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22/09/2012

Fahrenheit 451 - Ray Bradbury

lecture commune,partage livresque entre livraddictiens,échanger autour d'un livre c'est chouette!Un livre et je m'enflamme!

Fahrenheit 451 est ma 1ère LC (lecture commune) Livraddict, Felina en est l'organisatrice. Grand bien lui en a pris car j'ai vraiment apprécié cette lecture et l'échange qui en a découlé, en découle, en découlera?

Guy Montag est un pompier d'une nouvelle ère "aseptisée" par le feu, où tout ce qui n'est pas de l'ordre d'un plaisir abrutissant et dénué de sens a fini par être interdit : lire, marcher, regarder autour de soi, se poser, admirer, humer, discuter avec profondeur.
Ainsi, avec son équipe, la brigade451 comme je l'appelle, il met avec fanatisme le feu aux livres, aux maisons qui les cachent et à leurs propriétaires pour peu qu'ils soient récalcitrants. Jusqu'au soir où il rencontre la jeune Clarisse qui fait fi des interdits, qui vit et ressent les choses, qui s'interroge, qui se laisse interpeller par ce qu'elle voit, sent et qui l'interpelle lui, sans peur, presque avec défi (oui lui le représentant omnipotent de cet ordre nouveau). Elle le regarde droit dans les yeux, lui donne existence et ravive en lui la conscience des choses.
Cette rencontre dans un monde si impersonnel va bouleverser notre homme.

Parenthèse interprétation : Clarisse c'est Eve, Montag c'est Adam, le livre c'est la pomme et si elle, Clarisse, ne lui tend pas le fruit défendu, elle éveillera toutefois en Montag suffisamment d'intérêt pour cette connaissance qui représente tout ce qui, veut-on nous faire croire, peut mener l'Homme/l'homme à sa perte et causer son malheur. Elle lui donnera en tout cas le courage d'aller au bout de ce que ses mains avaient commencé à cacher à son insu...

Comment ne pas aimer ce roman d'anticipation? J'ai lu ici et là qu'on parle de dystopie pour le qualifier (bon shame on me, avant de débarquer sur Livraddict, je ne connaissais même pas ce mot...). Moi je le définirais par roman "avant gardiste" (parce que ce terme au moins il me parle).
Cette critique faite par Bradbury et datant des années 50 d'une société futuriste "décérébrée" est "intemporelle", tristement toujours autant d'actualités.

Comment ne pas réagir à ce qui est "dénoncé"/"annoncé" ? l'abrutissement des masses par les médias et autres "reality shows" ; l'isolement ou les faux rapports dans lequel quelque part peuvent nous plonger les réseaux sociaux sur le web ; les autodafés de livres dans des pays totalitaires qui refusent au peuple le droit à la réflexion, à la remise en question, à la discussion, à la connaissance ; où n'est donnée pour vérité que ce qui est distillé par le pouvoir lui seul (un pouvoir qui vise à tout contrôler par la violence, la menace, le "rebattage" d'oreilles).
Que dire de cette peinture de société où la considération pour l'être humain est réduite à néant?
La violence gratuite en bande organisée. "Oh ben tiens, ce soir je m'ennuie, je sors avec mes potes et je tue le 1er pelot que je croise en chemin"... Cela vous paraît trop gros? Pourtant ça arrive régulièrement aujourd'hui... La délation entre voisins, ça n'évoque pour vous que la chasse aux sorcières aux US ou ce qui se passait en Europe pendant la guerre 39/45? Pourtant ça a court de nos jours et c'est parfois même encouragé... Les chasses à l'homme télévisées où l'on prend à témoin la population, du délire? Non, non ça existe bien...
Ah! Je m'enflamme, je m'enflamme!!! Ce livre touche quelque chose en moi, éveille une conscience, "allume la flamme" (comme le dit Chambon dans sa préface) et ça gronde à l'intérieur :p

Bradbury évoque surtout dans son roman la mise à mort du papier, du livre... il a ouvert là un débat sur la crise du roman qui, sur fond de crise culturelle, a secouée l'Amérique dans les années 60. En tant qu'écrivain nul doute que ce débat dont son livre se faisait l'écho par anticipation lui tenait à coeur et qu'il a cherché à ouvrir les yeux de ses contemporains sur ce qu'il pressentait de dangereux dans les nouveaux loisirs, les nouvelles technologies.

Si le coeur vous en dit, allez lire cet article de Bertrand Gervais sur la mort du roman sur lequel je suis tombée en faisant une vague recherche sur la mort du livre, je l'ai trouvé très intéressant et très proche des réflexions qu'amènent Fahrenheit 451. En voici une citation : "Le livre ne sera peut-être plus jamais le même, mais la culture dont il est l'expression continuera sa route."

Bien, outre le thème abordé j'ai aussi aimé le style imagé, métaphorique de Fahrenheit 451. Que ce ne soit pas une écriture (science)fiction pure et dure dont je ne suis pas spécialement "adepte" m'aura sûrement permis de rentrer plus intensément dans la réflexion. Je trouve ce roman tout à fait contemporain. Finalement, je me rends compte que j'aime de plus en plus ces livres où le "héros" pense plus qu'il ne parle (agit plus qu'il ne dit).


Si vous avez vu le film "Equilibrium" (avec Christian Bale) vous ne manquerez pas de faire le rapprochement avec Fahrenheit 451. Et encore une fois, c'est de la femme que partira la révolte... (vive nous! :p)

Voici un parmi tous les passages que j'ai aimé :
"Debout à côté de Montag, Granger regardait dans la même direction. "Chacun doit laisser quelque chose derrière soi à sa mort, disait mon grand-père. Un enfant, un livre, un tableau, une maison, un mur que l'on a construit ou une paire de chaussures que l'on s'est fabriquée. Ou un jardin que l'on a aménagé. Quelque chose que la main a touché d'une façon ou d'une autre pour que l'âme est un endroit où aller après la mort ; comme ça, quand les gens regardent l'arbre ou la fleur que vous avez plantés, vous êtes là. Peu importe ce que tu fais, disait-il, tant que tu changes une chose en une autre, différente de ce qu'elle était avant que tu la touches, une chose qui te ressemble une fois que tu en as fini avec elle. La différence entre l'homme qui ne fait que tondre le gazon et un vrai jardinier réside dans le toucher disait-il. L'homme qui tond pourrait tout aussi bien n'avoir jamais existé ; le jardinier, lui, existera toute sa vie dans son oeuvre.""

Pour encore plus d'avis/d'échanges voici les autres articles des participants de la LC :

Lizouzou

BeL

Soundandfury

Felina

Lecturesetcie

Ramettes

StupidGrin

Livrons-nous

Choulie

Dex

Kyeira

J.a.e_lou

Piplo

Mack

Nelly17

 

Felina, merci encore pour cette invitation à relire ce Grand classique de la SF.

 

14/09/2012

La nébuleuse de l'insomnie - Antonio Lobo Antunès

La nébuleuse de l'insomnie-A_Lobo_Antunès.jpgJe me suis fait LOBO-tomisée...

"Je me suis tapi dans un coin les joues dans les paumes et j’ai pensé – le jour ne va pas tarder à se lever alors que le jour ne se lèvera jamais"

Et bien moi j'ai été heureuse que le jour se lève après avoir achevé cette lecture qui m'a bien malmenée et bien souvent plongée dans la confusion. Mais pourquoi me direz-vous? Parce que... et là je vais essayer de coller au style :

La nébuleuse de l'insomnie est un livre qui vous donne le vertige tellement le style est chaotique et consiste en un flot ininterrompu

-ou presque

de pensées, réminiscences, interrogations qui vous retournent le cerveau et tout ça tourbillonne dans un temps imprécis où l'on ne sait plus si ce qui est dit, c'était hier ou demain, si le narrateur est l'enfant ou l'adulte, le frère ou la femme, la cousine?

-l'idiot?

bref, c'est un désordre d'images, paroles qui se répètent à l'infini, de lambeaux de récits complètement décousus et qui s'enchaînent sans répit (il faut attendre la fin d'un chapitre pour voir arriver un "." salvateur). Petit extrait illustrant un style... déroutant :

"-Quelle vie

pas seulement ses traits, tout entière sans défense, fragile, ma mère l'enfant du naufragé entrant dans le réfrigérateur

-Disparaissez d'ici

et malgré tout le crayon

-Et nous

Chaque fois qu'il touchait le bureau, celui qui m'avait multiplié les os s'est avan

(sur le mur un type vêtu d'une blouse sévère m'a-t-il semblé et brandissant un livre mais je n'ai pas pu m'attarder sur la question)

cé d'un pas révérencieux

-Il a essayé de s'enfuir avant hier

ma mère abandonnant le réfrigérateur pour s'enfermer dans sa chambre [...]"

(J'ai souvent eu envie de crier "mais c'est quoi ce bordel?" ou "mais donnez-lui un somnifère que ça s'arrête!")

Prenez votre souffle, il faut s'accrocher pour tout saisir. A tel point que je me suis demandée si cette manière d'écrire était liée à une mauvaise traduction du portugais. Mais non, non, la traduction est paraît-il excellente et fidèle à l'écriture V.O. Je ne saurais dire si une telle écriture relève de la prouesse ou du dérangement psychologique. Quel esprit tortueux (torturé?) faut-il avoir pour "pondre" un tel récit? (C'est marrant quand j'ai vu les premiers Saw, je m'étais fait le même type de réflexion en me disant que le scénariste devait avoir un esprit sacrément tordu pour avoir inventé de tels pièges...). Bon, M.Lobo Antunès était psychiatre avant d'être écrivain... Je comprends un peu mieux du coup - Ce livre doit être un test!!!

Certains ont salué une écriture fantaisiste qui s'accorde "toutes les libertés", un style "d'une grande puissance poétique". Moi, je pense m'y être un peu perdue dans ce récit ou en tout cas, avoir été complètement déroutée par le style, ne pas en avoir saisi toute la... "beauté" (???) Je ne sais pas trop quoi en penser en fait. C'est vrai qu'il y a un moment où l'on s'habituerait presque à cette forme d'écriture, mais je regrette de ne pas y avoir vraiment adhéré parce que, du coup, j'ai eu bien du mal à me concentrer sur l'histoire en elle-même.

Ce que j'ai compris : souvenirs décousus d'un jeune adulte "autiste" (l'idiot) enfermé dans un hôpital psychiatrique qui nous ouvre les portes de son esprit. Esprit sans sommeil, tourmenté par les réminiscences d'une enfance où se croisent (mais pas vraiment) le grand père (despotique), la grand mère (malade), le frère (écrivain?), la tante (morte?), le commis (le père???), le père (ou pas...), la cousine (oiseau de mauvais augure), des bêtes que l'on tue (pauvres lapins). Confusion de souvenirs où la mort plane bien souvent, où les interrogations à la filiation sont permanentes, où la sauvagerie humaine perce confusément.

Quand je ne dors pas, est-ce que mon esprit divague autant?...

Comme me le disait Reveline, le titre n'est pas trompeur, c'est nébuleux à souhait.

Eh vous avez vu les copines malgré tout j'ai réussi à écrire quelque chose ! :p

*merci à Sound de m'avoir inspirée pour le titre ^^

11/09/2012

La pluie avant qu'elle tombe - Jonathan Coe

la pluie avant qu'elle tombe,jonathan coe,photographies,saga,les relations mèrefille c'est compliqué,cassettes audio,une photo ça trompe énormément

Un roman qui s'écoute...

"Une chose n'a pas besoin d'exister pour rendre les gens heureux, pas vrai?"

La vieille tante Rosamond est décédée. A Gil, sa nièce, revient la charge de nettoyer la maison. Elle y découvre des cassettes et, dans l'une d'elle un bout de papier qui lui indique que ces dernières sont pour Imogen (sa petite cousine aveugle "disparue"). Si elle ne la retrouve pas, elle devra les écouter elle-même. Les recherches de Gil n'aboutissant à rien, elle décidera un soir, accompagnée de ses 2 filles, d'écouter les dites cassettes qui viennent commenter 20 photographies.

Ces 20 photographies soigneusement choisies par Rosamond retracent l'histoire de 3 femmes qui l'ont marquée au fer rouge. 3 destins intimement liés à elle, 3 générations : Beatrix, sa fille Théa et sa petite-fille Imogen (vous suivez ?). 3 descendances qui traînent le même désamour familial de mère en fille, ce même rendez-vous manqué entre mères et filles que Rosamond avait déjà constaté entre Béatrix et sa mère Ivy. A l'époque du Blitz ses parents l'avaient confié à cette tante "distante et inaccessible" habitant Warden Farm. Rosamond soulignera l'importance de cette non-relation par ces mots :

"Il me paraît essentiel de ne pas sous-estimer ce qu'on doit ressentir quand on se sait mal-aimé par sa mère. Par sa mère, celle qui vous a donné le jour ! C'est un sentiment qui ronge toute estime de soi et détruit les fondements mêmes d'un être. Après ça, il est difficile de devenir une personne à part entière."

Si Rosamond s'est évertuée dans ses dernières heures à retracer cette saga, l'histoire de ces femmes qu'elle a jalonné de la sienne, c'est pour léguer - elle l'espère - à Imogen son histoire, l'histoire de ses origines, de sa famille. Pour qu'elle comprenne que son existence était "profondément juste" dans ce chaos maternel.

De Coe, c'est le premier roman que je lis (jusqu'au bout devrais-je dire puisque j'ai mis en pause depuis un certain temps Testament à l'anglaise). Ce monsieur a un vrai talent pour rendre les sentiments, pour nous faire vivre l'histoire de ces femmes. C'est une écriture grave, un récit emprunt de mélancolie, de nostalgie, emprunt de regrets (ceux de Rosamond bien souvent qui porte en elle la culpabilité de ne pas s'être suffisamment battue pour garder Théa et la sauver de la relation destructrice avec sa mère). Le procédé de la narration par le commentaire détaillé de photographies est très prenant, addictif. Il rend l'histoire vivante, bouleversante. On "écoute" et on voit.

Mais retenez bien ces mots de Rosamond : "Comme c'est trompeur, une photo. On dit que la mémoire nous joue des tours. Mais pas autant qu'une photo, selon moi."

Je repense à la fin et mon coeur se serre... J'aurais voulu encore, encore plus de photos, encore plus de cette voix de Rosamond mêlant sa propre histoire à celle de Beatrix, Théa et Imogen, j'aurais voulu que ça ne s'arrête pas comme ça.

C'est un coup de coeur... il s'en ressent d'ailleurs encore.