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16/03/2013

The Crow (édition définitive) - James O'Barr

the crow,james o'barr,comics,c'est une tuerie,un ode à l'amourApocalypse now...

L'âme damnée d'Eric Draven zombifiée par un corbeau est revenue d'entre les morts, assoiffée de vengeance. Un an auparavant, lui et sa fiancée Shelly Webster ont trouvé la mort au bord d'une route, férocement assassinés par une bande de truands. The Crow, le dévoreur d'âme, bras armé de la Mort va les traquer jusqu'au dernier.

"Rien ne peut vous préparer à perdre un jour ce que vous avez de plus cher. Ni la foi... ni la religion... Rien. Lorsque quelqu'un que vous aimez disparaît, vous prenez alors conscience du vide... vous vous sentez absolument seul." John Bergin

La mort hante les pages de ce comics, la mort, les regrets, la mélancolie, les larmes.
Un dessin noir et blanc. Noir comme l'âme torturée d'Eric. Etre transfiguré en vengeur de l'au-delà, son apparition est un sombre présage. The crow, Eric, est cette âme en peine qui ne trouvera de répit qu'en éliminant un a un les meurtriers de sa fiancée, unique moyen de faire son deuil, d'être délivré mais aussi de délivrer le monde du Mal.
L'amour aussi hante les pages de The Crow, l'amour et... le manque de l'autre.
Un dessin noir et blanc. Blanc comme les souvenirs de cet amour pour Shelly qui certes le font souffrir et assombrissent son coeur mais qui sont autant de moments où l'humanité d'Eric sort des décombres et lui redonnent un visage bienveillant et compatissant.

The Crow, oeuvre morbide, sombre et triste dont le trait de crayon nous éclabousse par sa violence. Une oeuvre qui fait écho à la propre souffrance de l'auteur. Un récit fictif largement inspiré de la propre douleur et culpabilité de James O'Barr. L'auteur nous livre en préface avec émotion une part de son histoire personnelle qui a motivé l'écriture de ce récit.
Fonction catarthique de l'écriture, du dessin par lesquels l'auteur expie tout le mal, toute la rage qu'il portait en lui après la perte de sa petite amie. Et ce mal s'exprime avec une grande férocité, à travers une vengeance sans concession, faite d'exterminations où l'encre noire jaillit dans un flot quasi ininterrompu de sang, de larmes, de corps lacérés, de têtes explosées. C'est violent, à un tel point que j'en ai été dérangée même si, dans The Crow, tuer n'est pas gratuit et jouissif. Et pourtant, il y a une forme de soulagement à voir ces meurtriers être punis, à voir ce monde débarrassé de la vermine qui le salit.

Graphiquement, j'ai été à la fois rebutée et séduite par le dessin. Le personnage de The crow n'est pas visuellement beau avec sa bouche à la Joker, avec sa coupe de cheveux qui me fait penser aux chanteurs du groupe de hard rock/métal Kiss... Les scènes de "règlement de compte" entre lui et les truands sont brutales, le faciès des meurtriers est laid, voir effrayant. Le dessin est agressif mais je n'en ai pas détourné les yeux. Car, à côté de ça, il y a de très beaux graphismes, notamment dans les représentations de Shelly et dans la peinture de cet amour entre elle et Eric. Cela se traduit par des esquisses et un trait de crayon plus doux, plus tendre, souvent blanc d'ailleurs. Et ces dessins-là font aussi de The Crow une ode à l'amour.

Alors si The Crow peut faire parfois "flipper", ce comics n'en reste pas moins un bijou qui a ouvert la voie aux dessinateurs indépendants à une époque où le monde des comics était dominé par Marvel et DC. En somme, à conseiller aux afficionados du genre.

04/03/2013

Ville close - Franck Maubert

ville close,maubert,richelieu,le cardinal et la ville,ambiance à la simenon,recette purée soubiseMéfiez-vous de la ville qui dort...

Julien Collardeau ex-parisien, ex-critique gastronomique s'est retiré à Richelieu, ville fortifiée d'Indre et Loire, ville érigée par le Cardinal de Richelieu. Dès son arrivée, il plane sur la ville comme un air de ville fantôme, les rues sont inanimées, les habitants à la limite de l'immobilisme. Alors que tout semble lui dire de fuir ce lieu où de tristes et sombres évènements ont eu lieu, Collardeau décide de faire fi de tous ces avertissements et parcourt la ville afin d'en refaire connaissance mais aussi par accès de curiosité. Ses pas vont le conduire à de drôles de zigotos qui incarnent à eux seuls l'atmosphère pesante, sombre et glaciale de Richelieu.

Drôle de livre que ce Ville close, à l'atmosphère étrange et pénétrante. Dès les premières pages j'ai été prise par cette ambiance presque irréelle qui plane en ce lieu. Il semble que Richelieu vive de sombres moments sous les dehors d'une cité endormie, ennuyeuse comme peuvent l'être les petites villes de campagne. Il semble qu'elle cache en son sein quelque chose de malsain, indiciblement mauvais mais quoi? Franck Maubert joue à coup de phrases courtes, presque tranchées sur cette pesanteur qui assomme Richelieu. Il règne une chape de plomb faite de mystères que l'auteur appesantit encore plus par la description de ces ruelles que parcourt Collardeau à la tombée de la nuit ou par mauvais temps, dans le brouillard mais aussi par ses figures qu'il nous donne à voir à travers le regard du narrateur.
Si la ville en elle-même apparaît lugubre aux yeux de Julien Collardeau, que dire de ces visages qu'il rencontre et qu'il nous décrit en détail. Un cafetier à la mine de musaraigne peu avenant, un antiquaire décorateur homosexuel parkinsonien dont le petit ami a été trucidé derrière l'église et dont le crime reste irrésolu, un libraire ex-taulard marié à une couguar aristo qui donne froid dans le dos, le maire de la ville accessoirement médecin et surtout homme à femmes, des jeunes aux allures de skinheads désoeuvrés, un corbeau qui sème la rumeur, la terreur par ses missives...
Et puis il y a ces morts : une jeune femme qui s'est "suicidée", une vieille femme retrouvée morte chez elle, un homosexuel assassiné, un homme vivant à l'état quasi sauvage retrouvé mort au petit matin... Autant de drames qui suscitent la curiosité de Collardeau, qui le mènent à poser des questions auxquelles ils ne trouvent aucune réponse. Les voix se taisent, les visages se ferment, les murs ont des oreilles... chut... mieux vaut sortir de la ville pour se laisser aller à des confidences.
A côté de ça, il y a ces autres visages qui donnent au roman un air de romance, un air de roman historique aussi ou de livre de recette. Ceux-là donnent une dimension plus légère au roman, le sortent un peu, peut-être trop d'ailleurs, de cette atmosphère à la Simenon comme le dit Patrick Modiano en 4ème de couverture. Je pense surtout à Jeanne et Jean-Paul Sabin, peut-être les seuls personnages à avoir des traits sympathiques au coeur de cette ville même s'ils ne sont pas eux-même épargnés...

Alors oui, Ville close c'est tout ça, presque un méli-mélo de genres, une sorte de polar sans vraiment l'être parce qu'on ne peut pas dire qu'il y ait une véritable enquête, et c'est peut-être d'ailleurs ce qui lui manque, un peu plus de suivi et de profondeur dans l'intrigue. Etait-ce voulu par l'auteur? J'avoue que je m'attendais à suivre une véritable enquête, avoir un ou des suspects à me mettre sous la dent comme dans un véritable polar mais je ne peux pas dire que ça a vraiment été le cas. Pour autant, j'ai vraiment apprécié ce roman. Je trouve que l'ambiance et ses personnages sont une réussite, que le style est plaisant, facile à lire, que la fin est bien amenée, pas alambiquée. Au contraire, elle justifie tout le reste, éclaire le tout et connecte finalement chaque indice les uns aux autres.
J'ai aussi apprécié dans ce roman la part historique et d'en apprendre un peu plus sur le Cardinal de Richelieu et sur cette ville que j'ai découvert il y a peu. J'ai aimé me délecter de cette préparation marathon de la purée Soubise et de ces vins qui l'accompagnent.
En bref, ce roman a des qualités indéniables pour attirer les lecteurs. En tout cas, il m'a plu aussi, je remercie Babelio et les éditions Ecriture pour ce partenariat, la découverte et le plaisir qui en a découlé.

Extraits :
"Le bourg dort encore. Se réveillera-t-il jamais?"

"Je marche dans l'obscurité sans croiser âme qui vive. Les rares habitants se cloîtrent, et derrière les pierres, on peut percevoir le bourdonnement des rumeurs, comme une ville qui couve la peste. Le soir bascule dans la nuit, et ce bourdonnement infeste chaque rue, chaque demeure."

"Ne pas se fier à la place paisible d'une petite ville de province avec ses tilleuls taillés et ses bancs repeints. S'y trouvent toute la langueur et la vacuité qui accablent les pays des confins."

25/02/2013

Au pays des kangourous - Gilles Paris

Au pays des kangourous,gilles paris,dépression,internement,vide affectif,les dommages collatéraux d'un yaourtPapa nous fait un coup de calgon!

Quand Simon, 9 ans, trouve son père Paul dans le lave-vaisselle, il se sent complètement démuni. Sa mère, si peu présente même quand elle est là, s'est encore absentée pour son travail au pays des kangourous. Il fait donc appel à sa grand mère, Lola, qui ne pourra que constater la gravité de l'état d'abattement de son fils. Simon, assiste alors, jour après jour, impuissant, à la descente aux enfers de son papa dont les yeux verts ont laissé place à un regard gris et vide, un regard dans lequel il ne trouve plus trace d'aucune émotion si ce n'est la tristesse. Petit à petit, Simon va livrer avec ses mots le désarroi dans lequel l'affliction de son père le plonge, la colère qu'il ressent par rapport à cette mère qui ne se décide pas à rentrer et dont il doute de l'amour. Il va enfin nous dire ses peurs, ses rêves dans lesquels il se réfugie et toutes ces questions qu'il ressasse en son for intérieur et qui trouveront réponses grâce à Lily, la petite fille aux yeux violets.

Gilles Paris comme dans Autobiographie d'une courgette, donne dans Au pays des kangourous la parole a un enfant pour parler d'un sujet grave, tabou paraît-il : la dépression jusqu'à l'internement.
Le lecteur pour peu qu'il se laisse emporter par les mots de l'enfant plonge autant que lui dans le désarroi de la situation. Il se sent comme Simon impuissant, triste, chamboulé par l'image de ce père qui, renfermé dans sa douleur, ne peut plus s'occuper de son petit garçon. Ce fils avec qui pourtant il entretenait jusque-là devine-t-on, au fur et à mesure que Simon parle de lui, une relation fusionnelle et privilégiée. Un père qui, surtout, jusque-là comblait par sa présence continue, ses câlins, son amour et autant de moments partagés l'absence d'une mère carriériste tombée amoureuse de ce pays où elle travaille. Une mère dont Simon nous fait comprendre encore une fois avec des mots sans demi-mesure, et bien après avoir compris la raison de son non retour, à quel point elle est passée à côté de son rôle de maman.
"-Elle m'aime aussi.
-Bien sûr, Simon, que ta maman t'aime, me dit Lola un peu gênée. Toutes les mamans aiment leurs enfants.
Comment dire à Lola que maman ne m'a jamais dit "je t'aime"?"

Le lecteur quant à lui interprètera à sa manière, plus ou moins sous l'influence des propos tenus par Simon, l'absence de cette femme auprès de son enfant à un moment aussi douloureux. Pendant toute la lecture, on se doute que le motif de la dépression du père a à voir avec l'absence de sa femme ; comme Simon on pressent qu'elle est responsable de ce qui arrive à Paul. Alors, évidemment on juge sur ce qui nous est dit d'elle à postériori. On s'insurge contre cette femme qui même lorsqu'elle était là auprès de son mari et de son enfant ne savait qu'exprimer des reproches pour l'un et une fausse attention pour l'autre. On juge facilement oui, parce qu'on se laisse toucher par ce gosse qui cherche des explications à l'absence de sa mère, qui cherche aussi des traces, des preuves d'amour dans les souvenirs qu'il a d'elle.
Étrange comme cette mère absente remplit presque chaque page du livre... On pourrait croire que sa non-présence physique l'occulterait complètement face à ce père en souffrance et, pourtant, j'ai trouvé que la manière dont Simon parle d'elle lui conférait presque plus d'importance que ceux qui sont là.

A part Paul, le père de Simon, d'autres visages sont là pour éclairer l'histoire par leur présence :

-Mamie Lola et ses amies "les sorcières". Adeptes de spiritisme, loufoques au possible, pleines de joie, d'entrain et de vie. On se demande parfois qui, entre elles et Simon, est l'enfant. J'ai souvent souri à l'évocation des moments que Simon passait avec cette joyeuse troupe. J'ai trouvé que les passages où elles apparaissaient, apportaient de bonnes touches de légèreté et d'humour, de quoi contrebalancer avec l'ambiance mélancolique dans laquelle nous entraînent les pensées de Simon.

-Lily, petite fille autiste que Simon va rencontrer à l'hôpital où son père se trouve interné. Personnage mystérieux dont on ne saurait vraiment dire si il appartient vraiment à la réalité ou si il n'est en définitif qu'un personnage issu de l'imagination du garçonnet pour l'aider à appréhender la maladie dont souffre son père ; une sorte de refuge.
Plusieurs choses m'ont fait douter de la véracité de sa réalité, elle m'apparaissait parfois comme immatérielle : apparition et disparition soudaines, elle porte le prénom que Simon aurait voulu donner à la petite soeur qu'il n'a pas eu, elle semble très au fait de ce dont souffre les autres patients et agit en tant qu'ange gardien auprès du père de Simon (qui dira lui-même avoir ressenti sa présence), et enfin, elle assure à Simon qu'il la retrouvera malgré le transfert de son père dans un nouvel établissement de soins... D'ailleurs même après avoir fermé le livre, je ne saurais dire si Lily était réelle ou non... Le doute subsiste (c'est un tantinet agaçant).
Je me suis aussi fait la réflexion qu'il y avait certaines similitudes entre Lily et Camille d'Autobiographie d'une courgette. De la même manière que Camille avec Courgette, la petite Lily va fasciner Simon et faire battre son coeur. De la même manière, elle ne passera pas par quatre chemins pour lui dire ce que tous taisent mais, elle sera aussi et surtout une présence tendre, rassurante et source d'espoir pour le petit garçon.
"Ton papa va s'en sortir.
-Comment tu sais ça, toi? Il a la maladie du sommeil, m'a expliqué ma grand-mère Lola.
-Ça s'appelle une dépression.
-Tu sais comment ça s'attrape?
-Ça ne s'attrape pas, Simon. Ça arrive et puis ça s'en va, pour la plupart du temps. Des fois, ça vient de l'enfance, des fois non. Ou de la drogue, ou de la mort d'un proche. Ou d'un grand ras-le-bol de tout."

Au pays des kangourous donne à lire un drame mais il n'est pas larmoyant pour autant. Il y a certes des passages difficiles mais j'ai trouvé qu'il fourmillait aussi de moments de bonne humeur. Les mots d'enfant sont parfois de vrais trésors :
"Des petits vagues fraîches nous remontent le long du corps. J'ai l'impression d'être caressé par des glaçons [...] Tant pis pour les glaçons et la peau chair de poule, comme dit maman. Je me demande pourquoi elle dit ça. Je n'ai jamais vu une poule se baigner."
Le sourire n'est pas si loin malgré la gravité des faits. Comme on dit "après l'orage, le ciel bleu" et, c'est exactement ça.

J'ai lu un avis où il était dit que tout cela était peu crédible, que la fin était alambiquée. Je ne suis pas d'accord avec ce jugement. Je trouve au contraire que Gilles Paris est extrêmement doué pour rendre la parole d'un enfant, pour rendre ses mots percutants, touchants, pour porter ses émotions, ses incompréhensions, ses espoirs. La révélation sur l'absence de la mère n'est pas là selon moi pour atténuer, comme à regret, l'image peu sympathique qui nous a été donnée d'elle depuis le début. D'ailleurs, les propos de Simon sur sa mère resteront les mêmes, il regrettera toujours cet amour qu'elle ne lui a pas manifesté et finira par conclure qu'"une maman ça ne sert à rien".
Je crois que Gilles Paris puisqu'il a donné la parole à un enfant savait pertinemment dès le début ce qu'il en était de l'absence de la mère, mais c'est Simon qui parle et l'enfant, lui, juge sur pièces et sur ce qu'il a entendu et vu : disputes entre ses parents, motifs de celles-ci. Il n'envisage pas autre chose parce qu'il n'en est pas encore capable. Je crois que ça il faut le comprendre aussi, comprendre qu'un cheminement doit se faire.

Cette histoire est pour moi d'autant plus percutante que bien que fictive, elle n'en est pas moins réaliste et le choix de la narrer par la voix de Simon ne la rend pas moins crédible. Il faut juste être apte à se mettre à la portée de ce dernier et être prêt à entendre le vide affectif dans lequel il se trouve soudainement plongé.

Morceaux choisis :

"Quand une grande personne décide de ne plus parler d'un souci, elle l'enterre si profond que personne n'ose proposer sa pelle."

"Les mots pour dire la magie et le mystère de la personne qu'on aime n'existent pas. En parler retire même un peu de magie et de mystère. Après, c'est quelqu'un comme tout le monde et c'est bien fait pour celle ou celui qui en a trop parlé."

"Elle s'est mariée très vite avec Edmond le boucher parce qu'elle avait un petit garçon dans le tiroir. Je n'ai pas osé demander à mamie pourquoi Violette avait couché son fils dans un tiroir. C'était peut-être trop petit chez Violette pour ajouter un lit."