31/12/2018
Docteur Sleep - Stephen King
In your head, in your hea-ea-ead, zombie, zombie
Danny a survécu à l'Overlook mais il en est sorti marqué pour toujours. Et s'il y a laissé le pire, certaines apparitions ont continué de le hanter, l'obligeant à trouver un coin de son esprit où les y enfermer à double tour. Son don, trop lourd à porter, c'est dans la bouteille qu'il l'a fuit, le conduisant à une vie d'errance.
Puis vient la main tendue, celle qu'il faut savoir saisir pour refaire surface et c'est là, que les comptes doivent être réglés avec ce qui reste et qui menace toujours.
Un an et quelques que j'ai lu Shining et pourtant j'ai l'impression de l'avoir lu hier. Je ne peux pas dire pourtant que j'avais une attente particulière par rapport à Docteur Sleep. De la curiosité, ça oui.
Si Shining est un roman à caractère horrifique, clairement écrit pour avant tout vous coller des sueurs froides, je ne dirais pas qu'il en est de même de Docteur Sleep. Certes il y a les ficelles propres au genre mais ce qui domine dans cette histoire, c'est sa portée introspective et sa résilience. Et au final, il en émane malgré sa noirceur, une belle lumière.
Le récit met le lecteur face à un Danny adulte, un homme torturé. Torturé par le passé, torturé par ce qu'il porte en lui, un don fait de visions qui ne le laissent jamais vraiment tranquille, torturé par cette violence qui le ramène à son père, torturé par sa dépendance à l'alcool et la culpabilité de tout ce qu'il a fait ou pas à cause d'elle.
Si je ne me suis pas dit qu'il ne pourrait pas se relever, je me suis surtout demandée comment.
Tout le génie de King est là, d'avoir su apporter autant d'humanité à Danny au lieu d'en faire un surhomme. En construisant un homme faillible, ravagé par son passé, en proie aux doutes et à l'addiction, il l'a mis à hauteur d'homme auquel peut-être l'identification a été rendue possible. Et par là-même l'empathie.
Si au début du roman, Danny apparaît pitoyable, minable, la lectrice que je suis s'est bien gardée de tout jugement (Après tout, il a un sacré passif le petit gars et, je défis quiconque de vivre sereinement avec ce qu'il a enfermé dans son esprit).
Au fur et à mesure de sa rédemption, de sa réhabilitation, l'homme gagne en épaisseur et en sympathie. Sa part d'humanité prend le pas sur le monstre qu'il croit être, jusqu'à l'écraser et écraser avec lui, le besoin d'alcool.
Cette lutte contre la soif jalonne le roman, elle est propice à de nombreuses réflexions, écho probable de la traversée du désert de l'auteur lui-même.
Bref, dans la vie de Danny il y a le pire et le meilleur. Le meilleur c'est la tâche bonus octroyée par son don auprès des mourants de l'hospice où il a trouvé un travail. A l'heure de leur dernier souffle, Docteur Danny Sleep est là pour garantir un passage dans l'au-delà en toute quiétude. On en rêverait presque!
Va pour l'ingrédient fantastique, mais alors l'ingrédient horrifique me direz-vous?
Il est amené par la petite Abra. Tout bébé, la demoiselle inquiète ses parents par de drôles d'aptitudes. En grandissant, ces dons s'accentuent. Et sans le savoir, elle communique avec Danny. Mais l'un et l'autre en restent à cette communication lointaine, sans conséquences ni pour l'un ni pour l'autre, outre qu'elle titille la curiosité du lecteur. Jusqu'au jour où la jeune fille, devenue adolescente, perçoit quelque chose d'horrible, qu'elle n'aurait jamais dû voir. Et en faisant cela, elle a révélé son immense pouvoir à des gens pas très nets, des gens qui n'auront de cesse de la traquer.
C'est là que la relation des deux protagonistes de notre histoire se rejoint et explose, libérant la dimension horrifique et anxiogène du roman. Ouvrant aussi la porte au suspens, à l'action et à une montée en tension puissante.
Le récit prouve qu'il est bien pensé et bien ficelé jusqu'au bout, rien n'a été laissé au hasard quand arrive le grand final. Ce final que l'on craint mais qui nous aspire inexorablement. Alors oui à la fin, la boucle est bouclée, Danny et King ont eu leur revanche, la résilience est totale.
(il n'y a guère que la fameuse révélation qui m'a paru un brin too much dans l'histoire mais allez pourquoi pas après tout)
Lire un King, c'est se tailler une bonne part de réflexion sur la société et sur soi-même, sur notre part d'obscurité et de lumière, sur de grands questionnements comme ici le passage de vie à trépas, l'addiction et ce que nous avons à transmettre...
En tout cas, pour ma part, et même si j'ai pris mon temps pour le lire, ça a été un vrai grand plaisir de m'immerger dans ce roman jour après jour. Je n'ai pas ressenti un pet d'ennui à sa lecture. King a écrit une suite qui résonnera différemment de Shining mais pas moins intensément.
"L'esprit est un tableau noir. L'alcool, la brosse à effacer."
"Elle se disait que les choses ne pouvaient pas être pires mais elles peuvent toujours le devenir et bien souvent, elles ne s'en privent pas."
"Un jour, tu finis par t’aviser que rien ne sert de cavaler. Où que tu ailles, tu t’emmènes toujours avec toi."
"Quand l'élève est prêt le maître apparaît..."
"Les enfants viennent peut-être au monde en charriant des nuées de gloire, ainsi que Wordsworth le poète l’a si hardiment proclamé, mais ils chient aussi dans leur culotte jusqu’à ce qu’ils apprennent à faire mieux."
20:00 Publié dans Boum boum | Tags : docteur sleep, stephen king, danny torrance, une trentaine d'année plus tard, le don, instrospection, résilience, vampires à vapeur, alcoolisme, combat | Lien permanent | Commentaires (28)
Commentaires
Écrit par : Vert | 02/01/2019
Alors, si on compare, je trouve que la tension narrative se ressent bien plus dans le roman que dans le film. Ce n'est que mon ressenti perso évidemment, et devant un film d'horreur, chacun fait avec sa sensibilité :)
(je dois pas le répéter mais je n'ai pas vraiment aimé l'adaptation de Kubrick :p )
Et pour en revenir à Docteur Sleep, il est bien moins flippant aussi. C'est vraiment un autre registre qui fait l'intérêt de cette histoire.
Écrit par : itenarasa | 05/01/2019
Écrit par : La Méduse Neurologique | 02/01/2019
Si tu le lis, reviens m'en parler :)
Écrit par : itenarasa | 05/01/2019
Écrit par : shaya | 03/01/2019
Écrit par : itenarasa | 05/01/2019
Écrit par : Tigger Lilly | 06/01/2019
Tu as déjà lu quoi et lequel te fait envie? (à part peut-être celui-ci)
Écrit par : itenarasa | 09/01/2019
Écrit par : licorne | 08/01/2019
Après de mon côté, chez King ce que j'aime, au-delà de l'aspect horrifique, c'est la portée sociale de ses écrits.
Pour Dr Sleep, j'espère que tu trouveras la motivation de t'y remettre. Mais si chez King ce qui te plaît c'est vraiment l'aspect terrifiant de l'histoire, là tu resteras sans doute sur ta faim.
Bisous en retour Lili :)
Écrit par : itenarasa | 09/01/2019
Du coups je n'ai pas lu grand chose du sieur King.
Mais avec ta chronique j'ai l'impression d'avoir un peu lu Docteur Sleep.
Écrit par : Mariejuliet | 08/01/2019
Alors, ce roman-là n'est pas effrayant, comme je le dis dans mon avis, on est plus dans un récit introspectif, avec certes une histoire qui finit par jouer sur le registre "flippant" mais qui n'est pas de l'horreur pure comme on a pu le rencontrer dans Shining par exemple, ou même It.
Bon, comme il est préférable d'avoir lu Shining avant Dr Sleep, si tu dis que ça te fait trop flipper de lire de l'horreur... pas sûre que tu le lises un jour hein?
Après faut jamais dire jamais il paraît :p
Écrit par : itenarasa | 09/01/2019
Ptet qu'il faudrait que je teste sans ;-)
Ps : ça faisait vraiment trop longtemps que je n'étais pas passée.
Écrit par : Mariejuliet | 09/01/2019
Écrit par : itenarasa | 13/01/2019
Écrit par : Lupa | 11/01/2019
Je n'ai pas lu suffisamment de King pour savoir si c'est dans ce titre que quelque part, il se livre le plus, mais c'est indéniable que dans la voix de Danny il y a la sienne qui fait plus qu'écho.
Je trouve ça bon et comme tu le dis, le ton est juste.
(merci!)
Écrit par : itenarasa | 13/01/2019
Écrit par : Piplo | 12/01/2019
C'est vrai que bien des années sont passées entre les 2 romans. + de 30 ans quand même!
Tiens toi qui connaît bien cet auteur quel est ton titre favori? Aujourd'hui on m'a parlé avec enthousiasme de Marche ou crève et Rage.
(merci)
Écrit par : itenarasa | 13/01/2019
En dehors de cet incontournable pour tout amateur de King, je pense que ceux que je conseille le plus parmi mes préférés sont la ligne verte (très bonne adaptation cinématographique pour le coup) et la peau sur les os. Je trouve que ces romans révèlent bien son talent et ce que j'aime chez cet auteur!
En 3 tomes j'ai vraiment adoré le Fléau.
Je ne t'aurai pas dit marche ou crève ni Rage, mais je les ai aimés aussi!
Bonne journée ;-)
Écrit par : Piplo | 30/01/2019
La ligne verte est vraiment aussi bon à l'écrit qu'en visuel.
Avec King, j'ai des années de lecture devant moi et c'est très plaisant de se le dire :)
Écrit par : itenarasa | 02/02/2019
Écrit par : Nicolas | 25/01/2019
Je n'ai quasiment jamais le sentiment de trop en dire dans mes billets mais, même il y a toujours quelques infos sur la trame du récit, sur les personnages.
Si tu préfères attendre, attend :)
Écrit par : Itenarasa | 27/01/2019
Intéressant tout ça. Je n'ai pas lu Shining, juste vu le film, mais à ce que tu en dis ce Docteur Sleep s'insère bien dans la suite de Shining et dans les thèmes récurrents de King.
Écrit par : Alys | 27/01/2019
Merci de passer ici :)
Il y a une "certaine" continuité entre les 2 oui. Mais ils sont clairement différents (imho)
Ce sont 2 bons titres de King en tout cas. Mais est-ce qu'il y a du "bof" chez cet auteur?
Je présume qu'un.e auteur.ice ne peut éviter certaines répétitions dans ce qu'ils écrivent. Chez King, c'est ce qui donne de la profondeur et pas mal d'intérêt à ses écrits, donc la récurrence ne me gêne pas du tout :)
Écrit par : Itenarasa | 27/01/2019
Écrit par : Nicolas | 05/11/2019
Je trouve génial qu'il ait eu envie de conclure l'histoire tant d'années après. C'est bien d'ailleurs qu'il y ait eu du temps passé entre Shining et celui-ci. Le King, en écriture, vieillit bien :)
Écrit par : ite | 10/11/2019
Je suis fan de King, et son univers gravite autour de la quête du pistolero... Roland a un statut particulier dans mon coeur alors je dirai forcément La Tour Sombre!
J'ai eu un coup de coeur pour plusieurs de ses ouvrages comme La ligne verte, le fléau et la peau sur les os que j'ai lus gamine, et plus tard avec 23/11/1963 par exemple...
Écrit par : Piplo | 14/11/2019
Je pense que 2020 sera une année King ^^
Écrit par : itenarasa | 18/11/2019
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