Tom disparaît laissant seule Véronique évoluer. Adieu l'enfance, le temps des poupées est terminé. Place au dépassement de soi dans le sport où d'autres liens se tissent, où le verrou est un temps mis sur la colère et le désir de vengeance jusqu'à ce moment où froidement la mort sera donnée et où une nouvelle voie sera prise.
« - C'est quoi ton vrai nom en entier ? - Thomas Fabre. C'est mon vrai nom en entier mais c'est pas moi. Je veux que tu m'appelles Tom. Mes parents m'appellent Toto mais c'est pas moi non plus.
- Pourquoi tu leur dis pas ?
- J'ose pas leur dire. Ils croient que Toto c'est moi alors tant pis. C'est pas grave. »
Avec Le vrai est au coffre, on croit entrer dans une histoire anodine, celle d'un petit garçon de 5 ans heureux de vivre, jouant à la poupée avec sa petite voisine, déambulant entre les voies ferrées de sa cité, s'ouvrant à un nouveau monde. Puis, petit à petit, on sombre dans des méandres qui nous perdent entre imaginaire et réalité. L'histoire se complexifie. Le petit Tom semble porter en lui le poids d'une différence identitaire qui lui vaut le rejet de ses camarades.
« J'avais commis une erreur à un certain moment, j'en étais persuadé. Pourtant, j'avais beau chercher dans ma mémoire l'occasion qui avait pu me mettre en porte-à-faux avec les garçons de la Cité des Fleurs, je ne voyais pas. Encore moins avais-je le pouvoir de remonter le temps pour corriger cette erreur. Il fallait éviter le plus possible de provoquer leur hargne car chaque nouvelle agression verbale effaçait un peu plus les contours encore mal dessinés de ma personne. »
On est passé des jeux insouciants au drame, de la douceur à la violence sans savoir toujours avec certitude dénouer le vrai du faux. On croit soudain avoir tout compris et pourtant la conviction n'est jamais vraiment au rendez-vous. Véronique est là d'abord en arrière plan puis les choses basculent et c'est Tom qui s'efface pour lui laisser toute la place.
« - Tom, Je vais arrêter de te parler. A haute voix en tout cas. Ça fait quinze ans maintenant, on me prend pour une folle quand il m'arrive de t'apostropher. Tu es un petit garçon pour toujours et je ne suis plus une petite fille. Je n'ai pas la moindre idée de l'homme que tu serais en train de devenir. »
C'est peut-être un fait-exprès que Denis Lachaud est situé son action au pied d'une voie ferrée. Parce que dans ce livre le moins que l'on puisse dire c'est que nous avons le choix entre plusieurs chemins et, tout le talent de l'auteur est là, nous laisser choisir quelle voie nous allons emprunter pour donner sens à cette histoire. Certes différents indices sont semés ici ou là qui d'un seul coup viennent confirmer ou infirmer notre vision de l'histoire mais jamais l'auteur ne nous impose une direction... On se croit souvent remis sur les bonnes rails de la compréhension mais une fois la dernière page tournée on n'est pas tout à fait sûrs d'être arrivés en gare...
Le vrai est au coffre c'est comme un voyage sans fin où longtemps après on continue de se demander si on en a vraiment compris le sens et c'est surtout un roman qui amène une réflexion profonde sur la transidentité.
J'ai aimé le rythme, le questionnement permanent, j'ai souvent cédé à la confusion, aux doutes mais je n'ai pas lâché prise. Je crois avoir effectivement compris de quoi il était question, avoir cerné l'histoire mais le Vrai est probablement toujours enfermé dans le coffre de Lachaud. Ce qui compte pourtant, c'est probablement ce que moi je vais faire de cette part de vérité entr'aperçue ^^
16:46 Publié dans Bang | Tags : le vrai est au coffre, lachaud, tom et véronique, le vrai du faux, transidentité, drame, toi+moi=nous? | Lien permanent | Commentaires (9)
Commentaires
Ah? Et que vas-tu en faire de cette part de vérité? La réponse m'intéresse...
Je trouve très très intelligent ton rapprochement final entre le récit et les voies de chemin de fer. J'ai cherché des symboles partout, je n'ai pas du tout pensé à celui-ci. A présent que tu le soulignes, ça me semble évident.
Écrit par : Soundandfury | 11/11/2012
Ta chronique laisse une part de mystère, celle que tu as dû ressentir, qui est très intrigante... Le prénom du petit garçon est-il un hasard...?
Écrit par : solessor | 11/11/2012
C'est pour le moins mystérieux... Ca me donne envie de le lire, de me confronter moi aussi à cette part de vérité ou à ce mystère !
Écrit par : Ingrid Fasquelle | 11/11/2012
Ton billet est très mystérieux.... du coup on ne peut qu'avoir envie de découvrir de quoi il en retourne...
Écrit par : clédesol | 11/11/2012
@Sound : je vais me la tenir au chaud pour ma compréhension personnelle de la nature humaine et peut-être la partager avec d'autres (entr'autre). En fait, pendant la lecture la symbolique du chemin de fer ne m'était pas venue. C'est en rédigeant mon avis que d'un seul coup ça a fait tilt et que ça m'a semblé être une évidence.
@Sol' : hmm ta question sur le prénom me laisse perplexe. Que veux-tu dire par un hasard? Tu vois une référence particulière à quelque chose? Dans ce cas, je veux bien un indice ^^
@Ingrid et clédesol : eh bien si mon billet vous paraît mystérieux, c'est qu'il doit refléter le trouble que Le vrai est au coffre a bien suscité au fil des pages. A lire si vous souhaitez pénétrer ce mystère alors :p
Écrit par : C'era una volta | 12/11/2012
Je faisais allusion aux Tomboy...
Écrit par : solessor | 12/11/2012
Ah, je n'avais pas fait le lien ^^ Alors si j'en crois la définition du wiki, un tomboy c'est "une fille garçon manqué"... Donc, pas certaine que l'auteur est choisi le prénom du gamin par rapport à ça, vu l'histoire et je ne peux pas entrer dans le détail sinon j'en dirais trop Sol' :p
Écrit par : C'era una volta | 12/11/2012
Disons que c'est une coïncidence alors ! ;)
Écrit par : solessor | 12/11/2012
Voilà un roman qui a l'air diabolique !
Écrit par : Alex-Mot-à-Mots | 13/11/2012
Les commentaires sont fermés.