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06/11/2013

Maman Zita - Patrick Lunant

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Garance, artiste peintre, ex-enfant de la DDASS vient de ramener l'urne comportant les cendres de sa mère biologique chez elle. Pourquoi? Elle se le demande bien. Cette femme ne s'est jamais occupée d'elle. Garance a été trimballée de famille d'accueil en famille d'accueil, arrachée même à la seule femme qui ait jamais rempli ce statut de mère, maman Zita. Elle décide de prendre à témoin de son passé et de ses secrets les plus intimes une vieille poupée nommée Bécassine.


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L'auteur a choisi de construire son roman sur le mode de la confession. Pas un journal intime non mais une interlocutrice un peu spéciale, Bécassine, poupée de chiffon à qui Clarence va s'ouvrir. Elle est probablement ce qu'il y a de plus proche d'elle depuis longtemps, comme une vieille amie d'enfance, la seule d'ailleurs.
A cette poupée Garance se raconte sans vergogne, avec fougue, avec hargne, sans pudeur. Parfois on sent la rage derrière ses paroles. La rage de vivre et de s'affirmer. La rage d'exister. La rage de dire le mal qui lui a été fait mais aussi l'amour qu'on lui avait donné puis arraché. Parfois il y a de la gravité et de la tristesse. Parfois des regrets et parfois du cynisme.
Il y a derrière le masque glacial de la femme "accomplie" d'aujourd'hui mais toujours en soif de reconnaissance, la petite fille brisée d'hier.

Le roman alterne deux écritures distinctes :
Le récit, la narration propre de la vie de Garance depuis ses plus jeunes années jusqu'à aujourd'hui (non chronologique). Dans ce récit le langage est soutenu, le ton est tour à tour posé, grave, profond, empli de mélancolie ou de tristesse mais aussi d'amour et de colère. Garance y est mise à nue, tout d'elle et des personnes bonnes ou mauvaises qui ont marquées sa vie d'enfant placée, charriée, cajolée, malmenée, abandonnée, aimée aussi nous est dit. Au récit des années placements succède celui de l'accomplissement, de l'aboutissement, de la vie d'artiste peintre à succès, le ton y est parfois farouche car l'heure de la revanche sur la vie et certaines gens a sonné.

Je disais deux écritures distinctes, car au récit autobiographique (de Garance) se mêlent régulièrement un pseudo échange avec la poupée Bécassine (qui la pauvre se fait souvent prendre de haut et rabrouer) et aussi, quelques échanges téléphoniques assez bizarres avec François, l'ami, ex-amant et mentor de la Garance adulte et artiste. Dans ses passages, en italique, le ton se veut plus acerbe, caustique, cru, surfant parfois sur la vague du langage familier voire "de cité". Ils mettent en avant un visage troublant, déphasé de Garance. La jeune femme apparaît quelque peu "perturbée" (psychotique?). Peut-être est-ce voulu par l'auteur pour permettre au lecteur de respirer et de sourire au milieu des larmes (c'est une image ici)?

J'ai aimé l'alternance des deux. J'avoue avoir pas mal souri, voire ri au début du roman. Il faut dire que le personnage de Garance ne manque pas de piquant. Pince sans rire pourrait bien la définir. Quand elle sort du récit de son parcours chaotique d'enfant de la DDASS, ses réflexions et le discours qu'elle tient à Bécassine peuvent prêter à rire. Cependant au fil du roman, l'atmosphère s’appesantit et c'est comme un ciel qui s'appesantirait de nuages, tout devient très sombre et lourd. Peut-être parce qu'avec les dernières révélations qui arrivent on comprend que malgré son/ses combats, d'autres forces en ont décidé autrement d'elle.

Citations :

"A onze ans, on vit dans la seconde, chaque minute est une révolution, chaque heure une éternité et moi j'avais des milliards de vies sur un compte bloqué."

"Alors, t'es comme un peintre, tu redessines les auras quand elles sont trop noires? Tu leur mets de la couleur?"

"La souffrance n'est pas indécente, au contraire, elle est juste, sans artifice, brutale, ne cherche pas à plaire... Mais elle n'intéresse personne, sauf quand elle ouvre les jités, car elle sert l'information au même titre qu'un bon éclairage ou que le détartrage du présentateur."

"Le talent est semblable à la plus belle des roses qui peut s'épanouir dans les habitats les plus insolites, parce qu'il en va de sa fonction suprême : être! Tu n'avais besoin qu'un peu de terreau pour éclore."

"Le mot 'mère' n'a aucun sens sorti de son contexte. C'est un concept! Un mot pour désigner une personne qui vous a créé."

"Il faut avoir appris le bonheur pour éprouver la souffrance de son manque."

"Qu'est-ce que tu veux, c'est comme ça! L'homme est ainsi fait qu'il lui est impossible de ne pas identifier l'utérus qui l'a vu grandir, ni même la queue qui l'a dégurgité."

"Parce qu'on ne se connaît pas, parce qu'on se voit à peine et parce que c'est avec des étrangers que l'on est le plus honnête avec soi-même. Et puis un clodo n'est-ce pas le degré de la déchéance? Quel mal y aurait-il à déverser à ses pieds le lie de la vie? Quand on ajoute de la merde à de la merde, qu'est-ce qu'on obtient? De la merde non?"

Encore une fois je remercie Livraddict de m'avoir sélectionnée pour lire ce roman, ainsi que les Editions Atria!

Commentaires

Encore un thème qui m'intéresse et m'intrigue... Je n'avais jamais entendu parler de ce roman et j'ai dû manquer le partenariat sur livraddict sans quoi j'aurai très certainement postulé à la lecture du synopsis ! Je me demande bien quelles peuvent bien être les dernières révélations dont tu parles à la toute fin de ta chronique... Je suis intriguée !

Écrit par : ingrid fasquelle | 07/11/2013

Une fin qui a l'air triste.

Écrit par : Alex-Mot-à-Mots | 07/11/2013

@Ingrid : tu voudrais que je te l'envoie? Tout est possible :) tu verras c'est assez particulier et si tu ne crains pas une atmosphère qui devient de plus en plus lourde alors il devrait te plaire. Je pense que tu devrais apprécier l'humour et le piquant de certains passages mais que le fond de l'histoire saura aussi t'interpeller :)

@Alex : la fin (sans vouloir spoiler) est quelque peu surprenante et pas très heureuse. On n'échappe pas toujours à ses traumatismes...

Écrit par : C'era una volta | 15/11/2013

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