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30/11/2012

Se retenir aux brindilles - Sébastien Fritsch

Se retenir aux brindilles_Sebastien Fritsch.jpgSur mes traces...

Ariane Vermus, la trentaine bien sonnée, ses 2 enfants en bas âge sous le bras sonne à la porte de Marthe et Noël Aride. Elle ne les a pas revus depuis une vingtaine d'années. Elle ne sait même pas ce qui l'attend derrière la porte, si sa soudaine arrivée, sans prévenir, lui vaudra un bon accueil, mais a-t-elle le choix? Non, elle est en fuite. Ainsi commence ce roman Se retenir aux brindilles. Des interrogations sur le présent, sur le futur que se pose Ariane et qui trouveront peut-être leur réponse en ce lieu de son enfance et dans les souvenirs qui remontent à la surface. La narratrice nous entraîne avec elle dans un "presque road-movie" -de la Dombes de son enfance en passant par Lyon, ville de ses 1ers pas de femme "libre", suivi d'une ultime échappée belle sur Nantes en quête d'un ami/amour perdu- sa course s'achèvera sur un retour à la case départ : Lille qui l'accueillera métamorphosée et la boucle sera enfin bouclée.

Il y a des histoires comme ça qui vous enferrent dans une ambiance dont vous ne pouvez sortir qu'une fois le livre fermé (et encore, je dis ça mais je suis encore toute imprégnée moi de ce roman et des émotions qui m'ont traversée). Oui, je crois que j'ai été saisie toute entière par les souvenirs d'Ariane, par son passé comme son présent, par les émotions qui l'ont traversée et qui sont parvenues jusqu'à moi.

Immersion totale dans la peau de l'enfant soumise aux jeux interdits et si pervers de son ami Tristan (mentor et maître de l'horreur). J'ai souri à cette amitié "innocente", à l'image de cette petite fille toute dévouée à ce premier ami et à cet autre compagnon de jeu, Matthias (dans l'ombre de Tristan toujours...). L'émotion m'a saisie encore et encore dans ce lien si profond et, si fragile à la fois, qui la reliait à Marthe Aride, la maman gâteau qu'Ariane n'a pas goûté enfant et qui, on le comprend avec tristesse, souffre de la maladie d'Alzheimer. J'ai souri à ces soubresauts de femme révoltée et fermé les yeux sur les doutes qui l'accompagnaient... tout en ayant envie de lui dire "allez, allez s'il te plaît ne laisse pas tomber". J'ai grincé des dents en comprenant enfin certaines choses de son passé et de la femme qui en était née. J'ai été émue un peu de ses ratés amoureux, de ses rendez-vous manqués qui auraient pu faire que tout soit différent pour elle, alors oui j'ai été entraînée comme elle à certains regrets. Enfin, j'ai frémi de peur et de rage à ce danger en elle, autour d'elle, après elle...

Des questions je m'en suis posées, autant sinon plus qu'Ariane elle-même. Et il m'aura fallu être patiente pour obtenir les réponses. Il m'aura fallu refaire le chemin à l'envers avec elle. J'ai été tenue en haleine oui par ses/ces questions et, si parfois, je me doutais de certaines choses, j'ai apprécié que les réponses ne soient pas venues tout de suite, qu'il ait fallu prendre le temps qu'il fallait, celui du travail de mémoire, celui du travail patient de l'assemblage des pièces d'un puzzle, celui qui se trouve aussi dans les questions amenées au détour d'une rencontre que l'on croit anodine. J'ai accepté en rongeant mon frein les silences, les non-dits et ma patience a été récompensée. Même quand je me suis agacée de certaines choses qui me semblaient "invraisemblables", qui soulevaient des "tiens mais pourquoi elle fait ça?", j'ai obtenu une explication dont j'ai pu me satisfaire ; preuve est que l'auteur n'a rien laissé au hasard.

A maintes reprises aussi je me suis fait la réflexion que Sébastien Fritsch s'y connaissait drôlement bien en psychologie féminine pour rendre aussi bien la pensée, les doutes, les vibrations du coeur d'Ariane. Parce que ce personnage sonne terriblement juste dans ce qu'elle vit, dans ses souvenirs et ses émotions. Et si d'aventure vous aimez Radiohead ou Marillion, groupes qui ont accompagné Ariane dans son évolution, pourquoi ne pas accompagner votre lecture de ces morceaux choisis pour encore mieux être au diapason de ses émotions.

Et si pour saluer la plume de l'auteur je vous laissais avec quelques extraits que j'ai aimé?

"En l'absence de toute réelle discussion avec les trois adultes qui composaient mon entourage immédiat, je n'avais donc pas d'autres solutions que de garder toutes mes questions pour Tristan. Avec ses deux ans de plus que moi et sa brillante intelligence, il avait, à coup sûr, toutes les réponses.[...]

Pourquoi le chat des soeurs Montorfano, il est couché dans le caniveau sur la place de l'église?

-Parce qu'il est mort.

-Et pourquoi il gonfle?

-Pour pouvoir s'envoler vers le paradis des chats.

Et effectivement, deux jours plus tard, il avait disparu. En ne le voyant plus au bord du trottoir, j'avais levé les yeux par réflexe. Et j'avais pu en tirer deux conclusions : le Paradis était vraiment très loin, puisque je n'arrivais plus à voir le chat ; le clocher des églises était pointu dans le seul but de montrer à tous les félins la direction de la terre promise. Et j'avais continué ainsi mes interrogations d'enfant :

Pourquoi tes parents te laissent faire tout ce que tu veux?

-Parce que c'est moi le chef. Ils ne sont là que pour me servir.

-Pourquoi les soeurs Montorfano veulent toujours jouer avec nous?

-Parce qu'elles s'ennuient. Tu imagines, toi, passer tout ton temps entre filles?" (p.71-72)

"Et de toute façon, on est tous comme ça, nous les humains : à dix ans, on vit dans le rêve, à vingt, dans l'illusion, à trente, dans les projets et à quarante, dans les regrets. Et à chaque fois, on oublie simplement de vivre la réalité." (p.192)

"Les paroles de Constance me remettent en mémoire cette phrase de Mattias : on se laisse impressionner par les montagnes que la vie nous oblige à gravir, mais si l'on se contentait de s'intéresser uniquement à la petite pierre posée au sol devant nous, on se rendrait compte, en posant le pied dessus, qu'on est déjà lancé dans l'ascension." (p.211)

"Mais j'ai beau remonter pas à pas dans ma mémoire les sept années que je viens de vivre avec celui que j'ai choisi pour mari, je ne retrouve pas le moment où "tout donner" s'est transformé en "tout céder", "tout recevoir" en "tout accepter", puis "tout accepter" en "ne rien refuser"." (p.269)

A cette interrogation laissée par l'auteur en dédicace : "Fuir ou rester? Avancer ou revenir? Abandonner ou se retenir aux brindilles", je crois qu'une réponse est apportée. Si cette question vous titille alors n'hésitez pas à lire ce beau roman pour y répondre :)

Je remercie Livraddict et M. Sébastien Fritsch & Editions Fin mars, début avril - 2012 pour ce 1er partenariat qui m'a ravie.