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10/01/2014

Natural Enemies - Julius Horwitz

natural enemies,horwitz,déprime,suicide et crime familial,le fera ou le fera pas?,sexeFaits divers(ion)

Paul Steward, la quarantaine, s'est levé ce matin déterminé à en finir avec la vie, la sienne et celle de sa famille. Voici donc le récit de cette journée -ponctuée de rencontres voulues ou inopinées, de sexe, de réflexions sur les raisons, le sens à donner à ce geste, de flash-back et descriptions de vie présente et passée- au bout de laquelle un carnage familial doit avoir lieu. Une longue journée sous tension...


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Le fera, le fera pas?
Voilà LA question qui m'a tenue en haleine durant toute ma lecture. Impossible d'être certaine de la réponse jusqu'à l'ultime dernière page. Forcément on espère que non, même si on se dit "punaise le gars il est déterminé, y a rien qui va le faire dévier de cette tragique trajectoire. Sauf...". Julius Horwitz est fort, très fort pour empêcher le lecteur d'avoir des certitudes sur la manière dont tout ça va se finir. L'espoir est permis.

Est-il besoin d'en ajouter plus?
Un peu quand même.

Quel roman noir! Je ne peux pas dire que je m'y suis délectée parce qu'il atteint un degré dans le sombre comme rarement j'en ai vu mais quand même, l'intrigue est rondement menée. Sous des dehors de journée presque banale -presque parce que Steward s'octroie tout de même les derniers plaisirs du condamné : lui il n'attendra pas d'aller au Ciel pour se farcir des vierges en pagaille, non le monsieur préfère s'envoyer 5 putains affirmées en avant goût de ce Paradis qui lui serait de toute façon refusé s'il réalisait son plan macabre. Je disais donc que sous des dehors de journée presque banale, notre homme ne cache pas moins une certaine fébrilité. Cette fébrilité qui vous tient au corps quand vous êtes face à un moment de votre vie ou une décision à prendre hyper importante ; le genre qui peut tout changer mais qui n'est pas sans risque. Vous voyez?
Et bien ça, cette angoisse, elle se transmet directement du narrateur au lecteur. C'est interminable d'attendre, de devoir attendre la fin pour savoir. Je suis convaincue que des lecteurs impatients pourraient craquer et aller lire la fin pour se soulager de la question. Pitié ne faites pas ça! Ce serait vraiment gâcher ce roman et l'intérêt du suspens qui fait qu'on engloutit les pages à toute vitesse.

Steward est déterminé mais jusqu'à quel point? Autre question. N'espère-t-il pas en rencontrant ses deux meilleurs amis, le survivant de l'Holocauste et l'éminent psychologue, en parlant même à répétition de ces drames identiques qui ont déjà eu lieu à ces derniers mais aussi à sa femme, à être détourné, freiné, arrêté dans sa décision? A être convaincu que la vie vaut la peine d'être vécue malgré tout? Doit-on comprendre qu'il lance des appels au secours? Ou cherche-t-il à laisser une trace de ce meurtre prémédité auprès d'eux afin qu'ils puissent expliquer à postériori ce qui l'aura conduit à ce geste?
Parce qu'une question qui le taraude le gars c'est "Pourquoi n'a-t-on jamais aucune explication à ces crimes suivi du suicide du père?" Lui, il a SA réponse qui ne semble pas prévaloir pour tous d'ailleurs. Cette réponse, rien ne garantit qu'elle nous soit vraiment fournie. Peut-être en partie, de manière incomplète.
Vacuité de la vie, insatisfactions multiples en tant que mari, père, pertes d'envies, sentiment d'inutilité et de n'être nécessaire et présent à personne, vide affectif, non sens??? Qui sait? On peut trouver un sens à son propre désir de suicide mais tuer sa femme, ses enfants? Pour la soulager elle d'une vie qu'elle semble fuir mais les enfants? Vous voyez bien, la réponse nous échappe...
Je ne crois pas qu'Horwitz ait cherché à apporter une réponse à cette question. Il a peint un homme froid, arrivé à priori au bout de son chemin et peut-être trop lâche pour quitter cette vie sans les siens. Les siens oui, ceux qui lui appartiennent : sa femme et le fruit de sa chair, les gosses. Pourquoi sa famille devrait lui survivre après tout?

Il n'est pas du tout sympathique ce Paul Steward (à contrario, sa femme l'est bien plus). Pas tant à cause de ce qu'il se prépare à faire avec préméditation que par ce qu'il dégage. Et ce n'est pas son extrême clémence à vouloir épargner la chienne qui me l'aura rendu plus appréciable. Je dois même avouer que j'étais arrivée à un stade où j'aurais voulu que quelqu'un le tue... Cet homme m'a paru froid et égoïste et même malsain. Il dresse un bilan désabusé sur sa vie, sur son environnement, peu de choses trouvant grâce à ses yeux. Au final, ne reste présent à son esprit que les manquements à sa vie. A savoir, une femme heureuse, vivante qui se donnerait à lui avec volupté et lui procurerait l'extase dont il se croit injustement privé par elle. Oh certes, vu le tableau qu'il peint de son épouse (dépressive depuis des années, suicidaire, absente) et de leur relation on pourrait comprendre que le bougre n'en puisse plus de cette vie. Mais pourquoi alors ne pas simplement divorcer? Après tout, il semble avoir tout le reste, l'argent, le succès... Pourquoi?

Je pourrais vous parler encore de l'écriture sans concession d'Horwitz. Ce roman a d'ailleurs été publié en 1975 pour la première fois. Je veux bien croire que l'ambiance aux States après la guerre du Viêt Nam ait plongée les esprits et peut-être celle de son auteur dans un certain marasme, mais bon sang que ce roman est sombre. Même la peinture du New York de l'époque fait peur! Heureusement que j'y suis allée et que j'ai pu constater que tout n'y est pas si glauque aujourd'hui.
L'écriture d'Horwitz est par ailleurs très crue sur les scènes de sexe qu'il décrit. 50 shades (que je n'ai pas lu mais dont j'ai forcément beaucoup entendu parler) doit être très chaste en comparaison... Cela pourrait en émoustiller quelques-uns ^^ Il est rare que je trouve une écriture très masculine mais là, pour le coup, le sexe de l'auteur (sans vouloir être moi-même sexiste) est sans équivoque. Il laisse libre cours dans son roman à des fantasmes tout masculins : sexe à plusieurs découpé au scalpel d'une projectionX, sexe à la va-vite avec une belle inconnue entreprenante dans un train, fantasme de la secrétaire sans culotte open aux avances du patron...

J'ai trouvé que par moments, le roman s'étirait un peu, quelques passages faisaient un peu retomber l'intérêt mais heureusement pas trop longtemps.
Je ne sais guère pour quelle raison ce roman est classé dans la catégorie "policier". Il ne suffit pas à un roman d'avoir du suspens et d'avoir un crime prémédité dans la tête du narrateur pour que le terme "policier" puisse faire sens ici.

Natural enemies (auquel je lui préfère son titre original You can run) est un pur roman noir, profondément dramatique et pessimiste. Il surprend jusqu'au bout et ce, même si on s'attend au pire! Ce qui pourrait le mieux retranscrire mon ressenti à la lecture de la dernière page c'est cette expression anglaise : "what the fuck?!!!" J'ai eu beau la relire cette dernière page, c'est la fin voulue par l'auteur aussi surprenante soit-elle. Enfin l'est-elle en définitive?
Si vous voulez la connaître lisez ce roman (par beau temps et après avoir pris une bouffée de gaz hilarant...).

Merci encore et toujours à Livraddict pour ce partenariat et aux éditions Folio!

Commentaires

Eh bien, ton avis intrigue. J'aime quand un roman noir est bien ficelé et celui-là a tout l'air de tenir en haleine. De plus, le personnage détestable peut donner un bel intérêt au roman. En tout cas, tu as attisé ma curiosité =)

Écrit par : DoloresH | 11/01/2014

C'est un roman que je pourrais avoir un jour envie de lire en dépit de sa noirceur ! J'aime la façon dont tu en parles et l'avertissement que tu fournis en même temps que ta chronique, on est tout de suite prévenus que ce n'est pas le genre de roman qu'il faut lire quand on a un petit moral !

Écrit par : ingrid | 11/01/2014

@DoH: Je ne sais pas si le personnage principal sera détestable pour tous, peut-être certains le trouveront juste malade, pathétique, le plaindront... C'est vrai que tout tient à lui et à ce qu'il fera ou pas, se laissera-t-il infléchir ou pas? ^^

@Ingrid : franchement, je n'ai aucune idée Ingrid si tu l'aimerais ce roman noir noir noir... Mais oui, il faut être blindé pour lire ça :p

Écrit par : C'era una volta | 15/01/2014

Ah bah voilà, aucun doute après avoir lu ton billet. J'adore les romans noirs (je m'en suis enfilés des tonnes adolescente) et celui-ci me tente bien, même très bien !

Écrit par : stephanie plaisir de lire | 16/01/2014

Stéph., si être confronté à toute la noirceur des pensées de ce type ne te fait pas peur fonce! Et tu me diras si tu t'attendais à cette fin :p

Écrit par : C'era una volta | 16/01/2014

Meme pas peur. En plus je préfère vivre ça a travers un livre plutôt qu'ailleurs (je vais certainement faire une entorse à mon challenge et me le commander...)

Écrit par : stephanie plaisir de lire | 16/01/2014

ahahah ^^ Tu as raison, c'est mieux en livre que d'être confronté à sa dans la réalité ^^
Si tu veux que je te le prête tu dis :)

Écrit par : C'era una volta | 16/01/2014

Voilà un roman bien sombre et bien noir, mais qui pourrait tout de même me tenter. Il suffit de choisir le bon moment pour le lire.

Écrit par : clédesol | 17/01/2014

Tiens je n'aurais pas pensé que ce type-là pouvait t'attirer parce que trop pessimiste ^^

Écrit par : C'era una volta | 19/01/2014

Les commentaires sont fermés.