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08/04/2013

Vertige - Franck Thilliez

vertige,thilliez,gouffre,prison de glace,hot dog un peu spécial...oui j'ai oséPlongée en gouffre trouble...

Y a des jours on préfèrerait rester au lit plutôt que de se réveiller enchaîné par le poignet au fond d'un gouffre. Jonathan Touvier, ex-alpiniste, n'est pas au bout de ses surprises, au fur et à mesure que ses sens s'habituent à cet environnement glacial et obscur, il se découvre en présence de deux autres types dont l'un est enchaîné par le pied et l'autre a, vrillé sur le crâne, un mécanisme qui menace d'exploser s'il s'éloigne au-delà d'une certaine limite de ses compagnons d'infortune. Ajouté à cela, des conditions d'hébergement misérables : pas de nourriture, pas d'eau mais une tente, un coffre, une arme, une lettre et 3 inscriptions énigmatiques au dos de ces messieurs et vous comprendrez qu'il y a de quoi perdre les pédales.

Vertige exploite des ficelles du thriller cinématographique qu'on a pu voir dans des films comme la série des Cube ou Saw (des personnes inconnues les unes aux autres piégées dans un milieu hostile et qui vont devoir faire des sacrifices "humains" pour essayer de s'en sortir). En cela, il n'est pas spécialement original. Mais difficile de lui en tenir rigueur, je conçois qu'il soit quasi impossible aujourd'hui d'innover dans le genre. Pour autant, c'est un thriller très bien mené du point de vue de la torture psychologique vécue par ses protagonistes et par là du lecteur.
C'est donc là que l'auteur excelle, dans cette manière d'entraîner le lecteur dans ce vertige de pensées tournoyantes qui assaillent nos prisonniers. C'est sans répit que nous sombrons comme eux dans des questionnements incessants au sujet des uns et des autres et où nous nous essoufflons à trouver une faille que ce soit dans l'histoire de l'autre ou dans ce gouffre maudit. Que dire de la vague de sentiments qui nous submergent à l'unisson de ces hommes : suspicion, défiance, amitié, haine, peur. Sauf que chez eux ces sentiments sont exacerbés à l'extrême par la faim, par la douleur, par l'isolement. Oui parce que bizarrement, même ensemble ces 3 hommes se sentent parfois bien seuls au fond de ce trou glacial. Certains caractères se révèlent, certaines vérités voient le jour. Et si, et si, et si... Qui croire, puis-je avoir confiance, ai-je le choix, oui mais... pourquoi?

Autant le dire tout de suite, l'âme humaine n'est pas bien belle quand elle se retrouve poussée dans ses retranchements et qu'elle doit affronter les peurs les plus primaires. L'animal sauvage n'est plus celui qu'on croit alors, et certaines scènes en deviennent effroyables de cruauté. On a beau les sentir venir, cela n'en atténue pas la douleur, l'horreur.
Qui a dit l'Homme est un loup pour l'Homme?

La spirale de ce piège vertigineux réserve sa part de surprises bien entendu, de celles qu'on attendait au tournant et d'autres, qui nous laissent à bout de souffle au fond de notre lit où l'on s'était recroquevillé pour ne pas se laisser atteindre par cette ambiance glaciale. Et puis, il y a cette fin ouverte qui laisse le lecteur avec d'autres interrogations. Quelle est la part de vérité dans ce piège machiavélique où Jonathan Touvier a été entraîné?
Piège ou folie? N'empêche on sort de ce thriller la tête en vrac, un peu déboussolé.

25/03/2013

L'enfance d'Alan - Emmanuel Guibert

l'enfance d'alan,emmanuel guibert,alan ingram cope,biographie en dessins,souvenirs,avec tendresse,un hommageUn roman photo illustré

Dans le cadre de l'évènement Priceminister "La BD fait son festival", mon choix s'est porté sur L'enfance d'Alan, d'après les souvenirs d'Alan Ingram Cope d'Emmanuel Guibert.

Pourquoi ce choix? Le résumé, la couverture qui représente un enfant le regard porté vers le large, les pieds dans l'eau. On dirait une photo couleur sépia, d'époque, il s'en dégage une certaine mélancolie.

Cette BD est née d'une rencontre en 1994, celle d'Emmanuel Guibert et Alan Ingram Cope, retraité américain retiré sur l'Ile de Ré. Entre le vieil homme, formidable conteur et le dessinateur l'amitié a débouché sur ce récit illustré où le second a décidé de mettre en images les paroles du premier. De cette "coopération" est né d'abord La guerre d'Alan qui raconte les souvenirs du soldat Alan Ingram Cope durant la guerre 39-45. Ce second partenariat nous livre lui, les souvenirs d'enfance du vieil homme. Réminiscences situées dans cette Amérique d'avant-guerre souffrant de la grande Dépression.

L'enfance d'Alan a ce côté nostalgique qu'ont les souvenirs de qui est arrivé à un certain âge et se penche sur sa vie à distance, le coeur et l'esprit remplis de toutes les découvertes faites, de ces parfums sentis, de ces amitiés éphémères, de tous ces moments riches en émotions qui débordent de soi.
Lire L'enfance d'Alan c'est comme écouter un ancien de sa famille, la tête posée sur ses genoux, nous raconter son passé. Ça a ce quelque chose de tendre, intimiste où l'on se sent bien, au chaud. Un voyage dans un passé, dans un ailleurs qu'on n'a pas connu, dont on a pu entendre vaguement parler mais qu'on considérait avec distance... jusqu' à cette lecture.
C'est une bal(l)ade au coeur d'un homme qui nous raconte son enfance (mêlée de quelques souvenirs d'adulte) heureuse, banale pourrait-on dire, au sein d'une famille "sans histoire", qui a fait son chemin comme elle a pu en des temps difficiles, des temps de récession. Un voyage où l'on comprend l'importance d'appartenir à un clan, à une famille ; chargé d'une part d'admiration toute enfantine pour ces figures qui l'entouraient et faisaient partis de son quotidien.
On parcourt donc ce roman graphique au texte linéaire en esquissant parfois un sourire amusé devant les mésaventures du petit Alan, en se sentant ému par la tendresse qui se dégage des descriptions faite de sa famille, cette manière pleine d'une affection si particulière dans la façon de décrire chacun de ces visages qui l'ont marqué. A d'autres moments, le coeur se pince un peu parce qu'il y a dans toute cette "insouciance" de l'enfance des regrets et des évènements qui l'ont blessé ; ces choses qui on le comprend ont aussi formé l'homme. Oui la mémoire est belle mais elle est aussi cruelle, et les souvenirs se font alors confidences comme pour partager le poids d'un souvenir douloureux trop longtemps porté seul. Dire c'est alors se libérer et peut-être à postériori se faire pardonner...

Il y a beaucoup d'amour, de sensibilité qui se dégagent de ce recueil de souvenirs. Et si ces sentiments transpirent aussi bien du récit c'est qu'ils sont merveilleusement bien accompagnés à la fois par des photos d'époque et par les dessins en noir et blanc d'Emmanuel Guibert (à noter que le prologue à l'histoire d'Alan s'ouvre sur des pleines pages en couleur). Son trait de crayon souligne à la perfection les visages, les corps, les paysages. C'est un dessin qui s'apparente à de la photographie, au style épuré. Une prise de vue illustrant et donnant magistralement vie aux réminiscences d'Alan Ingram Cope. Des souvenirs figés dans le temps qui s'animent à nouveau le temps d'un roman graphique.
Je ne sais comment le dire mais il transperce dans cette superbe mise en images toute l'amitié et le respect du dessinateur pour son vieil ami et c'est juste beau.

Je vous laisse sur ce passage qu'à voulu partager avec nous Alan Ingram Cope et qui est tiré du livre d'Auguste Rodin, L'Art :

-Chapitre "Pour l'artiste, tout est beau dans la nature"
"Mais pour lui, tout est beau parce qu'il marche sans cesse dans la lumière de la vérité spirituelle.
Oui, même dans la souffrance, même dans la mort d'êtres aimés et jusque dans la trahison d'un ami, le grand artiste, et j'entends par ce mot le poète aussi bien que le peintre ou le sculpteur, trouve la tragique volupté de l'admiration.
Il a parfois le coeur à la torture, mais plus fortement encore que sa peine, il éprouve l'âpre joie de comprendre et d'exprimer. Dans tout ce qu'il voit, il saisit clairement les intentions du destin. Sur ses propres angoisses, sur ses pires blessures, il fixe le regard enthousiaste de l'homme qui a deviné les arrêts du sort. Trompé par un être cher, il chancelle sous le coup, puis, se raffermissant, il contemple le perfide comme un bel exemple de bassesse, il salue l'ingratitude comme une expérience dont s'enrichit son âme. Son extase est parfois terrifiante, mais c'est du bonheur encore parce que c'est la continuelle adoration de la vérité.
Quand il aperçoit les êtres qui se détruisent les uns les autres, toute jeunesse qui se fane, toute vigueur qui fléchit, tout génie qui s'éteint, quand il voit face à face la volonté qui décréta toutes ces sombres lois, plus que jamais il jouit de savoir et, rassasié de vérité, il est formidablement heureux."

Je remercie bien évidemment Priceminister et l'éditeur L'Association qui m'ont permis de découvrir cette Bande dessinée de 160 pages. Il ne fait aucun doute que je lirai aussi La guerre d'Alan et L'adolescence d'Alan qui est à venir.

L'enfance d'Alan,Emmanuel Guibert,Alan Ingram Cope,biographie en dessins,souvenirs,avec tendresse,un hommageEt puisqu'il faut lui attribuer une note : 17/20

24/03/2013

From Hell, une autopsie de Jack l'Eventreur - A.Moore & E.Campbell

from hell,moore & campbell,jack l'eventreur,whitechapell,quartier sordide,prostitution,éventration,la médecine n'est plus ce qu'elle était,franc maçon,la loi du silence royalLe serment d'hypocrites

Au XIXème siècle, Whitechapel, quartier des bas-fonds londonien, haut lieu de déchéance et de misère est le théâtre de crimes sordides. Des prostituées sont férocement assassinées, leurs corps mutilés semblent être l'oeuvre d'un psychopathe méticuleux, expert du scalpel. La vérité sur le bien nommé Jack l'Eventreur trouvera-t-elle son chemin entre rumeurs populaires et complots venus d'en haut?

Alan Moore et Eddie Campbell ont tenté dans ce roman graphique fleuve (576p.) de retracer le parcours de celui qui se révèlera être le tueur en série le plus célèbre de cette époque victorienne : Jack l'Eventreur.
Ainsi, le sous-titre "une autopsie de Jack l'Eventreur" sied à merveille à ce comics car il ne s'agit ni plus ni moins que d'une étude méticuleuse, pointue, détaillée de l'histoire fascinante, effrayante de cet homme. Moore et Campbell auront rassemblé durant 10 ans la documentation nécessaire à l'élaboration de cette oeuvre monumentale pour nous en livrer un récit entre interprétation personnelle et transcription de témoignages d'époque.
From Hell ce n'est pas une enquête au long court qui va vous révéler le nom du criminel, non ça on l'apprend dans les 50 premières pages, l'identité du coupable est ici bel et bien connue. Alors l'intérêt il est où? Il est dans ce récit hyper dense qui s'attache à comprendre qui était Sir William Gull et quelles étaient ses motivations. La profane que je suis à donc découvert que les crimes ont été non seulement perpétrés par un médecin mais, qui plus est, que la Reine Victoria en était la commanditaire. Sous couvert de préserver la couronne d'un scandale, celle-ci fit donc appel au Dr Gull, imminent membre des francs maçons, pour se débarrasser d'une prostituée avec qui son petit-fils s'était marié en douce et avec qui il eut un enfant. Seulement, il se trouva qu'un groupe de prostituées de Whitechapel connaissait ce secret, aussi, rackettées par des truands, elles voulurent faire chanter la reine. Cette dernière ne l'entendit pas ainsi et fit à nouveau appel à Sir William pour résoudre par tous moyens le problème. Autant vous dire qu'il ne s'agissait pas que de les faire taire. Il n'en fallait pas plus pour mettre à jour l'esprit déviant de ce médecin illuminé, complètement allumé, victime d'hallucinations depuis une crise cardiaque. Se sentant investit d'une grande mission consistant à redonner le pouvoir aux hommes dans un monde qu'il croit sous l'emprise des femmes, il s'acharnera sur ces prostituées et laissera derrière lui des scènes de crime atrocement macabres et ce malgré la gêne d'une reine qui a senti trop tard que le médecin lui échappait.
Bien je ne vais pas vous révéler tout ce que l'on peut apprendre dans cette oeuvre monumentale mais sachez que j'ai particulièrement apprécié ce côté documentaire du récit, taillé au scalpel. Ces pages où Sir William Gull fait la traversée de Londres avec son cocher et lui montre l'histoire de la franc maçonnerie taillée dans la pierre des monuments londoniens est d'une grande richesse par exemple. Mais il n'y a pas que ça, il y a aussi dans From Hell une critique acerbe de la société londonienne qui met à jour les profondes inégalités sociales de cette ère victorienne. Ce qui est donné à voir de Whitechapel est assez effrayant, peu ragoûtant. On s'immerge jusqu'au cou dans la noirceur de ces bas-fonds où les femmes n'ont d'autres choix pour survivre que de se prostituer parfois à la va-vite dans le coin d'une porte cochère, et où elles noient leur misère dans l'alcool et baignent dans la fange.
Dans From Hell on nous donne à voir aussi les manigances qui se trament en haut lieu, notamment au sein de Scotland Yard où l'on voit que la police est à la botte de la reine, des francs maçons et dans cette enquête sur l'Eventreur n'a eu de cesse de protéger Sir William Gull allant même jusqu'à dissimuler des preuves ou créer de fausses pistes. La franc maçonnerie apparaît elle à toutes les échelles de la société, oeuvrant en secret, d'abord toute dévouée au médecin mais qui, le moment venu, gênée par ce personnage qui échappe à leurs règles, saura le faire discrètement disparaître et trouver en un pauvre enseignant, avocat homosexuel le coupable adéquat à livrer en pâture à la population.
Accessoirement dans From Hell on pourra croiser quelques personnages célèbres tels qu'Elephant man et Oscar Wilde. Leur présence dans le récit n'est pas anodine et se justifie en regard de certains évènements à l'intérieur du récit. Cependant, je n'ai pas trouvé ça essentiel bien que ces clins d'oeil puissent en intéresser quelques-uns du point de vue historique...

Graphiquement qu'en est-il? Le dessin en noir et blanc de Campbell loin d'embellir tout cela, en rajoute dans le glauque, l'horrible, le laid à tel point qu'on se sent salit par ces images qui défilent sous nos yeux. C'est cru, c'est violent, c'est toute la réalité de ce monde brut et brutal qui nous est montré sans demi-mesure. Bref, les graphismes de Campbell accompagnent à merveille le récit et lui donne une portée encore plus dramatique et réelle. C'est effrayant parfois même troublant, c'est l'enfer sur terre. Je ne vous cacherai pas que je n'ai pas trouvé ça beau. Le dessin alterne flou, traits grossiers et au contraire, scènes des crimes très détaillés.
Parent advisory : il y a du sang, il y a du sexe, il y a une violence qui peut heurter les plus sensibles ^^

Je voulais lire ce pavé graphique depuis très longtemps, c'est fait! Et si le dessin m'a parfois franchement rebutée, j'ai vraiment été prise par l'histoire qui est extrêmement fournie, documentée ; comme on le comprend à postériori en lisant les 50 pages de la postface où Moore nous explique comment il a construit son récit, à partir de quels documents, livres, enquêtes... étayant ainsi chaque dessins, presque chaque dialogues et conférant encore plus d'authenticité à l'ensemble bien qu'il s'agisse d'une interprétation toute fictive.

Le seul lieu où les dieux et les monstres existent sans conteste n'est autre que l'esprit humain...

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