24/01/2015
Septembre rouge - Anders Bodelsen
Ce qui nous lie
Un lieu incertain au Danemark, Jens croit reconnaître dans l'homme qui se tient à quelques mètres de lui, les traits de son frère Soren, décédé en Autriche au cours d'un reportage quelques années auparavant. Perturbé par cette "rencontre", il décide de recontacter Vera, sa belle-sœur. Celle-ci lui confirme qu'elle a bien identifié le corps retrouvé dans les décombres, qu'il n'y a aucun doute possible. Pourtant Jens, convaincu de ce qu'il a vu, ne peut se soustraire aux souvenirs de son frère et aux questions à son sujet qui affluent.
Un polar noir qui tient plus du "roman d'espionnage" que du policier à proprement parler. Ici pas d'enquêteurs, pas de meurtres. Il y est plus question de disparition ou plutôt de réapparition. L'accroche est prenante et laisse entendre (à tort?) plus que ce qui va se jouer.
Enfin... Comment vous dire? C'est assez particulier : il n'est pas possible de dire que rien ne se passe. Il y a une intrigue où l'on soupèse
- ce qui se joue : Soren est-il vivant? Prise de conscience et risques.
- ce qui s'est joué : deux frères avec les mêmes idéaux de jeunesse engagés plus ou moins dans un groupuscule d'extrême gauche. L'un qui a fini par entrer dans le rang, l'autre est mort.
- ce qui pourrait se jouer ...
Beaucoup de choses sont suggérées plus que dites. On devine plus qu'on ne sait. Le flou est de mise. Cela peut s'avérer frustrant, ce sentiment de rester en surface et de ne pas toujours réussir à percer les indices donnés par l'auteur. Notamment les informations relatives au passé des frangins, en grande partie lié à un pan d'Histoire socio-politique du Danemark et de ses activistes.
Oh rassurez-vous cela n'empêche pas de comprendre ce qui s'est tramé, les répercussions que cela a eu pour les uns et les autres et qu'il pourrait encore y avoir.
Septembre rouge, roman engagé? Il amène sans nul doute à une certaine réflexion sur la société, sur l'engagement, sur ses risques et ses limites. Assez d'actualités, tout ça.
Septembre rouge c'est aussi une sorte de huis clos familial : l'intrigue met en relief les liens du sang, jamais vraiment rompus. Jens et Soren ont partagé durant des années un même idéal, le petit frère ayant été guidé, entraîné par le plus grand. Puis chacun a tracé sa route, un peu à la manière de leur propre parent (mère engagée, père rangé). Jens est devenu fonctionnaire ministériel, Soren journaliste. Puis il a disparu.
Des années après, Jens peut-il porter secours à un fantôme, peut-il répondre toujours présent à son frère, lui rester loyal? Je me suis demandée si Jens n'agissait que par amour pour ce frère tant adulé, retour à une complicité passée ou s'il agissait juste pour lui-même, histoire de sortir d'une vie trop rangée et de sentir à nouveau (une dernière fois?) l'adrénaline de l'action. Le moteur de nos actions, est-ce l'autre, nous, un mélange des deux? Responsabilité de nos actes, actions, engagements...
Pour mettre en lumière les frérots, on trouve Vera la veuve. Personnage difficile à percer, assez froide. Elle est un mécanisme troublant dans l'intrigue dans le sens où je me suis longtemps interrogée sur sa sincérité, si elle cachait ou pas un autre visage...
Gravite autour d'eux, un autre personnage assez mystérieux, appartenant de ce que j'ai cru comprendre aux services secrets israéliens. Lui aussi j'ai eu du mal à savoir jusqu'au bout s'il était un bonus ou un malus pour les protagonistes. Un peu des deux sans doute...
Il y a aussi Laura, la fille de Jens. Levier de l'histoire familiale, en rébellion quand aux idéaux politiques de son père, elle le questionne et fait ressurgir le passé.
Si quelques éléments de l'histoire m'ont laissée sur ma faim, j'ai particulièrement apprécié l'écriture d'Anders Bodelsen. Son roman ne s'appuie pas sur l'action, je crois qu'il s'appuie uniquement sur ce que le lecteur projette dès les premières pages. Cela génère un certain suspens. On attend que la bombe explose et éclabousse, elle se contente d'imploser laissant le mystère Soren quasi préservé.
Livre lu dans le cadre d'un partenariat avec les Éditions Folio que je remercie encore et toujours!
Lecture entrant aussi dans le cadre du challenge de Licorne.
"D'accord, nous vivons une crise, mais les crises, c'est la manière de respirer du monde."
"En tant qu'économiste, tu ne peux nier que, dans le monde, les pauvres deviennent de plus en plus pauvres et les riches de plus en plus riches. Pourtant, au lieu de s'en soucier, les Danois parlent de rouler plus vite sur les autoroutes, de privatiser les hôpitaux ou de se montrer plus ou moins bienveillants envers la fraction de pauvres qui se sont égarés chez nous, ceux qui nous menacent en s'accrochant à leur petit coin de feu et d'identité, et par conséquent..."
"La vie se réduit à un magnifique banquet d'adieu où l'on gaspille les ressources de la terre, on la souille et l'on vit sans penser au lendemain."
"Ce que l'histoire du monde nous a démontré, c'est que ce sont toujours les victimes qui ont changé l'ordre et le désordre du monde."
13:07 Publié dans Bang, Mmpf | Tags : septembre rouge, anders bodelsen, danemark, activisme, secret, liens du sang, roman espionnage?, roman engagé | Lien permanent | Commentaires (13)
Commentaires
Écrit par : Ingrid | 24/01/2015
Écrit par : Léa Touch Book | 24/01/2015
@Léa : pas dénué d'intérêt en tout cas :-)
Écrit par : c'era una volta | 24/01/2015
Écrit par : licorne | 25/01/2015
J'ai un autre avis sous le coude à venir. Un policier d'une auteure du coin que j'apprécie vraiment bien. /kiss
Écrit par : c'era una volta | 25/01/2015
Écrit par : Alex-Mot-à-Mots | 25/01/2015
Écrit par : c'era una volta | 26/01/2015
Écrit par : Lupa | 28/01/2015
Écrit par : Marie et Anne | 29/01/2015
@Marie ou Anne : :p il a d'indéniables qualités et je laisse à chacun le choix de les découvrir
Écrit par : c'era una volta | 31/01/2015
A voir...
Écrit par : Cledesol | 01/02/2015
Écrit par : c'era una volta | 01/02/2015
Écrit par : Lupa | 03/02/2015
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