16/04/2014
Meurtres pour rédemption - Karine Giébel
Horror humanum est
Marianne De Gréville, la petite vingtaine, purge une peine de réclusion criminelle à perpétuité incompressible. Incapable de se contrôler, en prison elle commet d’autres agressions envers mâtons ou codétenues. Cette violence, la prison la lui rend bien et à toutes les sauces : mitard, isolement, tortures physiques et psychologiques, viol et même tentative de meurtre. A quelques exceptions près, personne ne trouve grâce à ses yeux et elle ne trouve grâce aux yeux de personne -ou presque. Un jour alors que plus aucun espoir ne lui est permis, elle a l’occasion de retrouver la liberté. Saura-t-elle la saisir ?
Long, très long roman : presque 1000 pages. Pourtant des romans avec le quart de pages m’ont pris bien plus de temps pour en venir à bout. Ce Meurtres pour rédemption n’est pas de cela. Il est fait pour être englouti. La trame de l’histoire, le suspens pourrais-je dire, vous pousse à tourner pages après pages, avec soif. La soif de savoir comment tout ça va finir, savoir si cette rédemption est au bout.
Je crois n’avoir jamais lu de roman aussi violent, aussi dur que celui-ci. Quand on croit avoir vu le pire, le pire du pire arrive. Les coups pleuvent à tour de bras. Marianne en distribue, Marianne en reçoit. Juste retour des choses pour une criminelle penserez-vous ? Mais non. Non ce n’est pas aussi simple. Il n’y a pas Marianne la méchante d'un côté et, de l’autre, que des bons. Au contraire, ici la méchanceté et la violence gratuite changent largement de bord. Ceux qui sont censés incarner le Droit, la Loi sont pour la plupart mauvais, brutaux. Les matons se font tortionnaires, les hommes de loi manipulateurs. Certains sont haïs d'emblée.
Pour autant, Marianne n’est pas un ange dénué de tout reproches. Il ne faut pas s'y tromper. Elle a commis des crimes et, même si nous devinons ce qui l’a menée à cette escalade de violence, elle n’en est pas excusable. Son impulsivité maladive l'a poussée à répéter à maintes reprises le pire. Avec ce personnage l’expression voir rouge prend tout son sens. Elle n'a aucun sang-froid aussi malheur à qui provoque sa colère, malheur à qui la pousse dans ses retranchements.
Marianne paie le prix fort pour ses crimes. A la peine d'enfermement carcéral, s'ajoute d'autres sanctions : torture physique, torture psychologique. Acharnement sous toutes les formes. Marianne réplique par la violence, parce que c'est le seul langage qu'elle connaît. Jusqu'à ce que son âme et son cœur s'ouvrent...
Alors, dans cet enfer, on découvre ses autres visages :
Celui de la jeune femme qui se demande pourquoi elle a tué, leitmotiv lancinant. Marianne culpabilise et appelle régulièrement la mort parce que c'est tout ce qu'elle mérite, parce que c'est trop de violence reçue, distribuée.
Celui de la jeune femme amoureuse des trains. Rêve d'évasion, de liberté. Dernier rappel de jours heureux où elle goûtait à la liberté et accomplissait quelque chose de bien.
Celui de la jeune femme apte à aimer et désireuse de l'être en retour. Malgré son manque de confiance, malgré l'image déformée qu'elle a d'elle-même. Marianne se laisse parfois toucher par les autres et elle tombe alors ce masque de dureté. Elle ne mord plus, elle caresse, apaise, encourage, soutient et défend bec et ongles.
L'amour fou, éperdu, viendra d'un homme qui aura dû user de la manière forte, qui aura dû rabaisser Marianne plus bas que terre afin de la contrôler, avant de pouvoir percer sa carapace. Pour cet amour cet homme franchira des limites, sera même hors-la-loi. Pour cet amour Marianne apprendra l'abnégation totale, sacrifiera plus que la liberté.
De l'humanité dans ce roman il y en a. Malgré toute cette débauche de violences, de souffrances. Quelques belles âmes sont là pour nous permettre de respirer, d'atténuer la douleur. Mais jamais suffisamment, jamais assez longtemps. Et ce qu'il reste en refermant ce livre, c'est un profond sentiment d'injustice mêlé d'un sentiment d'échec. Et ça fait mal. Enfin moi ça m'a fait mal.
Meurtres pour rédemption est un roman fort, bouleversant. Il remue les tripes dans tous les sens du terme.
"J'ai connu un bonheur que beaucoup ignorent. J'ai eu cette chance, je n'ai aucun regret. [...] Si l'enfer existe ailleurs qu'ici, je l'y attendrai."
"La liberté, elle est à l'intérieur de toi... Là, dans ta tête... Pas besoin d'aller loin pour la trouver..."
"Et que oui, la liberté ça n'existe que dans les rêves. Ou dans la mort."
22:47 Publié dans Boum boum | Tags : meutres pour rédemption, karine giébel, milieu carcéral, violence, tortures, amour impossible, semi-évasion, et voilà j'ai encore pleurer, un pavé dans l'amer | Lien permanent | Commentaires (13)
Commentaires
Écrit par : faurelix | 16/04/2014
Écrit par : Licorne | 17/04/2014
Écrit par : Lylou | 17/04/2014
Je n'ai jamais lu Karine Giébel, et pourtant j'ai deux bouquins dans ma PAL, tu me donnes envie d'au moins en sortir un très bientôt.
Je note celui-ci aussi, je choisirai juste le bon moment pour le lire, car il est vraiment très sombre.
Écrit par : cledesol | 17/04/2014
Écrit par : Lavinia | 18/04/2014
Écrit par : Stellabloggeuse | 18/04/2014
Écrit par : Alex-Mot-à-Mots | 18/04/2014
Écrit par : stephanie plaisir de lire | 01/05/2014
@Licorne : Je suis comme toi, cette histoire ne laisse pas indemne. Mais pas dans le sens négatif. Il est intensément bouleversant, remuant, provoque émotions et réflexions. Il remue quelque chose (en moi en tout cas) qui a trait à l'injustice. Je lirai c'est certain d'autres romans de cette auteure! bise ma Lili
@Lylou : bienvenue par ici! Oui on aime certains personnages intensément, on en déteste certains tout autant. Une auteure que je découvre et dont j'adore déjà l'écriture :)
@Clédesol : miss, empresse-toi de lire cette auteure mais oui choisi bien celui par lequel tu entreras dans son monde. Sache que d'après ce que j'ai pu entendre et comprendre, il est souvent sombre ^^
@Lavinia : :p A charge de revanche. Mais oui ne te gêne pas, saute dessus si tu en as l'occasion!
@Stella : oui oui j'ai vu que tu sortais toi aussi d'une lecture Giébel ^^ J'aurais aimé pouvoir discuter avec ce monsieur. En fait j'adorerai discuter autour d'un chocolat chaud de ce roman avec quelqu'un qui l'a lu!
@Alex : nous partageons ce sentiment alors Alex :)
@Stéph : toi aussi tu trouves les bons mots pour résumé ce roman. Je crois que j'y penserai longtemps et j'espère pourtant que d'autres romans de l'auteure me chambouleront de la même manière et tant pis si je finis en larmes :p
Bon 1er Mai à toutes!!!
Écrit par : C'era una volta | 01/05/2014
Écrit par : Léa Touch Book | 09/06/2014
Écrit par : c'era una volta | 13/06/2014
Oui, j'ai aimé cette histoire (la fin rattrape pas mal les choses) car il y a du romanesque. C'est beau, ça serre la gorge. D'autant qu'on a passé pas mal de temps avec les personnages. Beaucoup trop de temps.
Pourquoi la 1er partie fait plus de 550 pages. Je me suis régalé les 100 première pages puis ça tourne en rond. Elle bastonne, elle reçoit je ne sais plus combien de fois. Cela aurait put être beaucoup plus court car le personnage évolue pas tant que ça.
Puis, l'histoire se relance… mais se remet vite à tourner en rond. De même que la première partie, cette seconde aurait pu être moitié moins longue. Heureusement que la fin prend un rythme plus juste.
CE qui me gêne n'est pas la quantité mais la justification de cette quantité. Je n'ai pas trouvé nécessairement la naissance de cet amour plus crédible parce qu'elle s'étale sur 600 pages.
Écrit par : Nicolas | 02/09/2019
Peut-être qu'il aurait été encore meilleur avec moins de pages. La force de la fin de cette histoire est vraiment ce qui m'est resté (au point d'effacer d'autres choses va savoir ^^)
Écrit par : itenarasa | 03/09/2019
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