06/03/2017
La triomphante - Teresa Cremisi
Une empreinte
Alexandrie a vu naître Teresa Cremisi en 1945, d'un père italien et d'une mère aux origines multiples. De son enfance dorée en Egypte, en passant par l'exil italien, jusqu'au choix de cœur, français, Teresa Cremisi se livre à nous avec pudeur mais non sans un certain orgueil. Celui de sa culture, celui de son accomplissement, celui de sa liberté.
Au début de ma lecture, je me suis sentie dérangée par le ton de l'auteure qui racontait son enfance égyptienne, baignée dans l'insouciance et le faste de la vie d'une certaine "élite" bourgeoise. Et j'ai compris que ce que je prenais pour de la vanité, n'était qu'une fierté légitime de ce que l'on est, d'où l'on vient et du chemin parcouru.
Alors ce visage de l'enfant prodige, aux rêves de gloire, amoureuse de l'Iliade raconté avec une certaine emphase, s'estompe après l'exil en Italie pour laisser place à une jeune fille déracinée en quête d'appartenance. Cette jeune fille se refuse à la solitude, à la différence. Par mimétisme, elle se fond dans le moule, elle rentre dans le rang et gagne le cœur des camarades milanaises.
En fermant la porte à ce qu'il restait de l'enfant d'Alexandrie, elle creuse le fossé avec ses parents. Des parents qui ont perdu leur éclat mais auxquels de nombreux passages rendent hommage.
Vient ensuite le temps de l'ascension professionnelle. Les opportunités et les mains tendues, sa ténacité et son engagement surtout, son intelligence aussi la font accéder à des postes de responsabilité : directrice d'imprimerie, directrice éditoriale.
Un répit suivi d'un nouvel élan et la femme d'entreprise française apparaît triomphante, sûre d'elle, épanouie.
Il faut dire que l'amour est là aussi. Teresa Cremisi donne à voir ses sentiments avec douceur et pudeur. Elle qui dit n'avoir jamais été "une amoureuse".
Il y a dans les dernières pages de La Triomphante, une tendresse, un lâcher prise, une certaine dérision qui ont fini de me convaincre. Là, j'ai vraiment eu le sentiment de rencontrer l'auteure, de l'entendre parler comme dans une conversation intime, sans faux semblants, totalement ouverte, enfin libérée.
La Triomphante est un roman qui ressemble à une traversée en mer. Sur un bateau que quelques lames de fond ont échoué à faire chavirer. La voix de son capitaine porte au loin.
"Je constate qu'un des problèmes de la vieillesse, sauf maladie ou ramollissement cérébral, c'est que l'on vieillit jeune et, même, on meurt jeune. La jeunesse revient comme un souffle chaud parce que les contraintes sociales se sont évaporées. L'esprit de liberté trouve un espace mieux dégagé. Il permet sur le tard des idées, des espoirs dont personne ne sait plus que faire. C'est aussi triste que de mourir gentiment gâteux."
"Je riais au petit déjeuner sur la terrasse de l'hôtel. J'étais fière de moi. Je m'étais fait la démonstration que l'on pouvait travailler, beaucoup et sérieusement, se contraindre, se couler dans tous les moules, mais qu'avec un peu d'organisation il était possible de s'échapper de temps en temps. De faire le mur."
"Un soir, la fourmi, un peu éclopée, referma la porte. Elle préférait rater sa vie ailleurs."
Je remercie les éditions Folio de m'avoir permis d'aller à la rencontre de cette dame.
15:26 Publié dans Bang | Tags : la triomphante, teresa cremisi, roman d'inspiration autobiographique, mémoire, a self-made woman, références littéraires | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
Tu en parles si bien. Je le note.
Écrit par : Alex-Mot-à-Mots | 07/03/2017
Merci Alex de ce compliment! J'espère qu'il te plaira :)
Écrit par : c'era una volta | 27/03/2017
Tes mots aussi portent loin ! Cette rencontre t'a joliment inspirée ! Merci de nous tracer le chemin vers elle :)
Écrit par : Lupa | 20/03/2017
Les chemins de vie pour peu qu'ils soient intéressants, ça me parle toujours.
Ce doit être parce que ma maman me racontait souvent des histoires sur son enfance, adolescence et au-delà...
biz Lupa
Écrit par : c'era una volta | 27/03/2017
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