30/10/2012
Books Appointment!
C'est Mardi c'est le rendez-vous de la Page 99 #4
Un rendez-vous mis en place par Chasse-mouche autour d'une théorie particulière et auquel j'ai décidé de m'associer plus pour le fun que pour sa véracité ^^
De quoi s'agit-il? l'éditeur anglais Ford Madox Ford (1873-1939), auteur du Bon Soldat et créateur de The English Review avait un principe selon lui radical : "Ouvrez le livre à la page 99, et toute sa qualité vous en sera révélé."
Le principe : vous ouvrez votre livre en cours à la page 99 ou au 1/3, vous y puisez une citation qui vous parle et vous venez la poster sur votre blog. Un passage qui est au coeur de l'histoire mais qui pourtant ne doit pas trop en dire...
Que cache la page 99 de Tigre! Tigre! de Margaux Fragoso ? (Extrait choisi)
"C'était un marqueur de statut social, pour une fille, que de venir tous les jours avec une coiffure différente ; durant l'année scolaire, combien de fois mes pauvres cheveux indisciplinés et sans forme avaient-ils été la risée de celles qui possédaient des tresses ou des nattes, à la française ou à la hollandaise, de pimpantes queues-de-cheval hautes ou à mi-tête, ou des macarons fantaisie. Un jour, je me plaignis de ce problème à Peter - je lui confiai mes angoisses sur l'année scolaire à venir, sur combien je craignais que ma vilaine tignasse ne déclenche à nouveau les moqueries - et il promit de me trouver un peigne qui démêle mes noeuds sans la moindre douleur.
Dès que Peter me montra le peigne magique qu'il avait acheté au marché aux puces pour vingt-cinq cents, je fus fascinée."
Une scène qui peut nous paraître anodine : une petite fille ayant des préoccupations de petite fille. Et puis, il y a Peter, le confident, celui qui a le pouvoir de dénouer et dédramatiser les soucis de la petite fille. Qui est ce Peter, homme, enfant, frère, ami, père? ...
21:34 | Tags : théorie page 99, ford madox ford, le rendez vous de chasse-mouche, pourquoi pas?, rooaaarrr!!! | Lien permanent | Commentaires (4)
26/10/2012
Padre Padrone : L'éducation d'un berger sarde - Gavino Ledda
Dessine-moi une brebis
A Siligo, Gavino Ledda 6 ans fait son entrée à l'école, il est heureux, il progresse vite. Mais alors qu'il s'épanouit dans cet environnement auprès de ses camarades, son père Abramo Ledda, homme rustre, paysan et berger vient l'arracher de ce milieu sans se soucier de l'avis de la maîtresse. Il veut faire de son fils un pâtre, un berger. Peu importe l'âge de l'enfant, ses propres désirs, Gavino est l'aîné de ses enfants et il a besoin de ses bras. Le garçon est ainsi arraché à sa mère, ses frères et soeurs, à ses amis et plongé dans l'isolement au coeur de la Barbagia sauvage. Le rythme de travail auquel son père le soumet ferait pâlir aujourd'hui les organisations de lutte contre le travail des enfants. Ainsi, sous le joug de ce père tortionnaire, Gavino va grandir entravé dans toutes ses libertés auprès de cet homme obnubilé par ses bêtes, ses oliviers, sa terre, la richesse qu'elle porte en elle et qui pourrait le sortir lui et sa famille de la misère. Qu'importe pour lui d'y sacrifier ses enfants.
Après S'accabadora, Padre Padrone nous ramène en Sardaigne sur ce sol aride, porteur de tous les espoirs dont celui de se sortir d'une misère qui prend à la gorge ces familles sardes accablées par une vie de labeur et abusées par quelques propriétaires terriens. Gavino Ledda nous raconte son histoire, l'histoire d'un enfant esclave. Esclave de son père. Padre padrone, "père patron", le titre résume presque tout. Il n'y a pas de place pour vivre l'enfance auprès de cet homme tyrannique, maître plus que père qui ne supporte en aucune façon que son autorité soit remise en question.
"Contrevenir aux lois de mon père, c'était comme nier l'ordre naturel et immuable des choses."
Gavino se pliera aux exigences du pater, pour un temps... Ce qu'il apprendra, il l'apprendra à la rude, sous la pluie, sous la neige, jour et nuit, avec la fièvre au corps, à la limite de la mort. Entre amour et haine de cette terre mais avec la rage aussi de se sortir de cette condition.
Et l'échappatoire, la révolte contre l'autorité viendra d'abord par la musique. Gavino avec l'aide de son oncle (tous deux ligués contre Abramo Ledda), démontrera ainsi, en apprenant à jouer d'un accordéon en un temps record, des capacités d'apprentissage hors normes. Première étape vers la liberté, premier pas vers la différence entre lui et les siens. Puis viendra le temps où porté par l'exemple de ceux qui s'expatrient, Gavino rêvera de fuir sa condition à l'étranger.
"Quand telle est sa condition, on se regarde et on a quasiment peur de soi-même. On a honte de son état : le fait d'être nu et que ses racines ne tiennent pas à un sol inspire quelque répugnance, et on voudrait plonger sous terre, mais on n'y parvient point, pas plus que ces plantes infortunées. L'unique chance que l'on ait par rapport à elles, c'est les jambes : la fuite. Émigrer, se noyer dans le réseau noir des mines, voilà qui prend aspect de liberté : dans la désolation où l'on macère, l'émigration semble être la seule arme que l'on puisse retourner contre son milieu et grâce à laquelle on parvienne à cacher ses racines ; l'unique serpe qui permette de se frayer un chemin dans la forêt impénétrable, au moment où l'on est traqué par un incendie effrayant qui va nous brûler et nous réduire en cendres."
C'est finalement l'armée qui lui mettra le pied à l'étrier et lui offrira les meilleures opportunités pour accomplir son destin, un destin non plus tout tracé de berger mais d'homme libre et érudit. Autodidacte, Gavino se fera tout seul, certes avec quelques aides opportunes mais surtout par la force de sa volonté. En n'affrontant plus seulement son père mais un village tout entier loin de vouloir lui reconnaître une autonomie et un avenir autre que celui du travail de la terre.
Les anecdotes prêtent parfois à rire, parfois tristement à sourire. Certains qui ne comprendraient pas quelles pouvaient être les conditions de vie de ces enfants, jeunes hommes, pourraient s'offusquer de certains passages où il est question de relations avec des bêtes. Gavino Ledda nous donne à voir tout de cette misère humaine faite d'isolement et de solitude propre à la condition des bergers. Il ne nous donne pas à voir des portraits policés, ce qu'il nous montre ce n'est rien moins que ce qu'il a vécu, connu. Des hommes esseulés avec des envies à assouvir, devenus plus animaux eux-mêmes que leurs propres bêtes et ayant pour seule distraction et plaisir la masturbation à la va-vite dans un buisson ou derrière un arbre entre deux corvées.
Roman d'apprentissage, roman autobiographique, roman quasi sociologique : Padre Padrone nous montre certes la misère humaine et la dure loi de la terre mais il nous délivre aussi un vrai message d'espoir. Pour nous dire que nul ne doit vivre dans la fatalité de sa condition et, que si parfois l'on baisse la tête et l'on courbe le dos, c'est pour mieux se redresser ensuite, pour peu qu'on en ait la volonté.
A savoir Padre Padrone a été adapté au cinéma en 1977 et a récolté La Palme d'Or du Festival de Cannes la même année.
En aparté : J'ai en mémoire, ces paysans sardes montés sur leurs ânes croisés au bord des routes. Hommes bourrus aux traits durs, fatigués avant l'heure mais qui portaient dans leur regard cet attachement particulier à leur terre sarde et orgueilleux malgré tout de leur travail. Je les ai vu ces hommes rentrer fourbus de leur journée de travail et moi, je me souviens de mon orgueil d'enfant lorsque lors des promenades familiales "zietta" nous disait "tout ce que tu vois là et à perte d'horizon vous appartient". Je ne savais pas encore que d'autres hommes travaillaient à l'enrichissement de notre terre. Mes grands parents étaient eux des propriétaires terriens. Alors oui, j'ai eu "conscience" très tôt que mon père avait appartenu à une famille privilégiée, enviée et respectée. Ce qui ne m'empêchait pas de les craindre ces bergers et dans ma crainte il y avait aussi une forme de respect.
21:06 Publié dans Bang | Tags : padre padrone, gavino ledda, autobiographie sarde, travail des enfants, révolte contre pater noster, foi en ses compétences, berger sarde, ça rend sourd! | Lien permanent | Commentaires (4)
24/10/2012
Le Voisin - Tatiana de Rosnay
Quand Mick joue je suis stone...
Colombe Barou n'y croit pas, elle vient de trouver l'appartement de ses rêves, elle que rien ne distingue de la masse, si ce ne sont ses 1m80! Mais voilà, c'est à elle que le proprio attribue ce superbe logement parce que justement elle est transparente, paraît bien sous tout rapports. Presque honteuse elle passe devant les gens qui font la queue pour la visite et s'empresse de claironner cette victoire auprès de sa soeur et de son mari. Toute à la joie de son déménagement Colombe est loin d'imaginer que ses nuits vont se transformer en véritable enfer, que son petit rythme de vie pépère et ennuyeux coincé entre son mari, ses jumeaux et son métier de nègre va se trouver bouleversé par un voisin bruyant et invisible.
Tatiana de Rosnay tape juste en choisissant pour moteur de son intrigue le tapage nocturne, comme bourreau un voisin fantôme apprécié de tous et, comme victime, une mère de famille affligeante de normalité. Qui? Oui je vous le demande! Qui n'a jamais été angoissé à l'idée d'avoir des voisins bruyants en changeant de logement? Moi, par exemple j'ai dû faire face à ce problème. Ok mon voisin n'était ni médecin, ni pseudo-psychopathe, ni là-pas là-on sait pas, c'était juste un p'tit c*** jeune homme plein de vie qui déménageait son salon toutes les nuits pour en faire une chambre d'amis... N'empêche, je la comprends la Colombe, moi aussi à sa place j'aurais volé dans les plumes de ce voisin! En même temps, la prochaine fois elle réfléchira. Moi, ça m'aurait paru bizarre que le proprio m'attribue aussi rapidement le logement. Elle, même pas elle pose les bonnes questions! "Et les voisins ça va, bruyants, calmes?"... Non mais quelle cervelle de moineau! Colombe, elle aurait dû m'appeler, je lui aurais dit moi "trouve-toi un nid au dernier étage" (sans ascenseur, c'est bon pour la ligne!), ça lui aurait évité toutes ces insomnies, de passer pour une folle devant son mari, son employeur, sa soeur et ses enfants.
Mais non, Colombe elle a signé tout de suite. Tu parles une telle opportunité fallait pas la laisser passer! La dame s'installe, s'apprête à profiter de sa première nuit dans sa superbe grande chambre. En plus, trop chouette elle a le lit pour elle toute seule. Son mari est encore en déplacement, pour le travail hein (si, si c'est lui qui le dit!). Mais voilà, 3h du mat et des brouettes, un bruit la réveille. Et ce bruit se répète toutes les nuits à la même heure. Elle écoute et comprend que ce bruit vient de l'étage supérieur, de chez le Dr Faucleroy. Et pas de bol, le toubib est fan des Rolling Stones, ça et les travaux nocturnes. Colombe elle voudrait que son mari intervienne sauf que, le bruit s'arrête dès que monsieur est de retour auprès de sa charmante épouse. A partir de là, allez essayer de faire entendre à votre entourage que votre voisin le Dr mamour vous en veut per-so-nne-lle-ment. Colombe a les ailes coupées, vie privée et travail c'est la cata. Sa vie de famille par à vau l'eau, son mariage bat de l'aile (^v^) et son travail de nègre à part exalter sa libido ne lui apporte aucune gratification. Bref ras-le-bol, Colombe envoie tout voler et va se transformer en oiseau de proie! La Colombe ne peut pas avoir la paix alors elle va déterrer la hache de guerre!
Bon, il y a des choses prenantes dans ce roman, il y a une certaine tension qui se met en place, qui nous tient un bon moment en haleine. De même, on arrive à rentrer dans la psychologie du personnage de Colombe qui, à bout de fatigue, de nerfs envoie tout balader et de bobonne devient sa propre justicière. Cependant, j'ai trouvé que le rythme était trop souvent cassé par les scènes de "fesses" avec son mari : "j'ai envie de lui, mais il est trop mou" (sans mauvais jeu de mots) ou "holala, il m'a prise comme un lapin, tac tac c'est fini", "où sont passées nos folles nuit d'amour de jeunesse?" Couac!
Et que dire de la tournure des choses dans les 40 dernières pages? !SPOIL! qui n'en est pas tout à fait un, mais au cas où vous êtes prévenus! Le mari qui lui fait la grande scène de jalousie arrosée de quelques fioritures pour l'amener droit dans les bras du Dr mamour-Jekill-Mr Hyde. Ah mais c'est qu'il fallait bien justifier le statut du voisin! Le coup du syndrome de Stockholm m'a achevée, là je me suis dit "tiens je lis un harlequin maintenant" :
"La puissance du Dr Faucleroy l'attire autant qu'elle la redoute. Tout chez cet homme lui inspire une dualité de sentiments, magnétisme et répulsion, confiance et crainte, respect et méfiance. Lovée contre lui, Colombe succombe au même désir que tout à l'heure, lorsqu'il promenait ses mains chaudes sur sa peau. Les bras du docteur se sont noués autour de sa taille. Il a posé son menton sur la tête de Colombe. Pourquoi ne crie-t-elle pas? Pourquoi ne se débat-elle pas? Elle est comme hypnotisée. Elle s'est réfugiée dans la gueule du loup. Il bande. A travers la blouse blanche, Colombe sent l'érection s'imprimer le long de son ventre. Il a collé ses paumes sur ses reins, pour mieux la tenir contre lui. Sur le sommet de son crâne, elle ne perçoit plus le menton carré du docteur, mais la chaleur de ses lèvres. Sa résistance fond comme neige au soleil, en un irrésistible élan vers lui"[...] patati, patata.
Je ne vous révèle pas la fin, fin si? !SPOIL! Le méchant est puni puis il est libéré. Colombe, elle a reconstruit sa vie, elle est écrivain, elle dédicace son livre et lui il est là et elle l'affronte d'un regard imperturbable et lui signe une chouette dédicace en guise de remerciement pour tout ce qu'il a fait pour elle... Recouac...
Voilà je trouve dommage de finir ainsi, surtout qu'il n'est pas totalement déplaisant ce livre mais bon, j'ai l'impression d'avoir eu un pseudo-thriller entre les mains. Il ne reste rien de la tension psychologique au final, la fin telle qu'elle est écrite et tournée lui fait perdre toute la dynamique qui nous tient les nerfs. Pour moi, les éléments propres au roman d'apprentissage et l'écriture qui sombre dans "l'Harlequanisme", c'est trop. Tant pis ^^
18:51 Publié dans Grrr, Mmpf | Tags : le voisin, tatiana de rosnay, la colombe s'en va t'en guerre, qui a dit que la musique adoucit les moeurs, tapage nocturne, voisin voisine | Lien permanent | Commentaires (4)