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27/05/2013

Absences - Alice LaPlante

absences,alice laplante,alzheimer,meurtre,amitié,le vrai est au coffre,isolement psychologiqueÇa s'en va et ça revient...

La meilleure amie de Jennifer White, Amanda, est retrouvée morte chez elle, la main mutilée. Les soupçons se portent alors sur elle, le Dr White, chirurgien orthopédiste retraitée, la dernière personne à avoir vu la victime. Mais soupçonner n'est pas prouver et la police devra se livrer à une enquête soumise aux aléas de la mémoire défaillante de la suspecte. Car Jennifer souffre de la maladie d'Alzheimer et son état, qui s'aggrave de jour en jour, l'empêche elle-même de se rappeler les derniers instants passés avec son amie. Coupable, pas coupable? Bienvenue dans les méandres de la mémoire de Jennifer White!

Comment rendre hommage à ce livre comme je pense qu'il le mérite? J'ai envie de le défendre contre ces avis négatifs que j'ai lu avant et après ma lecture et de vous donner à vous qui allez parcourir ces lignes, l'envie irrésistible de le lire. J'ai le sentiment que mon billet va se démarquer parce que mon ressenti est clairement positif.

J'ai ouvert ce livre de 400 et quelques pages pour ne le refermer que 3 fois faute de temps pour le lire d'une traite. J'aime quand je ressens dès les premières pages tournées, l'envie d'aller de l'avant dans un roman. Plonger dedans et me laisser porter par l'histoire sans effort. Je n'ai à aucun moment ressenti cet ennui qui vous fait dire "allez accroche-toi, ça va sûrement finir par être mieux". Non, ce que je lisais était déjà suffisant à mon plaisir. Le texte est aéré, l'écriture agréable, le rythme en adéquation avec le contenu (mais ça je vais y revenir). Pour peu que l'on entre dans la peau du Dr Jennifer White, que l'on s'accroche comme elle aux bribes de souvenirs, Absences devient purement addictif.

Le point fort pour moi de ce roman est cette narration à la première personne, la "voix" de la Jennifer White lucide, qui se fait entendre avec de plus en plus de difficultés. Cette femme qui mène un combat de chaque seconde contre sa mémoire défaillante pour répondre aux sollicitations de son entourage, aux interrogatoires et contre-interrogatoires des enquêteurs. Est-elle en mesure de se rappeler ce qui a pu se passer, le veut-elle vraiment ou sa maladie lui offre-t-elle surtout un refuge contre l'accusation qui pèse sur elle?
Alors je suis là, moi lectrice, à suivre ses pensées, à recoller avec elle à coups de notes dans un carnet ou à coups d'éclairs de lucidité les souvenirs qui lui restent de sa vie, de sa famille, de cette relation pas si paisible que ça avec cette amie dont elle doit en plus, revivre à répétition l'annonce de la mort.
Je m'intéresse aussi à ces autres voix que l'auteure a choisi de distinguer par des caractères en italique. Il y a Fiona et Mark, les enfants de Jennifer. Il y a Magdalena, sa garde-malade et la voix par procuration d'Amanda.
Dans ce qui peut nous paraître que confusion, absence de trame j'ai trouvé, au contraire, que tout était clair et que l'auteure n'avait rien laissé au hasard. Dans les bribes de souvenirs, dans les échanges brouillons entre le Dr White et les autres, on en apprend des choses. Des secrets étouffés refont surface... Le vrai caractère de certains est mis à nu. Ces petites indications sont autant d'éléments qui permettent aussi d'essayer de trouver un mobile au crime, de s'interroger et remettre en question ou non la culpabilité de Jennifer White. Et si, et si quelqu'un d'autre avait profité de sa confusion mentale pour lui faire porter le chapeau?
On sait, on devine comme l'inspectrice que quelque chose est là, proche à jaillir de la mémoire de Jennifer pour infirmer ou confirmer sa culpabilité. C'est comme avoir un coffre sous les yeux et avoir perdu la combinaison du cadenas. C'est comme se dire "ah mince, je l'ai sur le bout de la langue" mais ça ne vient pas... Pas encore, peut-être jamais. Alors j'ai attendu, patiemment, sans même me dire "pfft il ne se passe rien", "pfft ça piétine". Non, rien de tout ça. J'étais dans la tête de cette vieille dame en train de reconstituer comme elle des pans de son histoire, lointaine ou proche, heureuse ou douloureuse, avouable ou non et je trouvais ça bon. Bon dans le sens où je ne m'ennuyais pas, au contraire!

En cela, je trouve aussi qu'Absences est magistral. Alice LaPlante a vécu 10 ans de la maladie de sa mère. Forte de cette expérience douloureuse, elle nous donne à lire un roman qui sonne terriblement juste quant à la la reconstitution de l'état mental propre à la maladie d'Alzheimer et à la détresse psychologique dans laquelle le malade peut se trouver. Elle aurait pu écrire une histoire inspirée de la réalité qu'elle a vécu mais non, elle a choisi une histoire fictive. Sur fond d'enquête autour d'un meurtre, elle nous donne à voir ce qu'est la maladie d'Alzheimer, pour la personne malade mais aussi pour l'entourage. La fragilité, la précarité, la perte de repères, la dépendance, la souffrance de vivre sa déchéance mentale mais, au milieu de tout ça,  il y a aussi à voir quelques sursauts pour garder sa dignité, pour préserver les autres aussi... C'est superbe!

Je ne porterai pas le débat sur la question du genre, j'en ai débattu oralement avec Soundandfury qui avait aussi ce partenariat en main. Je ne vois pas pourquoi certains étaient convaincus d'avoir un "thriller" en main. Sur la couverture est inscrit "roman"... La 4ème de couverture que j'ai lu ensuite pourrait laisser supposer que évidemment. Et certes le récit en possède quelques ficelles mais pas que. Ce serait réducteur alors qu'Absences c'est bien plus que ça, comme le souligne la citation du New York Times.
Je lui préfère amplement celle de S.J. Watson, auteur de Avant d'aller dormir (un autre titre qui avait eu des avis mitigés et que j'ai tout autant aimé et défendu) parce qu'elle dit tout et rend vraiment hommage à ce roman :

"Merveilleux. Cette exploration déchirante de la lente désintégration de l'esprit est profondément émouvante et complètement bouleversante, tout en étant passionnante. J'ai adoré."

Et encore une fois, je conseillerai aux lecteurs éventuels de se plonger directement dans le roman afin de ne pas avoir d'attente "thrillesque" particulière ^^

Quelques citations :

"Si j'apprécie mes chaînes, je serai libre."

"Au milieu de la douleur et de la colère, j'ai ressenti du soulagement, le soulagement d'être moi toujours vivante. Ainsi, à un certain niveau, j'envisage la mort comme une chose à repousser à plus tard. Ce n'est pas que je n'y pense pas -quand je suis dans mes mauvais jours mon état d'esprit est différent, il m'arrive alors de faire des plans pour mourir. Mais je ne me sens pas encore prête [...]
Aujourd'hui, je me sens vraiment bénie.
Non, l'heure n'est pas venue. Pas encore."

"Quelqu'un n'a-t-il pas dit un jour que répéter la même chose sans discontinuer en espérant un résultat différent était une manifestation de la folie?"

"Je me retire en moi-même. J'utilise toute ma volonté pour m'éloigner d'ici et partir ailleurs. Un cadran tourne dans ma tête, je retiens mon souffle et attends de voir ce qui va se passer. Les plaisirs et les risques d'un voyageur dans le temps."

"Accepter ses actions passées. Accepter les visions. Patienter en leur compagnie. A la fin, c'est suffisant."

 

Je remercie Livraddict et les éditions Robert Laffont pour ce partenariat encore une fois très agréable!

06/05/2013

Affinités - Sarah Waters

Affinités,Sarah Waters,prison pour femmes,époque victorienne,spiritisme,déceler le vrai du faux,amours contrariésQuel est son double?

Margaret Prior, jeune demoiselle de la bourgeoisie anglaise, décide de devenir Dame Patronnesse à la prison pour femmes de Milbank. Elle compte ainsi fuir son quotidien et le mal de vivre dans lequel l'ont entraînée la mort de son père et un amour contrarié. Elle se jette donc, contre l'avis de sa mère qui la sait fragile, à corps perdu dans cette fonction à valeur sociale et découvre non sans effroi la misère de l'endroit et la dureté des conditions d'enfermement de ces femmes. Si certaines l'émeuvent, une en particulier va éveiller en elle un intérêt et un désir particulier, entre fascination et attirance : Selina Dawes, jeune spirite, condamnée pour escroquerie.
Entre emprise psychologique et séduction, il faudra à Margaret trouver son chemin jusqu'à la vérité.

Voici une histoire somme toute assez fascinante, qui plonge le lecteur au coeur d'une ambiance bien sombre et à l'intrigue savamment menée.
D'abord parce que le gros de "l'action" se situe dans un milieu carcéral féminin qui, même s'il peut rebuter par sa dureté, que c'est sordide et que ça donne froid dans le dos, donne aussi une vision extrêmement intéressante d'un tel lieu à cette époque.
Ensuite parce que toute l'histoire repose sur des personnages féminins dont l'une si mystérieuse, inquiétante mais fascinante et, l'autre, si fragile et rebelle à la fois. En tout cas, deux femmes "hors normes" qui vont se trouver... par hasard pense-t-on dans un lieu tout aussi atypique.
Il ne faut pas pour autant oublier ces autres visages dans et hors de la prison qui nous interpellent et suscitent sympathie ou rejet et font aussi le paysage d'Affinités.

Sarah Waters sait y faire pour attiser la curiosité du lecteur et ce n'est pas pour rien que le roman s'ouvre sur la scène qui conduira Selina Dawes en prison. Toutefois, l'explication à tout ceci, il faudra attendre d'être arrivé au bout de l'histoire pour supposer comprendre ce qui s'est produit. Les passages du journal de la jeune spirite distillés à l'intérieur du récit de Margaret Prior viendront d'ailleurs de plus en plus éveiller notre intérêt pour le personnage. Servent-ils l'intrigue pour autant? Ils contribuent sans nul doute à faire grandir la curiosité du lecteur pour le côté occulte du roman. Ils rendent celui-ci avide de savoir qui est réellement Selina Dawes. Est-elle crédible, manipulatrice ou simplement folle? Ils contribuent en tout cas à la fascination du personnage et permettent sans doute de comprendre pourquoi Margaret Prior est tant attirée par la médium. Mais sans cette fragilité qui la caractérise aurait-ce pu être différent? Sans cette passion trouble révélée à demi-mots qu'elle a vécu par le passé, qui la blesse encore, se serait-elle réfugiée dans l'oubli que lui procurait sa relation "spirituo-fusionnelle" avec Selina? Au final, qui de Margaret ou de Selina sauvait l'autre de de ses fantômes et d'une condition "misérable"?

Bien que j'ai flairé de loin ce qui allait advenir, je n'en ai pas moins voulu croire à un dernier rebondissement qui ferait que... tout en me disant qu'au fond, c'était presque obligé qu'il en soit ainsi. Mais quand même, il n'en reste pas moins que toute la vérité n'est pas faite sur Selina Dawes et, que là, il appartient à chaque lecteur d'interpréter le journal de la médium à sa façon et suivant ses propres croyances. De même, le lecteur ne pourra s'empêcher de se questionner sur les ressentis de Margaret Prior. Souvent plongé dans un brouillard tout aussi épais que son esprit abymé dans la drogue qu'on lui fait prendre puis qu'elle ira chercher, on ne cessera de se demander si ce qu'elle vit dans le secret de sa chambre est du lard ou du cochon...

" Je n’ai jamais eu peur comme en ce moment. On m’a laissée dans le noir, avec rien que la lumière de la rue pour écrire."

Affinités comprend de nombreuses ficelles pour séduire son lecteur : ambiance carcérale victorienne sordide, suspens et frissons, romance sous-jacente, drame, personnages intrigants, semi-vérités et faux-semblants, dissimulation... J'ai apprécié chaque moment de cette lecture et quand je lis que ce roman n'est pas le meilleur de Sarah Waters, je me réjouis alors de découvrir les autres!

01/05/2013

Boys don't cry - Malorie Blackman

boys don't cry,malorie blackman,mono-parentalité précoce,un enfant ça vous prend aux tripes,homosexualité,homophobie,2 papas et un tonton,le père n'est pas homo3 hommes et un couffin

Un jeune homme aux portes de la majorité, tout juste diplômé et prêt à prendre son envol loin d'une famille qu'il aime mais qui lui pèse. Son ambition, ses rêves semblent réduits à néant ce jour où son ex-petite amie, disparue dans la nature, réapparaît et lui laisse sur les bras leur bébé, Emma. Choqué, Dante saura-t-il prendre la bonne décision pour lui et le bébé? Pourra-t-il compter sur sa famille composée d'un frère plus jeune qui se bat de son côté contre l'homophobie et, d'un père qui élève déjà tout seul ses fils en portant sur eux les ambitions qu'il n'a pas lui-même réalisées?

Boys don't cry est un roman jeunesse qui se lit d'une traite et facilement parce qu'un style simple, des chapitres courts, alternants entre les narrations de Dante et celles plus concises d'Adam. Ce n'est pas larmoyant et, contrairement à ce que j'ai pu lire parfois, je trouve l'ensemble plutôt crédible.
On pourrait le croire léger de fait ce roman alors qu'il aborde des sujets qui entrent sans doute dans des préoccupations qui sont peut-être plus de l'ordre des parents que des jeunes ados. Eux, en général ils vivent d'abord les choses et se posent souvent les questions après ^^
Rapports sexuels non protégés, enfantement non voulu, parentalité précoce, père célibataire, assumer ses responsabilités ou déléguer?
L'attirance pour le même sexe à l'adolescence n'est-elle qu'un passage ou une homosexualité vraie et assumée? L'homophobie s'exerce-t-elle uniquement à l'extérieur? Les moqueries et dénis familiaux sont-il à considérer comme des actes d'homophobie, une forme de pression invitant à rentrer dans le rang?
Devient-on parent à la naissance de son enfant? Peut-on aimer et assumer un enfant non désiré sans conséquence future sur l'enfant? L'arrivée d'un enfant resserre-t-elle la cellule familiale ou la fait-elle exploser?
Un homme est-il moins apte qu'une femme à élever un enfant? Aime-t-il moins bien qu'une mère?
Modèle parental, modèle sexuel... Quelle place la société laisse-t-elle à ce qui sort de la norme?

Ces thèmes abordés font-ils de Boys don't cry un roman moralisateur et/ou ennuyeux?
Absolument pas! C'est un roman vivant, intéressant qui parle d'une histoire, celle d'hommes qui s'ouvrent à des sentiments, à la possibilité de ressentir et d'exprimer un amour qui se veut à la base maternel et, par là, démonstratif. Ce n'est d'ailleurs peut-être pas pour rien que celui qui se montre d'emblée le plus réceptif au bébé, le plus tactile, est Adam. Il est homosexuel et n'a pas honte de laisser voir sa part de féminité, de câliner Emma.
Histoire d'hommes qui vont apprendre grâce à la présence d'une petite fille à s'ouvrir les uns aux autres, à crever les abcès et tensions familiales. Histoire d'amour, de courage, de force de caractère. Apprendre à rebondir malgré les aléas de la vie. Apprendre à se serrer les coudes dans l'adversité. Savoir se remettre en question. Savoir ravaler sa colère et pardonner : à soi, aux autres. Être fier d'être ce qu'on est.
Apprendre à pleurer sans honte même si on est un homme.

Voilà ce que j'ai vu dans Boys don't cry. Voilà ce qui m'a plu. Dante, Adam, deux frères aussi attachants l'un que l'autre, que je me suis bien gardée de juger. Je me suis juste laissée porter par le tourbillon des sentiments, des pensées qui les traversaient ; tantôt mer tourmentée, tantôt mer apaisée. Le père aussi, qui voit en son fils aîné, son propre passé le rattraper et qui va aider Dante à rester droit, et lui transmettre son savoir, qui va apprendre à les écouter aussi.
Les autres protagonistes de l'histoire ne laissent pas sans réaction. Mais je ne vais pas tout vous dévoiler, je préfère que vous lisiez ce roman. Que vous puissiez l'apprécier autant que moi si possible!

J'ai failli oublier! Merci Stéphanie de m'avoir donné le prétexte du challenge Livr@deux pour sortir ce titre intéressant de ma PALN :)

Quelques citations :

"Parfois, les choses que nous sommes convaincus de ne pas vouloir sont en fait celles dont nous avions le plus besoin."

"Les enfants, c'était bien quand on avait la trentaine bien entamée, un emprunt pour sa maison, un boulot stable et des économies à la banque. Les enfants, c'était pour ces gens sans envergure qui n'avaient rien d'autre pour remplir leur vie."

"- J'ai récemment découvert quelque chose, ai-je reparti sans chercher à arrêter les larmes qui coulaient sur mes joues. Les garçons ne pleurent pas, mais les hommes oui."

"- J'aime la vérité, je crois. Il faut que certaines personnes s'assurent qu'elle soit dite."