02/05/2016
Le nom de la rose - Umberto Eco
On s'en lèche les doigts
En l'an 1327, le franciscain et ex-inquisiteur anglais, Guillaume de Baskerville, est envoyé en mission dans une Abbaye bénédictine pour le compte de l'Empereur afin d'y défendre l'idée de la pauvreté du Christ contre celle défendue par le Pape et ses émissaires, comme quoi rien dans les Écrits saints ne s'oppose à ce que l’Église ait des biens matériels propres.
Accompagné du novice Adso de Melck, Guillaume arrive dans une abbaye en proie à la confusion, un moine a été retrouvé mort au pied de la Tour Est de l’Édifice. Suicide ou meurtre? L'Abbé enjoint Guillaume de Baskerville de résoudre cette énigme avant l'arrivée de la délégation papale... Les heures sont comptées!
Il est difficile de rendre un avis d'un tel roman tant il est dense et tant son contenu met les neurones du lecteur en ébullition. Bien plus qu'un polar médiéval, Le nom de la rose est un véritable travail d'érudition livré par Umberto Eco.
Le médiéviste, sémiologue, l'homme de Lettres, le linguiste et enfin philosophe s'exprime avec splendeur dans ce roman. Et c'est pourquoi, la lecture bien que fort plaisante peut aussi se révéler à certains égards ardue.
Vous voilà prévenus ^^
Le narrateur de ce récit est Ado de Melck, novice et secrétaire de Guillaume de Baskerville. Sous son regard, nous est donné à voir son maître d'abord et, ce regard, est empreint d'admiration et de tendresse pour l'homme, pour ses facultés, sa sagesse, son esprit. Mais il sait aussi voir en lui une certaine vanité, l'orgueil intellectuel. En écho peut-être à celui de cette abbaye qui se prévaut de détenir au sein de sa bibliothèque le Savoir de l'humanité.
La luxure intellectuelle semble d'ailleurs bien plus importante que la luxure et la débauche à laquelle se livrent certains moines.
Le regard d'Adso se pose ensuite sur l'Abbaye, s'attarde sur l'énigme d'une bibliothèque labyrinthique, à la fois effrayante et fascinante, impénétrable objet de convoitises et mystères... Et avec laquelle, lui-même et Guillaume vont avoir fort à faire.
C'est à partir de ce lieu, incarnation d'une ou plusieurs personnes, que le lecteur fait connaissance avec les moines de l'Abbaye. Le destin de beaucoup y semblent profondément lié et en tout cas, pour certains leurs fins.
C'est dans les dernières pages du roman, que nous comprenons l'importance de la fonction du bibliothécaire, le jeu des manipulations entre les uns et les autres, le rôle perversif de la bibliothèque et les dérives qui lui sont liées.
Enfin, Adso porte un regard introspectif sur sa condition de novice, d'homme d'église et d'homme tout court. En cela, il y a aussi du roman d'apprentissage dans Le nom de la rose.
La candeur d'Adso, le charisme de Guillaume (ça a sûrement à voir avec l'image de Sean Connery qui se sur-imprime sur celle du roman...) contribuent au plaisir de cette lecture. Qui n'aimerait pas marcher au côté d'un tel homme et être inondé par sa sagesse et son humanité?
Je ne parlerai pas des nombreuses références littéraires qui jalonnent ce titre, ni des thèmes et débats historiques, théologiques, philosophiques, idéologiques... qui foisonnent ici, d'autres l'ont fait mieux que moi et il existe par ailleurs, une multitude d'études qui pourront venir compléter la lecture du roman. Je vous laisse les découvrir!
Le Nom de la Rose est un voyage de 7 jours dense et intense mais jamais trop lourd car jalonné aussi d'un humour certain. L'intrigue ne sera pas, pour ceux qui ont vu le film, ce qui retiendra leur attention, même si le cheminement des réflexions, suppositions est intéressant à voir dans le roman. C'est en tout cas, bien ficelé et Umberto Eco a produit un roman de grande envergure.
Merci à Unchocodansmonroman d'avoir proposé cette Lecture Commune. Vous retrouverez sous le lien "lecture commune" les avis de mes comparses de lecture : Luis, Unchocodansmonroman, LivrePoche(Nicolas), Nekotenshi, etc. Merci à tous pour nos échanges, ils sont toujours enrichissants :)
Quelques citations :
"Redoute, Adso, les prophètes et ceux qui sont disposés à mourir pour la vérité, car d'ordinaire ils font mourir des multitudes avec eux, souvent avant eux, parfois à leur place"
"- Le Coran, la Bible des infidèles, un livre pervers...
- Un livre qui contient une sagesse différente de la nôtre.""Et puis, vous savez que l'infâme a élaboré une constitution sur les taxae sacrae peonitentiariae où il spécule sur les péchés des religieux pour en soutirer d'autres deniers encore. Si un ecclésiastique commet le péché de la chair avec une nonne, une parente, ou même avec une femme quelconque (parce qu'on en arrive jusque-là!), il ne pourra être absous que s'il paie soixante-sept lires d'or et douze sous. Et s'il commet des bestialités, ce sera plus de deux cent lires, mais s'il ne les a commises qu'avec des enfants ou des animaux, et non pas avec des femmes, l'amende sera réduite de cent lires "
"Un diable! criai-je, et il s'en fallut de peu que la lampe m'échappât alors que je faisais une brusque volte-face et me réfugiais dans les bras de Guillaume".
"Il me répondit qu'il faut bien choisir des ennemis plus faibles, quand les vrais ennemis sont trop forts"
"-Or donc, si je comprends bien, vous faites, et vous savez pourquoi vous faites, mais vous ne savez pas pourquoi vous savez que vous savez ce que vous faites?"
"Parfois les simples comprennent mieux les choses que les doctes, dit Guillaume."
"Mais alors, osai-je commenter, vous êtes encore loin de la solution...
-J'en suis très près, dit Guillaume, mais je ne sais pas de laquelle.
-Donc, vous n'avez pas qu'une seule réponse à vos questions?
-Adso, si tel était le cas, j'enseignerais la théologie à Paris.
-A Paris, ils l'ont toujours la vraie réponse?
-Jamais, dit Guillaume, mais ils sont très sûrs de leurs erreurs."
Commentaires
j'espère toujours vous rejoindre sur la LC, un jour.....
Je suis contente qu'il t'ai plu.
Écrit par : Mariejuliet | 02/05/2016
On s'en lèche les doigts ... Lu il y a longtemps, il reste dans ma mémoire comme un de mes meilleurs souvenirs littéraires ! Le film est prodigieux avec des acteurs en tout point proche du livre. Je n'ose plus le relire car j'ai peur justement de trop assimiler les héros du film à ceux du livre. ( un peu comme pour le seigneur des anneaux ). E t pourtant il est tellement dense ce bouquin, il mériterait plusieurs relectures ! Merci de ce partage !
Écrit par : Licorne | 02/05/2016
Pfiou, voilà un titre qui me fait peur, il est trop ardu pour moi je pense ;p
Écrit par : Mélo | 02/05/2016
Une lecture un peu trop érudite à mon goût. Je préfère l'auteur dans ses écrits non-romancers.
Écrit par : Alex-Mot-à-Mots | 03/05/2016
merci pour ton avis et j'ai bien ri : "La luxure intellectuelle semble d'ailleurs bien plus importante que la luxure et la débauche à laquelle se livrent certains moines." zut alors ! on vient de perdre des lecteurs là ! hihihi !
Écrit par : nath | 04/05/2016
@MJ : eheh, demande à la maîtresse de la LC de te donner du rab pour les délais de lecture :p
merci!
@licorne : J'essaie toujours de trouver un titre qui colle au contenu, comme un clin d'oeil. Celui-là devrait parler à ceux qui l'ont lu :p
Bah moi aussi là pour le coup, impossible de dissocier le visage de Sean Connery de Guillaume de Baskerville et machin dont le nom m'échappe pour Adso. Il y a l'autre aussi tout moche qui m'avait marquée dans le film... :p
Peut-être un jour te laisseras-tu tenter à nouveau :)
@Mélo : meuuuuuuuh non même pas peur, t'es une warrior toi, c'est pas un livre qui va te faire peur hein ;)
@Alex : "ses écrits non-romancés", comme ?
@Nath : :p ahahah Oups naaaaaaaaaaan revenez, revenez!!! Il y a plein de "cochoncetés" dans Le nom de la rose, c'est mieux que 50 shades!!!! OMG, j'ai osé écrire ça! Flagellez moi! (... Ôô)
Quand j'ai écrit ça, je pensais surtout aux réactions de Guillaume vis à vis d'Adso quand il lui raconte "tu sais quoi" et face aux actes de certains moines, ça ne semble pas l'émouvoir plus que ça, comme si ça ne méritait pas d'être pris au sérieux (voire condamné). C'est surprenant pour des moines.
Et comparativement Guillaume semble se livrer avec un plaisir immense au plaisir des débats d'idées (ce que je qualifie de luxure intellectuelle en écho à ce que disait aussi Umberto Eco dans une certaine interview ^^ ). Bref, pas sûre que j'arrive à bien expliquer ce que je veux dire :p
Écrit par : c'era una volta | 04/05/2016
Je suis heureuse, sans être étonnée, de constater qu'Umberto t'a autant inspirée ! J'ai adoré le film, mais pas encore lu roman, malgré le fait qu'il trône bien en évidence dans ma bibliothèque ^_^ Je lui tourne autour depuis un très long moment déjà, sans jamais parvenir à me décider… Je crois qu'il m'impressionne le bougre ! Et je constate, une fois de plus, que je dois m'autoflageller devant mon manque de courage :D
Merci pour cette belle chronique qui me redonne la volonté de le découvrir ;-)
Écrit par : Lupa | 29/05/2016
Nous en sommes tous.tes là Lupa, de nombreux titres dans nos bibliothèques sur lesquels nous lorgnons avec envie avant de nous laisser emporter par d'autres envies encore plus fortes ou pressantes ^^
Tant qu'il y a le temps, pas besoin de s'inquiéter de quand (aka son tour viendra) :)
Écrit par : c'era una volta | 30/05/2016
Rebonjour, un chef d'oeuvre d'érudition et d'intelligence. Bonne journée.
Écrit par : dasola | 28/04/2020
C'est vrai. Presque envie de dire que c'est un roman qu'il faut avoir lu dans une vie :p
Écrit par : ite | 08/07/2020
Les commentaires sont fermés.