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29/10/2019

Dans la toile du temps - Adrian Tchaikovsky

dans la toile du temps,adrian tchaikovsky,space opera,sf,vaisseau-arche,araignée,civilisations,langages,linguistique,coder-décoder,lost in space,exoplanète,arachnoformation,temps étiréUn monde à soi(e)

L'Arche Gilgamesh erre depuis une multitude de décennies dans le vide intersidéral à la recherche d'une planète où installer les derniers survivants de l'espèce humaine, quand soudain un signal est perçu. Mason Holsten, éminent linguiste de l'équipage scientifique est sorti de stase pour traduire ce message. Ce dernier s'avère être un signal de détresse en Impérial C, un langage éteint de l'Ancien Empire.
Alors que l'équipe repart en hibernation, le vaisseau va suivre la trajectoire du signal jusqu'à découvrir une étoile abritant une exoplanète terraformée.
Depuis son satellite sentinelle d'où émane le signal, la docteure Avrana Kern et son I.A., unique rescapée du projet Monde de Kern, s'érigent en bouclier contre leur intrusion et installation sur la planète.
La scientifique, esseulée et ayant sombré dans la paranoïa, est prête à détruire tout ce qui pourrait mettre en danger la vie de l'espèce augmentée qu'elle a créée sur son monde.
Pour l'Arche Gilgamesh et les humains à son bord, le temps est compté.


J'ai fait l'acquisition de ce roman aux Utopiales 2018, sur les conseils de Blackwolf. J'ai même osé rencontrer l'auteur en dédicace. L'homme est impressionnant ; avec ses sourcils en pointe, il aurait presque un air de savant fou. Il a étudié la zoologie et la psychologie avant de devenir juriste. Je dirais que ces bagages-là se ressentent dans son roman, surtout l'aspect entomologiste.

Dans la toile du temps, après un premier chapitre qui fournit au roman son contexte historique (l'attentat contre le projet du docteure Avrana Kern et sa mise en orbite), va suivre deux fils narratifs. Deux fils qui semblent aussi éloignés l'un de l'autre que possible. Et pourtant, à travers la toile du temps, il finira par y avoir convergence.
Oh une convergence qui se fera non sans luttes, sacrifices et autres risques d'extinction pour les uns comme les autres. Une convergence à travers les fils de langages élaborés, propres à chacun, qu'il conviendra de décoder pour établir une communication et au-delà, peut-être une cohabitation.

Dans la toile du temps, outre son aspect scientifique, basé sur la biologie, chimie, biotechnologie, ingénierie est pour moi un roman qui fait la part belle au(x) langage(s). Renier l'aspect linguistique du roman c'est, selon moi, passer à côté d'un de ses aspects les plus importants.
Et ce n'est sans doute pas pour rien que l'un des protagonistes principaux de ce roman n'est autre que le linguiste Mason Holsten. Avec l'ingénieure Lain, le chef de la sécurité Karst et le chef Guyen, il est LE personnage récurrent du fil narratif consacré aux humains du Vaisseau-Arche Gilgamesh. Il est celui qui décode le signal émit par le docteure Kern mais aussi celui qui, à chacune de ses émergences de stase, va lire les autres et donner à voir leur évolution ainsi que celle du vaisseau. D'arche de l'espoir à vaisseau en perdition, à bord du Gilgamesh, le linguiste Holsten est celui qui lit les comportements, les analyse, les interprète et nous donne à voir l'humain dans ce qu'il a de plus moche et de plus beau.
Peut-être cet homme représente-t-il aussi un continuum, dernier rempart de la communication entre les êtres, dernière ressource et mémoire linguistique, à préserver coûte que coûte.

Que dire aussi de(s) l'autre(s) protagoniste(s) du roman?
Une civilisation d'araignées et fourmis augmentées, victimes ou plutôt bénéficiaires d'un nanovirus voué en premier lieu à une autre espèce par le docteure Kern. Quel formidable travail que celui d'Adrian Tchaikovsky quant à ce qu'il nous donne à découvrir de la construction de cette société arachnéenne matriarcale.
Quant à ce qu'il nous donne à découvrir la manière dont le Savoir se perpétue au sein de l'espèce et à travers les générations, de la manière dont est construite la hiérarchie, en passant par la maîtrise et le contrôle d'autres espèces pour se perpétuer et survivre au fil des siècles, jusqu'au langage inné et à ceux acquis pour dominer, se préserver et enfin établir le contact vers cet autre par-delà les étoiles.

Une grande partie de l'intérêt du roman est dans cette structure et société arachnéenne en construction. Je ne rejette pas la partie humaine, qui apporte son lot de rebondissements et tensions à l'histoire, mais elle est somme toute commune, peu surprenante dans ce qu'elle propose dans ses interactions ou évolutions.
Mais ce monde arachnéen décrit par Tchaikovsky, son processus évolutif est tout simplement fascinant.
Il faudra bien sûr intégrer que les protagonistes de ce monde, à travers les siècles portent le même nom : La dominante et guide Portia (nom sans doute inspiré de l'espèce arachnéenne sauteuse, une exterminatrice en puissance), Bianca la scientifique (Dr es biologie/chimie), plus tard les rejoindront Fabian, le mâle par qui la lutte contre le matriarcat viendra, et enfin Viola la guerrière.
Sacrée histoire donc que celle qui nous est livrée. De la quête survivaliste (on assiste à une guerre épique contre les fourmis), en passant par la quête de Savoirs, jusqu'à la quête d'un langage extra-arachnéen, c'est à une formidable épopée que Tchaikovsky convie le lecteur.
Et dans cet univers arachnéen, le langage, que ce soit celui qui est propre à leur espèce ou ceux qu'elles apprennent est une clé majeure du développement de cette civilisation. Il servira à conquérir, préserver, échanger, évoluer, dominer.

L'auteur nous invite à maintes reprises à saisir l'importance de l'aspect linguistique de cette civilisation arachnéenne.
Qu'il est donc fascinant d'entrevoir les différents modes de communication que les araignées emploient, d'entrer dans leur danse sur la toile, de suivre leurs regards, vibrer au rythme de leur palpation.
Qu'elles sont fascinantes encore, lorsqu'elles se saisissent du langage olfactif des fourmis pour les vaincre puis les asservir.

Au pilier de la science vient répondre la religion. Je ne sais pas s'il faut regretter l'anthropomorphisme à ce niveau. Mais il est intéressant de voir comme il semble impossible que, dans n'importe quelle société, humaine ou animale, cette donnée d'un guide suprême, d'un créateur vers lequel se tourner et en qui espérer, ne soit pas introduite. Comme s'il ne pouvait y avoir de science sans religion.
Il reste que chez les araignées, bien qu'elle fasse apparaître des dissensions, elle reste un moteur qui pousse à l'élévation vers plus de connaissances, plus de savoirs, plus d'échanges, plus de recherches quant à la compréhension de l'inconnu. Et encore une fois, il sera question de langage (au travers de signaux mathématiques). Un langage à coder, décoder au fil du temps, le travailler, le maîtriser et enfin communiquer.

Ce roman aborde bien d'autres thèmes d'importance en SF : transhumanisme, réplication de la conscience humaine dans une IA, biotechnologie, survivalisme post-apo., vie dans l'espace, génétique, etc.
La question humaniste et sociétale n'est pas en reste, en amenant notamment une bonne réflexion sur l'injustice et l'absolue non-nécessité d'une domination d'un sexe sur l'autre (mais ici transposée dans une civilisation matriarcale). Ira-t-on jusqu'à dire que le roman est féministe? J'ai un certain point de vue mais je vous laisserai répondre à cette question par vous-même après lecture...

Je pourrais aussi vous parler du Temps, ce temps qui s'étire à l'infini, pesant, étouffant. Un personnage quasi à lui tout seul tant il nous prend dans sa toile...

Vous l'aurez compris, Dans la toile du temps est un roman très riche, construit avec attention quant à ses univers et les parallèles qu'on peut faire entre eux, soigné dans ce qu'il avance, crédible de ce fait.
Je ne lui reprocherai qu'une chose, sa longueur car j'avoue que quelques passages ont été à la limite de me perdre. Je pense qu'il aurait gagné en... comment dire, nervosité (merci Nicolas, je t’emprunte le mot n'en trouvant pas d'autre). Je ne regrette pas de m'être accrochée malgré ces quelques passages à vide, c'eut été dommage de ne pas aller au bout de ce roman qui réserve par ailleurs une fin plus que magistrale.

Dans la toile du temps d'Adrian Tchaikovsky est en compétition dans la catégorie Prix littéraire Utopiales du Festival International de la Science-Fiction, Les Utopiales.
Le thème de cette année est coder/décoder. Il ne fait nul doute pour moi que le langage étant un des principaux vecteurs narratifs de ce roman, il mérite amplement de figurer dans cette sélection.

"Il pouvait se comporter en humain jusqu’au bout, se complaire dans sa faculté de détruire."

"Le coût d’un combat inutile est beaucoup moins grand que celui d’un engagement pacifique unilatéral."

"La conscience de soi et la faculté de contempler l’univers ne constituent pas des caractéristiques essentielles à la survie."

D'autres avis : Livrepoche.fr - Blackwolf - Le culte d'Apophis - Albedo - Lune

Commentaires

Roman coup de cœur pour moi à la lecture. Surtout pour les parties avec les araignées qui sont passionnantes, celles avec les humains m'ont moins plus.

Écrit par : shaya | 29/10/2019

Ah je n'irai pas jusqu'au coup de coeur de mon côté, mais c'est un roman extrêmement intéressant pour tout ce qu'il propose.
La storyline des Humains devient vraiment intéressante sur la toute fin, c'est vrai que sur ce plan, on a beaucoup de choses déjà vues. Les araignées à côté, c'est juste moins commun, hyper élaboré.
Merci de ton retour Shaya

Écrit par : itenarasa | 29/10/2019

Je n'avais pas noté l'importance du langage, ça me motive bien du coup, c'est une thématique que je trouve toujours agréable. Ça contrebalancera peut-être l'aspect un peu trop "riche et complexe" pour moi.
Bon, il faut aussi qu'on oublie, moi et mes réticences sur les séries, qu'il y a une "suite" (?), voire plus, qui arrive...

Écrit par : Baroona | 30/10/2019

C'est peut-être ma formation à la fois littéraire et linguistique qui fait que j'ai prêté attention à ce point du texte. Mais je sais pas, moi ça m'a sauté aux yeux :p
J'espère que pour toi, ça contrebalancera bien la part hard sf que ce roman contient et sa longueur.
A l'époque où je l'ai acheté, je ne crois pas qu'il était question d'une suite. D'ailleurs, c'est ton com qui m'a mis la puce à l'oreille.
La fin en elle-même de Dans la toile du temps me paraît bien telle qu'elle est, je ne ressentais pas l'appel à une suite sur le coup. Mais c'est vrai qu'en y réfléchissant, il y a matière à.

Écrit par : ite | 10/11/2019

Eh ben dis donc, j'en oublierai presque mon arachnophobie ;-) Je sais même déjà que je passerai outre, tant ce roman m'attire ! Le manque de "nervosité" apaisera peut-être mes craintes face à ces fileuses demoiselles, ou me permettra de les voir sous un nouvel angle, plus flatteur, qui sait ? ^_^
J'ai eu mon content de langage pour quelques jours/semaines avec le Damasio ! Ces jours-ci, j'ai opté pour des lectures moins exigeantes, histoire de souffler un peu... Je préfère choisir le timing idéal pour me laisser attraper dans cette Toile... et atteindre sa magistrale fin :)
Je te souhaite de sensationnelles Utopiales, et te dis à bientôt *_*

Écrit par : Lupa | 30/10/2019

Je ne suis pas arachnophobe (bon j'ai jamais croisé la route d'une grOsse araignée hein, mais les petites ne m'effraient pas outre mesure) donc je ne sais pas comment réagirait une personne qui l'est face à ce roman qui regorge de ces bestioles ^^

Elles sont développées, ont des réflexions et comportements qui, à mon avis, devraient permettre de mettre à distance leur aspect primaire. Quant à dire que ce serait suffisant pour mettre à distance ta peur... don't know :) Je ne prends pas le pari et te laisse donc appréhender la chose quand tu te sentiras prête :p

(Les Utos furent excellentes!)

Écrit par : ite | 10/11/2019

Tiens c'est marrant j'avais noté ce roman en wishlist l'année dernière, puis je l'ai retiré vu que je pensais jamais le lire, et tu me donnes envie de m'y intéresser à nouveau... bon bah retour en wishlist :D

Écrit par : Vert | 31/10/2019

eheh ^^ Tant mieux, tant mieux. j'espère que son contenu t'intéressera :)

Écrit par : ite | 10/11/2019

Il a l'art top ce livre, je voudrais bien le lire mais en effet le fait que ce soit un premier tome me rebute un peu (en tout cas pour le moment, je n'aime pas avoir trop de séries en cours). Un jour certainement.
Très chouette chronique et j'aime bien le jeu de mots sur soi(e) :p

Écrit par : Tigger Lilly | 05/11/2019

Comme je disais à Baroona, je n'ai pas eu le sentiment d'avoir un tome 1 en main, pour moi l'histoire et l'univers m'ont semblé développé tel un one shot. Suffisant à lui même.

(je peux toujours te l'apporter, sans urgence de lecture, et ça t'évitera de l'acheter donc sans regret si tu le trouves inintéressant :) )

(merci! :p )

Écrit par : ite | 10/11/2019

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