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08/12/2014

La Horde du Contrevent - Alain Damasio

la horde du contrevent,alain damasio,34ème horde,neuf formes du vent,de l'aval à l'amont il n'y a qu'un pas,quête et dépassement de soi,amitiés à la vie à la mort,prose linguistique sans pareilL'Amont tu avaleras

Sur la 34ème Horde pèse l'ultime espoir, celui d'atteindre l'Extrême-Amont et percer le secret de la source et des dernières formes du vent ; ce vent fou qui lamine désormais le monde. Partis d'Aberlaas, où ils furent formés enfants, les 23 membres de la Horde, hommes et femmes, soudés comme un seul corps, pour le pire et le meilleur, comptent bien relever le défi.


Pénétrer ce roman c'est s'ouvrir à une expérience littéraire qui décoiffe et par la forme et par le fond. Pour peu qu'on se laisse porter c'est une pleine expérience sensorielle et linguistique.

On entre dans le livre comme si l'on faisait marche arrière, les pages vont en décroissant ("700"->0). Je n'y ai prêté attention d'ailleurs qu'au bout d'un certain temps, me demandant même si c'était volontaire et puis, comprendre que oui finalement ce "à rebours" a du sens.
Ensuite, viennent ces symboles/glyphes en introduction des prises de parole de chaque narrateur et l'on comprend mieux l'importance de ce marque-page fourni avec l'édition poche. Il permet de ne pas perdre pied dans le flot des interventions des 23 membres de la Horde. Il faudra un peu de temps pour les appréhender tous, pour s'accoutumer à leur parler, pour les distinguer. Si pour un certain nombre d'entre eux, l'identification sera rapide, pour d'autres il faudra s'approprier des nuances plus subtiles que le phrasé. Une approche de la narration originale qui pourra en fatiguer certains, les moins durs à l'effort peut-être, cet effort-là en tout cas.
Vient ensuite le moment de se laisser saisir par une puissance narrative, par un style, une originalité et richesse linguistique que j'ai rarement goûtés avant. J'aime les mots, j'aime que l'on sache jouer avec mais pas n'importe comment, non, avec maîtrise. Et c'est à ça que nous convie Damasio. Que ce soit à travers les variations de langage d'un "hordeux" à l'autre, que ce soit au travers des envolées et autres joutes verbales du personnage Caracole, que ce soit par la technicité/science des descriptions relatives aux vents et autres savoirs de chacun ou par une certaine portée métaphysique/philosophique : les mots chantent, dansent, ils soufflent le chaud, le froid, jamais ne sont tièdes.
Cette densité linguistique, ce ballet des mots pourra toutefois déplaire à certains. Ainsi, là où je me suis émerveillée, là où j'ai été soufflée, d'autres y ont vu complaisance, suffisance d'auteur. L'ennui les a gagnés. Toute perception est relative. De mon côté, je préfère saluer l'effort de l'écrivain à inventer et produire un texte riche, souvent novateur et qui, par là, m'a totalement immergé dans son monde.

Le monde justement dans lequel évolue la 34ème Horde (et nous avec) n'est pas si monotone que pourrait le laisser supposer une histoire bâtie sur la simple quête par un groupe d'élite des dernières formes du vent et de son origine.
Une lande de terre bordée de part et d'autre par des glaciers battus par les vents qu'un pack d'hommes et de femmes remontent à pieds, à contrevents et sur laquelle sont bâtis quelques rares villages/cités abrité(e) et plus ou moins accueillant(e)s. Le décor est planté.
Ce périple s'il tient éloignés nos hordeux de leur famille depuis des lustres est toutefois l'occasion de rencontres plus ou moins sympathiques et/ou menaçantes avec des voyageurs solitaires ou véritables armadas "volantes" telles que L'Escadre frêle des Fréoles.
Les régions traversées sont variées mais laissent rarement place à un franc émerveillement tant elles sont rudes et séquellaires pour notre Horde. Pour autant ces lieux et ces rencontres sont autant d'opportunités saisies par l'auteur pour faire trembler le lecteur et apporter dynamisme, étrangeté et tension à son histoire.
Une trame de récit qui ne se veut pas linéaire : ainsi s'il est constitué de nombreuses analepses permettant de saisir l'histoire et la psychologie des personnages, il comprend aussi de nombreux rebondissements qui surprennent parfois le lecteur par des découpes brutales (P. de H.!!!). Je n'ai rien contre les bonds dans le temps mais j'avoue qu'ici l'ellipse narrative m'a quelque peu frustrée, quand bien même il y a moyen de recoller ensuite les morceaux et de combler les trous. Mais quand même! Tsss...

Ce roman est une Aventure Humaine avant toute chose. Le sens de mots tels que lien, unité, volonté, sacrifice, orgueil, dépassement de soi trouvent dans cette histoire une définition parfaite.
C'est à la fois le récit d'un groupe qui avance comme un seul Homme, en bloc, faisant front face aux écueils naturels (voire supra-naturels) d'abord et humains ensuite. C'est aussi un ensemble de récits singuliers où chacun raconte soi et les autres, se livre totalement ou à mots couverts, donne à voir ses richesses et ses failles, révèle qui ou ce qui le porte à poursuivre malgré de nouvelles envies qui se font jour au plus près du but, malgré les pires souffrances.
Si notre rencontre avec la 34ème Horde du contrevent se fait alors qu'ils sont pour la plupart dans la trentaine finissante, eux se connaissent depuis l'enfance/adolescence. Formés à Aberlaas, cité principale de l'Extrême-Aval, qu'ils soient "fils/filles de" ayant fait leur preuve ou recrues anonymes, ils forment une élite qui porte fièrement gravée à même la peau leur appartenance à la Trente-quatrième. Parce que les meilleurs qu'il ait été donné de voir, ils canalisent plus que jamais le plus grand espoir de percer le secret de l'Extrême Amont et surtout d'en revenir. Parce que ce périple est aussi une quête personnelle, la quête de toute une vie sans laquelle rien n'aurait de sens, il faut comprendre que pour ces hommes et ces femmes renoncer n'est pas concevable quel qu'en soit le prix pour eux ou le groupe. Si intrinsèquement chacun se distingue par ses singularités et compétences/aptitudes, ils forment avant tout un groupe, une meute et c'est ainsi qu'ils existent et existeront à jamais. Abandonner serait s'ôter le droit à ce titre, serait sombrer dans l'oubli. Ensemble ils sont La Horde du Contrevent, seuls ils ne sont rien.
Comme quoi il ne faut jamais minimiser ce qu'appartenir à un groupe implique et ce qu'en sortir implique encore plus. Il y aurait beaucoup à dire.

Le jugement que l'on peut porter sur ces hommes et femmes n'est jamais figé tant la manière de les appréhender est différente suivant ce que l'on pressent d'eux de prime abord, par leur rapport (parfois de force) au sein du groupe ensuite et finalement par leur évolution durant ce difficile et douloureux périple. Ils m'ont marqué par leur obstination/volonté, par leur bonté, beauté d'âme, par leurs diversités. Certains m'ont touchée par leur force de caractère, d'autres juste en ouvrant la bouche, d'autres encore par leur histoire personnelle et d'autres encore et encore parce que leur seul présence comblait chacun.

La fin, la toute toute toute fin (la dernière phrase en fait) m'a sciée et a apporté son lot d'interrogations. Souvent, au gré d'un certain nombre de révélations en fait, je me suis interrogée sur le sens de cette quête, sur les motivations de l'Hordre à la base de tout, sur le rôle de certains membres des Hordes présentes et passées, sur cette obstination à poursuivre malgré la conscience plus ou moins aiguë de ce qui les attendait. Foi admirable ou pure folie? Toutes ces questions ont été décuplées au point final.

[Ce que j'aurais aimé ? Commencer ce voyage avec la 34ème Horde alors qu'ils n'étaient que des enfants.
Ne pas rendre un avis aussi brouillon! Pas grave le plus beau de ce livre est à jamais à l'intérieur de moi.
Ce que je voudrais? Une suite pour comprendre les tenants et aboutissants et pas seulement extrapoler ad vitam aeternam sur eux... Un peu frustrée je suis :p]

Citations pour la route :

"Comment te sens-tu ?
Comme une bougie qu’on allume et qu’on mouche, juste en déplaçant de l’air, qui ne sait plus sa chaleur, qui ne sent plus ce qu’elle éclaire ou qui."

"Moins que d'autres, je ne savais si le but de notre vie avait un sens. Mais je savais, plus que quiconque, qu'elle avait une valeur."

"Et le jour où il n'y aura plus de couleur nulle part, où tout sera blanc sur la terre comme au ciel, je me trancherai une veine pour que tu puisses encore voir du rouge !"

"La solitude n'existe pas. Nul n'a jamais été seul pour naître. La solitude est cette ombre que projette la fatigue du lien chez qui ne parvient plus à avancer peuplé de ceux qu'il a aimé, qu'importe ce qui lui a été rendu."

"Notre lien n’est pas de titre ni d’intellect : il est à la pliure de cette quête – comprendre. Plus qu’aucun des autres, nous nous demandons. D’où vient le vent, où naît-il ? Non, ça c’est ce que les hordonnateurs veulent que l’on se demande, c’est la réponse qu’ils escomptent nous voir rapporter, à la manière de braves chiots (Ou bien enterrer avec nous afin de laisser intact l’espoir ? A moins bien entendu qu’ils ne sachent. Qu’ils sachent depuis longtemps ce qu’il y a au Bout, mais ils envoient depuis des siècles des Hordes…) Plutôt cette question rêche : pourquoi contrer ? Pourquoi acceptons-nous de consacrer notre vie à aller quérir une origine que personne n’a jamais pu atteindre ? Parce que nous pensons justement y parvenir n’est pas la bonne réponse. Décidément pas. Il y a pire : ce n’est pas encore la bonne question, elle non plus."

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Commentaires

Ce livre, c'est une vraie claque ! J'ai adoré, même s'il y a des défauts. Voire à cause de ça. Je ne sais pas, c'est à la fois une lecture terriblement prenante et une expérience de lecture. Il faut le lire de toute façon :)

Écrit par : La chèvre grise | 09/12/2014

J'ai vraiment très envie de le lire il a l'air superbe :)

Écrit par : Léa Touch Book | 09/12/2014

Euh tu appelles ça un avis brouillon ?!? O_o Punaise, j'ai l'impression que le mien est du pipi de chat à côté du tien.
Et tu sais quoi ? tu m'as donné envie de le relire et surtout de le relire en groupe petits bouts par petits bouts en en discutant, en savourant … ce serait le pied je crois !

En tout cas ce livre est une expérience à part, une grande claque, un coup de vent dans la lecture et il m'a sacrément marqué.
En fait, je ne suis pas certaine d'avoir envie d'une suite car pour moi "la boucle est bouclée" … mais on peut en reparler.

Écrit par : Mypianocanta | 10/12/2014

Pas de suite au programme ?

Écrit par : Alex-Mot-à-Mots | 10/12/2014

@La chèvre grise : eh eh quel enthousiasme! ça fait plaisir :) J'ai bien apprécié ton avis aussi.

@Léa : tu verras, il décoiffe.

@Mypi : oui oui, c'est exactement le sentiment que j'ai eu en mettant le point final à mon avis : celui d'avoir eu beaucoup de mal à organiser mes idées et à rendre compte de mon ressenti :)
Et ton avis est tout sauf du pipi de chat ma belle! Tu plaisantes non? Il m'a convaincu de lire ce titre, il était vraiment beau!!!
Si tu as reçu mon MP on pourra reparler de cette fin :)

@Alex : à priori pas de news de ce côté-là. Mais Jae_lou m'a link ce lien sur FB :
http://www.elbakin.net/fantasy/news/22583-Un-teaser-pour-la-Horde-du-Contrevent
Voilà :)

Écrit par : c'era una volta | 11/12/2014

C'est toujours un plaisir de lire les chroniques des copinautes sur un roman que l'on a tant aimé !
La tienne est vraiment à la hauteur, et honore à merveille les différents sentiments qu'il inspire.
Je suis comme toi, à désirer une suite... Ne serait-ce que pour apporter de l'eau à tous les moulins qui se sont mis en branle dans ma petite tête depuis, et qui continuent de tourner, tourner, alimentés par un doux slamino ;-)

Écrit par : Lupa | 13/12/2014

@Lupa: merci ma belle de ton retour sur cet avis que j'ai eu bien du mal à rendre fidèle à mon ressenti. Il y aurait tant encore à dire sur ce roman (vive les MPs!)
J'espère que si une suite arrive (et il nous faudra être encore patientes) nous la partagerons avec autant de plaisir :)
(le furvent sous mon crâne commence à s'apaiser ^^)

Écrit par : c'era una volta | 14/12/2014

Voilà, je viens de finir la Horde, et j'écris déjà ma chronique sans prendre aucun recul, si ce n'est une nuit de repos. M'endormir avec la puissance de ce roman a été dure ! On s'attache à ces personnages comme personne, cette narration nous approche d'eux au plus près, et je suis épuisée d'avoir lu ce livre ! Quel bonheur cette maitrise de la langue ! une fin percutante qui convient très bien à toute la réflexion qui se construit pendant l'aventure ! Je comprends tes interrogations maintenant ! ;)

Écrit par : licorne | 12/02/2015

@lili : :) Il faut que j'aille te lire!!! En tout cas, déjà très heureuse de sentir à travers ces quelques mots ton enthousiasme pour l'histoire, les personnages et l'écriture de Damasio :)
Un régal!

Écrit par : c'era una volta | 12/02/2015

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