Amour et Amitié - Jane Austen

Les malheurs de Laura

Sollicitée par son amie Isabel à témoigner de ses vicissitudes passées, Laura, maintenant âgée de la cinquantaine, va accepter de livrer en quelques lettres son histoire. Une histoire tout à fait rocambolesque.
Ce qui s'avèrera être au final une leçon de vie et un avertissement à destination des jeunes filles en fleur.

Amour et amitié est un recueil dit épistolaire, bien que d'échanges, vous n'en trouverez que très peu, mais bon il est composé des lettres de Laura, c'est suffisant pour prétendre au genre.

Laura a vécu, nous fait-elle entendre mille aventures qui pourraient servir de leçons à la fille d'Isabel.
La passion amoureuse, les sentiments exacerbés et inconsistants, l'égoïsme des hommes et la malchance y tiennent une place prépondérante.

Ce court roman dès lors qu'on en a saisi le propos railleur et à portée satirique fait sourire. Jane Austen s'est prêtée, alors âgée d'à peine quinze ans, au jeu de la parodie. Celle des romans de son époque auxquels les toutes jeunes filles succombaient, à priori.
Le romanesque à outrance, les clichés du genre sont donc repris ici avec force exagération (on s'abandonne et on s'évanouit à tour de bras).
Chaque situation est prétexte à hausser un sourcil, lever les yeux au ciel, soupirer. Les héroïnes en question ne suscitent pas vraiment de sympathie. Mais qu'importe, il faut surtout en rire de cette histoire et de son ridicule.

Je me suis imaginée l'amusement et l'effronterie de l'autrice à se moquer des poncifs littéraires de son époque. Ceux qui ne cessaient de présenter des jeunes filles succombant au premier venu et se mariant dans l'espoir d'être mises à l'abri de tout besoin, les présentant fragiles et éperdues en dehors d'une présence masculine. Le regard de Jane Austen est critique, clairvoyant déjà, se jouant de ce qui fait le succès des romances d'époque. Il prouve ce regard, une certaine émancipation de l'autrice.

Il est heureux que, par la suite, Jane Austen est présentée un autre visage de la femme, même si le ton de ses romans majeurs, bien qu'ils laissent paraître encore son humour, semble avoir perdu le piquant de premiers écrits tels que celui-ci.
Il aura gagné autre chose, mais je suis loin d'être une spécialiste austenienne pour en rendre bien compte.

Une lecture rapide et rafraîchissante pour les amoureux.ses d'Austen.

"Vous avez aujourd’hui cinquante-cinq ans. Si l’on peut dire d’une femme qu’elle n’a plus rien à redouter de la persévérance opiniâtre de soupirants fâcheux et des cruelles persécutions de pères obstinés, ce doit être lorsqu’on a atteint un âge comme le vôtre."

"Ma Laura bien aimée, m'avait-elle dit quelques heures avant de mourir, que ma déplorable fin te soit un avertissement; évite l'impudente conduite qui en fut la cause. Prends garde aux effets de pâmoison. Quoiqu'ils puissent être rafraichissants et agréables sur le moment, ils feront à la longue, crois-moi, la ruine de ta constitution s'ils se répètent trop souvent"

Livre lu dans le cadre d'un partenariat avec les Éditions Folio