11/03/2019
Sa majesté des mouches - William Golding
L'île aux enfants sans Casimir
Un crash, une île, des enfants livrés à eux-mêmes.
Survivre.
Des volontés qui s'opposent, l'émergence de clans.
Pour le pire.
Pour la petite histoire, ce roman a atterri dans ma bibliothèque car il était cité dans Méfiez-vous des enfants sages, un roman de Cécile Coulon que j'avais pas mal aimé (et chroniqué au début du blog). Le peu qui en était dit m'avait remis en mémoire que ce roman m'interpellait depuis un bon bout de temps.
J'avais plus ou moins eu vent du contenu ou sujet abordé. J'étais préparée d'une certaine manière.
Malgré tout, j'ai tout de même été étonnée de ressentir autant de tension en avançant dans ma lecture et en sentant l'inexorable arriver.
Ce que je veux dire, c'est que j'étais là, avec l'intime conviction que quelque chose de tragique allait arriver, je savais qui allait en faire les frais et en partie pourquoi, mais juste, je ne savais pas quand. Alors je guettais le moment, collectant les indices. C'était malaisant, ça avait quelque chose d'assez insoutenable en fait.
Malgré un schéma narratif très prévisible, la tension était bien là.
Alors certes les portraits sont caricaturaux mais ils ne sonnent pas faux. Simplement, rien ne vient les nuancer (ou de manière sporadique). Nous avons le bon, le méchant, le bouc-émissaire typique, et les moutons typiques, un ou deux personnages atypiques aussi. Ceux-là même que l'on peut retrouver dans une cour d'école, dans n'importe quel groupe d'enfants, adolescents et même adultes...
(à noter que la couverture de Folio junior est tout aussi caricaturale avec ces 2 gamins qui s'affrontent du regard : l'un bien blanc et blond, l'autre est comme dans le récit son exact antagonisme. Le bien face au mal?)
Je n'ai pas été étonnée de la cruauté des enfants, parce que je n'ai jamais cru à l'angélisme enfantin. Blamêz-moi si vous voulez, mais je trouve que les gosses ont une certaine propension à la cruauté. Je crois que c'est l'éducation, la raison et le cadre social (et tout un tas d'autres choses) qui permettent de juguler notre "instinct barbare" (on peut en discuter si vous n'êtes pas d'accord hein :) ).
En cela, on peut dire que je rejoins la vision pessimiste de l'auteur sur la nature humaine (ce qui ne veut pas dire que je ne crois pas que l'homme puisse aussi être bon).
L'histoire montre qu'exercée en groupe, la cruauté a encore moins de limites, allant même jusqu'à trouver d'improbables justifications. Que ceux qui n'ont pas été victimes de harcèlement ou ne l'ont pas eux-mêmes exercé lèvent la main.
Il y est aussi question de querelles de pouvoir. Une remise en question à travers l'opposition de la raison et de la force (loi du plus fort qui finit par primer). Il y est question de domination, d'influences, d'omerta (en quelque sorte), de soumission, de folie (individuelle mais aussi de groupe), de solitudeS, de perte de repères et de toute humanité.
C'est une histoire assez noire et plutôt sordide. Survivre à l'île n'est plus suffisant, il faut survivre à l'autre. En ça, on peut qualifier Sa majesté des mouches comme un huis clos oppressant et très réussi.
Je m'interroge sur ce qui a conduit à mettre ce titre en jeunesse. Est-ce parce qu'il s'agit d'un récit mettant en scène des enfants? Est-ce à visée éducative qu'il a été ensuite étudié au collège?
Ma version Folio Junior m'a donné le sentiment d'avoir été pas mal édulcorée par rapport à la version originale (et d'après ce que j'ai pu en glaner de ci de là) et le style simplifié... Je serais assez curieuse de la lire pour les confronter.
Voilà ce que j'ai à dire de ce roman, ce qui est peu en définitive.
Ce qui est certain c'est que ça interpelle. C'est le genre d'histoire qui me donne envie de débattre autour d'un verre de son sujet et de ses différentes interprétations, notamment de sa fin.
MERCI à MarieJuliet de m'avoir proposé Sa majesté des mouches pour le livra2 du LDPA 22 (février, mars, avril) de Livraddict. Sans cela, qui sait jusqu'à quand encore j'en aurais reporté la lecture.
"Ils marchaient d'un même pas, mais isolés dans leurs univers d'expériences et de sentiments différents et incapables de communiquer entre eux."
"C'était un homme. Mais quelquefois, le monstre prend la forme d'un homme, et quelquefois celle d'un animal, un horrible animal. Et quelquefois il ressemble à un petit garçon tout à fait normal."
"Il émanait de lui cette horreur qu'inspire le bourreau. "
14:43 Publié dans Bang | Tags : sa majesté des mouches, william golding, enfants, île, robinsonnade glauque, survie, harcèlement, violence, effet de groupe, loi du plus fort | Lien permanent | Commentaires (18)
Commentaires
"L'île aux enfants sans Casimir" : Ce sous-titre est par-fait ! xD
Je l'avais étudié au collège et j'en ai encore des souvenirs (une certaine tête notamment...), c'est dire s'il est marquant - et flippant.
J'imagine qu'il est en jeunesse surtout parce qu'il est rentré dans les classiques étudiés à l'école ?
Écrit par : Baroona | 11/03/2019
Merci de souligner l'effort :p ahah
Oui, sa description laisse place à une drôle d'image qui vient s'imprimer dans ta tête et c'est euuuuurk! J'imagine en plus que lorsqu'on lit ça jeune, ça doit être encore plus effrayant et d'autant plus marquant.
Perso, je crois que si je devais retenir une scène de ce roman, ce serait celle de la fête où d'un seul coup, ça part en vrille totale. Celle-là et celle de la poursuite...
Tu as peut-être bien raison Baroona. (à creuser ou pas)
Écrit par : itenarasa | 11/03/2019
Un roman qui m'avait mis mal à l'aise.
Écrit par : Alex-Mot-à-Mots | 12/03/2019
Compréhensible...
Écrit par : itenarasa | 12/03/2019
C'est très étrange : je me souviens d'avoir été un peu choquée à la lecture de ce roman enfant, mais l'histoire m'échappe complètement aujourd'hui... Ça mériterait peut-être une lecture de la version adulte !
Écrit par : shaya | 13/03/2019
Si tu es comme moi, hormis certaines lectures lues et relues, j'ai oublié pas mal d'histoires lues enfant ou au collège... Des fois, je me dis juste, ce titre me parle mais pourquoi??? ^^
Si je dois un jour relire cette histoire, j'irai vers la version originale.
Je n'ai pas été très explicite quant au contenu il est vrai. Pour te remémorer la chose : suite à un crash d'avion, un groupe d'enfants de 6 à 12/13 ans échouent sur une île. Abandonnés à leur sort, les plus grands décident d'organiser leur survie, un chef est nommé. Mais rapidement, ça part en cacahuète et il y a querelle et jalousie quant au statut de chef. Au final, certains se laissent aller à leurs instincts les plus sauvages, sous prétexte de se défendre contre un monstre puis contre ceux (les raisonnables) qui s'opposent à eux. En feront les frais quelques-uns et de manière plutôt bien violente, en plus d'être totalement injuste.
Etc... ^^
Écrit par : itenarasa | 13/03/2019
"Folio Junior m'a donné le sentiment d'avoir été pas mal édulcorée" O_O mais sérieusement ??? Pourquoi ??? Donc les gamins qui lisent ça pour le collège vont en fait ne pas lire le vrai texte, j'hallucine complètement. J'espère que les profs font des mises en garde sur les éditions à se procurer.
Écrit par : Tigger Lilly | 15/03/2019
C'est un sentiment que j'ai eu en parcourant le net à la recherche des différentes versions publiées. La mienne (que j'avais débusquée dans une foire aux livres à 2€) est assez ancienne.
Je ne sais pas ce qu'il en est de la version qui est étudiée au collège aujourd'hui, s'il y a eu de nouvelles traductions plus fidèles dans le style à l'original.
(de toute façon, aujourd'hui, j'ai cru comprendre qu'on donne à lire aux gamins des versions simplifiées donc ça ne m'étonnerait pas plus que ça).
De mon côté, comme je l'ai dit, j'aimerai beaucoup lire la version originale pour voir ce qu'il en est exactement.
Écrit par : itenarasa | 18/03/2019
Je l'ai étudié en anglais à la fac et franchement le visionnage de son adaptation m'a suffit. Pas sûre d'avoir envie de le lire en entier ! (bien qu'il soit à mon avis assez crédible dans ses idées... hélas)
Écrit par : Vert | 16/03/2019
Oh ça a dû être très intéressant comme étude. Et oui les idées sont plus que réalistes.
Quant au film, je me suis dit que je le verrai (j'ai quand même un doute si je ne l'aurais pas déjà vu, parce que des gamins sur une île ça me parle... sauf que des films de ce type, il y en a eu quelques uns et qu'il est possible que je confonde...)
Écrit par : itenarasa | 18/03/2019
Merci pour cette chronique instructive! Purée, moi je croyais qu'il y avait vraiment des mouches dans ce roman. XD (Que je n'ai pas lu, tu t'en doutes. ^^)
Écrit par : Alys | 16/03/2019
De rien :)
Je crois qu'il y a bien à un moment donné des mouches qui volent autour de la tête d'un cochon qui a été plantée sur une pique... la scène est assez beurk pour que j'ai chassé son souvenir précis de ma mémoire. ^^
Le titre original fait référence quant à lui à Belzébuth. A priori la couverture originale mettait en scène, un enfant avec une mouche au coin de la bouche. Et ça me fait me souvenir que dans les films où il est question de possession, diable ou démons, il y a très souvent, une flopée de mouches bien noires dans les parages ^^
Écrit par : itenarasa | 18/03/2019
Une vision intéressante sur la nature humaine ! Comme tu le mentionnes, le récit n'a pas laissé une grande place aux surprises mais c'était une lecture marquante pour moi.
Et je suis d'accord avec toi quant au non-angélisme des enfants ;) Sans une éducation solide, l'Homme est pour moi spontané et peut faire preuve d'une certaine barbarie en l'absence de limites...
Je ne pense pas tenter le film par contre. Et toi ?
Écrit par : La Méduse Neurologique | 16/03/2019
Je serais bien curieuse de savoir comment les gamins aujourd'hui réceptionneraient ce livre...
Merci pour ton retour personnel :)
Tu résumes bien la chose, une fois les limites (de la punition notamment) levée, les gosses se laissent aller à une violence naturelle.
Comme je le disais plus haut, je pense que je regarderai le film (et peut-être que je me rendrai compte que je l'ai déjà vu il y a fort longtemps et oublié depuis ???)
Écrit par : itenarasa | 18/03/2019
Je crois avoir lu la même version que toi, et honnêtement... ça m'a suffit !
Dérangeant est l'adjectif qui me vient en premier, et je ne peux pas l'aimer ce bouquin. Je sais que c'est un classique qu'il faut connaître pour se faire un avis dessus, mais j'ai vite eu envie de l'oublier...
Un psy pourrait sans doute me dire pourquoi, mais j'ai déjà ma petite idée là-dessus, et elle rejoint assez ton opinion sur la cruauté de certains enfants, pas tous hein ;-)
Écrit par : Lupa | 17/08/2019
Il est dérangeant par la violence qu'il porte en lui. Parce qu'il nous confronte à ce qu'on ne peut/veut pas voir chez des gosses. Et pourtant c'est là, ça existe et ce n'est plus à démontrer.
Ceci dit je comprends que tu préfères l'oublier.
Écrit par : itenarasa | 23/08/2019
C'est marrant j'ai lu ce livre quand j'étais hyper jeune et il m'a marquée, mais je suis incapable de me rappeler quoique ce soit de cette lecture, mais tu me donnes absolument envie de le relire parce que justement, mon souvenir est très peu précis sur le sujet !
Écrit par : Oukouloumougnou | 13/03/2020
Coucou et bienvenue par chez moi :)
Je te rassure il y a tout un tas de livres que j'ai lus pendant ma scolarité ou à la maison quand j'étais enfant ou ado dont il ne me reste qu'une vague impression mais rien sur le contenu. Parfois, ça revient en les relisant, parfois c'est comme une nouvelle découverte.
Il est assez particulier ce roman, pas joyeux hein, mais il décrit une réalité humaine.
Bonne future lecture (si un avis vient avec fais le moi savoir que j'aille te lire).
Écrit par : ite | 21/03/2020
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