24/03/2013
From Hell, une autopsie de Jack l'Eventreur - A.Moore & E.Campbell
Le serment d'hypocrites
Au XIXème siècle, Whitechapel, quartier des bas-fonds londonien, haut lieu de déchéance et de misère est le théâtre de crimes sordides. Des prostituées sont férocement assassinées, leurs corps mutilés semblent être l'oeuvre d'un psychopathe méticuleux, expert du scalpel. La vérité sur le bien nommé Jack l'Eventreur trouvera-t-elle son chemin entre rumeurs populaires et complots venus d'en haut?
Alan Moore et Eddie Campbell ont tenté dans ce roman graphique fleuve (576p.) de retracer le parcours de celui qui se révèlera être le tueur en série le plus célèbre de cette époque victorienne : Jack l'Eventreur.
Ainsi, le sous-titre "une autopsie de Jack l'Eventreur" sied à merveille à ce comics car il ne s'agit ni plus ni moins que d'une étude méticuleuse, pointue, détaillée de l'histoire fascinante, effrayante de cet homme. Moore et Campbell auront rassemblé durant 10 ans la documentation nécessaire à l'élaboration de cette oeuvre monumentale pour nous en livrer un récit entre interprétation personnelle et transcription de témoignages d'époque.
From Hell ce n'est pas une enquête au long court qui va vous révéler le nom du criminel, non ça on l'apprend dans les 50 premières pages, l'identité du coupable est ici bel et bien connue. Alors l'intérêt il est où? Il est dans ce récit hyper dense qui s'attache à comprendre qui était Sir William Gull et quelles étaient ses motivations. La profane que je suis à donc découvert que les crimes ont été non seulement perpétrés par un médecin mais, qui plus est, que la Reine Victoria en était la commanditaire. Sous couvert de préserver la couronne d'un scandale, celle-ci fit donc appel au Dr Gull, imminent membre des francs maçons, pour se débarrasser d'une prostituée avec qui son petit-fils s'était marié en douce et avec qui il eut un enfant. Seulement, il se trouva qu'un groupe de prostituées de Whitechapel connaissait ce secret, aussi, rackettées par des truands, elles voulurent faire chanter la reine. Cette dernière ne l'entendit pas ainsi et fit à nouveau appel à Sir William pour résoudre par tous moyens le problème. Autant vous dire qu'il ne s'agissait pas que de les faire taire. Il n'en fallait pas plus pour mettre à jour l'esprit déviant de ce médecin illuminé, complètement allumé, victime d'hallucinations depuis une crise cardiaque. Se sentant investit d'une grande mission consistant à redonner le pouvoir aux hommes dans un monde qu'il croit sous l'emprise des femmes, il s'acharnera sur ces prostituées et laissera derrière lui des scènes de crime atrocement macabres et ce malgré la gêne d'une reine qui a senti trop tard que le médecin lui échappait.
Bien je ne vais pas vous révéler tout ce que l'on peut apprendre dans cette oeuvre monumentale mais sachez que j'ai particulièrement apprécié ce côté documentaire du récit, taillé au scalpel. Ces pages où Sir William Gull fait la traversée de Londres avec son cocher et lui montre l'histoire de la franc maçonnerie taillée dans la pierre des monuments londoniens est d'une grande richesse par exemple. Mais il n'y a pas que ça, il y a aussi dans From Hell une critique acerbe de la société londonienne qui met à jour les profondes inégalités sociales de cette ère victorienne. Ce qui est donné à voir de Whitechapel est assez effrayant, peu ragoûtant. On s'immerge jusqu'au cou dans la noirceur de ces bas-fonds où les femmes n'ont d'autres choix pour survivre que de se prostituer parfois à la va-vite dans le coin d'une porte cochère, et où elles noient leur misère dans l'alcool et baignent dans la fange.
Dans From Hell on nous donne à voir aussi les manigances qui se trament en haut lieu, notamment au sein de Scotland Yard où l'on voit que la police est à la botte de la reine, des francs maçons et dans cette enquête sur l'Eventreur n'a eu de cesse de protéger Sir William Gull allant même jusqu'à dissimuler des preuves ou créer de fausses pistes. La franc maçonnerie apparaît elle à toutes les échelles de la société, oeuvrant en secret, d'abord toute dévouée au médecin mais qui, le moment venu, gênée par ce personnage qui échappe à leurs règles, saura le faire discrètement disparaître et trouver en un pauvre enseignant, avocat homosexuel le coupable adéquat à livrer en pâture à la population.
Accessoirement dans From Hell on pourra croiser quelques personnages célèbres tels qu'Elephant man et Oscar Wilde. Leur présence dans le récit n'est pas anodine et se justifie en regard de certains évènements à l'intérieur du récit. Cependant, je n'ai pas trouvé ça essentiel bien que ces clins d'oeil puissent en intéresser quelques-uns du point de vue historique...
Graphiquement qu'en est-il? Le dessin en noir et blanc de Campbell loin d'embellir tout cela, en rajoute dans le glauque, l'horrible, le laid à tel point qu'on se sent salit par ces images qui défilent sous nos yeux. C'est cru, c'est violent, c'est toute la réalité de ce monde brut et brutal qui nous est montré sans demi-mesure. Bref, les graphismes de Campbell accompagnent à merveille le récit et lui donne une portée encore plus dramatique et réelle. C'est effrayant parfois même troublant, c'est l'enfer sur terre. Je ne vous cacherai pas que je n'ai pas trouvé ça beau. Le dessin alterne flou, traits grossiers et au contraire, scènes des crimes très détaillés.
Parent advisory : il y a du sang, il y a du sexe, il y a une violence qui peut heurter les plus sensibles ^^
Je voulais lire ce pavé graphique depuis très longtemps, c'est fait! Et si le dessin m'a parfois franchement rebutée, j'ai vraiment été prise par l'histoire qui est extrêmement fournie, documentée ; comme on le comprend à postériori en lisant les 50 pages de la postface où Moore nous explique comment il a construit son récit, à partir de quels documents, livres, enquêtes... étayant ainsi chaque dessins, presque chaque dialogues et conférant encore plus d'authenticité à l'ensemble bien qu'il s'agisse d'une interprétation toute fictive.
Le seul lieu où les dieux et les monstres existent sans conteste n'est autre que l'esprit humain...
00:42 Publié dans Bang | Tags : from hell, moore & campbell, jack l'eventreur, whitechapell, quartier sordide, prostitution, éventration, la médecine n'est plus ce qu'elle était, franc maçon, la loi du silence royal | Lien permanent | Commentaires (5)
16/03/2013
The Crow (édition définitive) - James O'Barr
Apocalypse now...
L'âme damnée d'Eric Draven zombifiée par un corbeau est revenue d'entre les morts, assoiffée de vengeance. Un an auparavant, lui et sa fiancée Shelly Webster ont trouvé la mort au bord d'une route, férocement assassinés par une bande de truands. The Crow, le dévoreur d'âme, bras armé de la Mort va les traquer jusqu'au dernier.
"Rien ne peut vous préparer à perdre un jour ce que vous avez de plus cher. Ni la foi... ni la religion... Rien. Lorsque quelqu'un que vous aimez disparaît, vous prenez alors conscience du vide... vous vous sentez absolument seul." John Bergin
La mort hante les pages de ce comics, la mort, les regrets, la mélancolie, les larmes.
Un dessin noir et blanc. Noir comme l'âme torturée d'Eric. Etre transfiguré en vengeur de l'au-delà, son apparition est un sombre présage. The crow, Eric, est cette âme en peine qui ne trouvera de répit qu'en éliminant un a un les meurtriers de sa fiancée, unique moyen de faire son deuil, d'être délivré mais aussi de délivrer le monde du Mal.
L'amour aussi hante les pages de The Crow, l'amour et... le manque de l'autre.
Un dessin noir et blanc. Blanc comme les souvenirs de cet amour pour Shelly qui certes le font souffrir et assombrissent son coeur mais qui sont autant de moments où l'humanité d'Eric sort des décombres et lui redonnent un visage bienveillant et compatissant.
The Crow, oeuvre morbide, sombre et triste dont le trait de crayon nous éclabousse par sa violence. Une oeuvre qui fait écho à la propre souffrance de l'auteur. Un récit fictif largement inspiré de la propre douleur et culpabilité de James O'Barr. L'auteur nous livre en préface avec émotion une part de son histoire personnelle qui a motivé l'écriture de ce récit.
Fonction catarthique de l'écriture, du dessin par lesquels l'auteur expie tout le mal, toute la rage qu'il portait en lui après la perte de sa petite amie. Et ce mal s'exprime avec une grande férocité, à travers une vengeance sans concession, faite d'exterminations où l'encre noire jaillit dans un flot quasi ininterrompu de sang, de larmes, de corps lacérés, de têtes explosées. C'est violent, à un tel point que j'en ai été dérangée même si, dans The Crow, tuer n'est pas gratuit et jouissif. Et pourtant, il y a une forme de soulagement à voir ces meurtriers être punis, à voir ce monde débarrassé de la vermine qui le salit.
Graphiquement, j'ai été à la fois rebutée et séduite par le dessin. Le personnage de The crow n'est pas visuellement beau avec sa bouche à la Joker, avec sa coupe de cheveux qui me fait penser aux chanteurs du groupe de hard rock/métal Kiss... Les scènes de "règlement de compte" entre lui et les truands sont brutales, le faciès des meurtriers est laid, voir effrayant. Le dessin est agressif mais je n'en ai pas détourné les yeux. Car, à côté de ça, il y a de très beaux graphismes, notamment dans les représentations de Shelly et dans la peinture de cet amour entre elle et Eric. Cela se traduit par des esquisses et un trait de crayon plus doux, plus tendre, souvent blanc d'ailleurs. Et ces dessins-là font aussi de The Crow une ode à l'amour.
Alors si The Crow peut faire parfois "flipper", ce comics n'en reste pas moins un bijou qui a ouvert la voie aux dessinateurs indépendants à une époque où le monde des comics était dominé par Marvel et DC. En somme, à conseiller aux afficionados du genre.
15:31 Publié dans Bang | Tags : the crow, james o'barr, comics, pas drôle, c'est une tuerie, une ode à l'amour | Lien permanent | Commentaires (9)
06/03/2013
Les Harmoniques (Beau Danube Blues) - Marcus Malte
Sur un air de toi... le blues du jazzman
Dans un entrepôt, on retrouve les cendres de Vera Nad, fille de l'Est, amatrice de jazz. Mister, pianiste noir au club de jazz rue du Dauphin-Vert qu'elle fréquentait, était devenu son ami. L'homme secrètement amoureux de la jeune femme ne croit pas aux aveux des deux lascars arrêtés par la police. Comprendre pourquoi et par qui Vera a été tuée vire chez lui à l'obsession. Alors, aidé de son meilleur ami Bob, le chauffeur de taxi ch'ti philanthrope, il va mener son enquête. De révélations en révélations, les deux hommes ne s'attendaient pas en suivant les derniers pas de Vera à plonger jusque dans l'horreur du conflit serbo-croate.
"Mister dressa un index.
-Les harmoniques... dit-il.
Miloslav leva les yeux au plafond, s'attendant peut-être à en voir surgir des créatures extraterrestres.
-Harmeûniques? C'est quoi, harmeûniques?
-Les notes derrière les notes, dit Mister. Les notes secrètes. Les ondes fantômes qui se multiplient et se propagent à l'infini, ou presque. Comme des ronds dans l'eau. Comme un écho qui ne meurt jamais. [...]
-Ce qui reste quand il ne reste rien, dit Mister. C'est ça, les harmoniques. Pratiquement imperceptibles à l'oreille humaine, et pourtant elles sont là, quelque part, elles existent."
En musique j'aime à peu près tout, sauf le jazz pur et dur (au grand dam de mon art-thérapeute qui, a chaque séance, tente de m'initier au genre ^^). Et pourtant, parce que je ne suis pas complètement obtuse j'ai choisi d'écrire mon article en écoutant la sélection musicale fournie par l'auteur pour prolonger la lecture de son roman. Des morceaux que j'aime y sont d'ailleurs présent (les moins "jazzy"), si ça vous dit : playlist Les Harmoniques :)
Comment vous dire à quel point j'ai aimé ce polar noir de chez noir? Même le chocolat pâtissier ne l'est pas autant! Je n'avais jamais entendu parler de Marcus Malte ; ce roman et l'écrivain sont donc une totale découverte pour moi et quelle découverte! Et pourtant ce n'était pas gagné, il y a 15 jours, j'avais dû interrompre ma lecture ne parvenant pas à rentrer dans l'histoire. Je suis contente que ma 2ème approche fut la bonne :)
Les Harmoniques c'est une partition magistralement orchestrée par son auteur. Un duo solide, sincère, viril, un peu fou, triste et tendre mais aussi par moment très drôle ( La scène où ils miment une fausse panne dans le champ d'un agriculteur est à mourir de rire). Deux hommes donc qui semblent se connaître par coeur, profondément liés l'un à l'autre par une amitié qui semble être à toute épreuve. Mister, c'est le musicien qui a eu un coup de coeur pour Vera un soir de représentation, qui est hantée par son souvenir, par la flamme non éteinte d'un amour qu'il n'a pas su exprimer et, qui est prêt à faire brûler son âme en enfer pour résoudre le mystère de ce crime. Bob, c'est l'ami de toujours, un ex-prof de philo, maître es-langues, amateur de jazz & blues, qui a converti sa vieille 404 peugeot en yellow cab. Il fait office de vieux briscard paternaliste et protecteur envers Mister qu'il ne ménage pas toujours pour autant. Cette relation qui est née aussi, on le devine, autour de la musique apporte une profondeur aux deux personnages. Mister c'est le gars peace & love, impulsif, ténébreux, mélancolique. Bob c'est le réfléchi, pondéré, roublard et taquin. Un sacré duo comme on en voit parfois au cinéma. Mais qu'on ne s'y trompe pas, ils ont du vécu et le regard qu'ils jettent sur le monde n'est pas forcément angélique. A eux, on ne la fait pas même si notre pianiste amoureux devra faire face à certaines désillusions.
A côté de notre duo viennent se greffer, pour les raisons de "l'enquête", des personnages haut en couleurs. Attachants parfois, comme cet autre duetto de rue formé par Milosav et Dobrica Pesic, des slaves musiciens de rue, compatriotes de Vera qui joueront leur part à la fois grave et drôle dans l'histoire.
Intéressant et pour qui on ressent peur et pitié, je pense à Josef Kristi, peintre manchot et drogué qui a cotoyé Vera dans ses derniers instants et l'a figée à jamais sur toile mais, qui cache une histoire personnelle bien moins poétique.
Pittoresque, amusant par ses interventions et la représentation qu'on s'en fait, Romano le barman gay de l'enseigne jazzy où Mister joue. Epris de ce dernier, ses interventions sont toujours hilarantes.
Et puis, biensûr, il y a Vera, l'ange de l'Est rattrapé par ses bourreaux de guerre. Elle est là, fantôme permanent de Mister, beauté convoitée par ces messieurs ; elle est là, présente parfois en filigrane. Elle est le moteur de l'histoire, elle est le drame, celle par qui tout arrive et tout fini. Celle dont l'histoire personnelle nous ouvre les yeux sur le drame de tout un peuple. Celle qui un jour malgré les opportunités est partie à la dérive poussée dans ses retranchements. Mi-ange, mi-démon.
Il y a d'autres personnages qui apportent aussi leur lot de mystères et fausses pistes, d'autres portraits qui vous donnent envie de vomir ou vous glacent les sangs. Rien n'est laissé au hasard dans la distribution des rôles, chacun est là pour apporter quelque chose à l'intrigue ou au roman.
Les Harmoniques c'est un polar noir dans toute sa splendeur parce que qui dit noir dit glauque, sombre, dur, violent et même dérangeant. Alors on aurait pu supposer que la noirceur, la dureté de ce roman viendrait du meurtre de la jeune femme, de sa description mais non. Au final, dans la totalité du roman, la violence de cette scène n'est rien en comparaison de cette autre violence sur laquelle nos enquêteurs en herbe vont aboutir. Et là, on plonge totalement dans toute la puanteur et l'inhumanité des Hommes au travers de sous récits relatant, soit des conflits en ex-Yougoslavie, qui ne nous épargnent pas le détail de scènes de guerre et autres massacres de population, soit la vie de Vera avant sa mort, de son enfance à Vukovar, ville croate assiégée par les serbes durant 3 mois qui s'est vue transformée en charnier, jusqu'à Paris où elle rêvait de monter sur les planches et où, prise à son propre jeu, elle finira brûlée vive. Ces parties-là ne sont pas faciles à lire parce que l'on sort du fictif pour entrer dans une narration de faits de guerre qui ont existés, on reconnaîtra les noms de certains criminels de guerre. Marcus Malte ne se gêne d'ailleurs pas pour dénoncer dans son roman un système politique véreux, puant mais aussi la manière inutile dont sont intervenues les puissances mondiales dans ce conflit, privilégiant parfois les monuments aux individus. Ah, ça balance! Et dans tout ça, le lecteur n'est pas ménagé. On s'en prend plein la vue avec toutes ces scènes sordides dépeintes en détail. Fallait-il d'ailleurs que ce soit aussi violent? J'avoue que les larmes me sont montées aux yeux en lisant la souffrance, les actes de barbarie dont a été victime cette population.
Oui, c'était dur mais parfois il faut ça pour ne pas oublier, pour réfléchir, se questionner, dépasser le fictif de l'histoire qui nous est donnée à lire.
Et n'allez pas croire que cette partie réaliste dans le roman arrive comme ça sans lien direct avec l'histoire. Non, elle est profondément liée à l'histoire de Vera et de certains de nos personnages. Tout est parfaitement articulé et s'explique en regard d'elle.
Les Harmoniques heureusement sait aussi nous emporter vers des sommets plus légers. Notamment grâce à la musique qui vient rythmer les chapitres du roman. On découvre ainsi en introduction de certains les paroles traduites ou non de quelques morceaux de jazz ou de blues. C'est beau, c'est triste et pour le coup, là ce sont les oreilles qui en prennent un coup.
Quelques titres ou extraits, parfois en anglais dans le texte, viennent apporter un peu plus de tension au récit ou au contraire, nous permettent de nous évader un peu de toute cette noirceur. On ne lit plus, on écoute. J'ai d'ailleurs éprouvé à un quart du livre, le besoin d'assortir ma lecture de musique. Non pas celle de la playlist fournie par l'auteur, non, je lui ai préféré un medley des meilleurs morceaux de Norah Jones. C'était doux et apaisant, parfait pour accompagner le crescendo dans l'horreur de l'Histoire. Allez savoir, peut-être que mon inconscient réclamait quelque chose pour contrebalancer les images empreintent d'horreur qui s'imprimaient dans mon esprit. Ne dit-on pas que la musique adoucit les moeurs?
Marcus Malte a su aussi agrémenter son roman noir de vrais moments cocasses qui m'ont bien fait rire. Je vous ai déjà parlé de cette scène de la "panne". Mais alors, un autre grand moment de franche rigolade c'est celui où Renato, notre barman gay et amoureux de Mister (souvenez-vous), part dans un total délire quand le pianiste après s'être fait agressé revient à la "cave" lui demander s'il a de quoi ligoter quelqu'un... Et ce qui suit après est tout aussi amusant. Franchement rien que pour ces scènes-là, ça vaut la peine de lire ce polar. J'en souris encore :P
Je terminerai en vous parlant un tout petit peu de l'écriture de Marcus Malte, très agréable. Malgré la dureté de certains passages, le roman ne manque pas de finesse. C'est rythmé comme une pièce de musique, parfois puissant et fort, parfois plus calme, joyeux et grave. Le style est plaisant, parfois tout en métaphores comme pour alléger la dureté de certains passages. Les Harmoniques se lit d'un trait parce que fluide, avec de nombreux interludes musicaux dans l'histoire. De quoi temporiser le flux des émotions qui nous traversent de part en part.
Bref, Les Harmoniques c'est à lire, à voir, à écouter!
Je vous laisse sur cet extrait :
"-Nous parlions, dit le peintre. Elle me parlait et je lui parlais. On se racontait. Il n'y avait rien de plus urgent à faire. Parce que ce que je savais, moi, c'était que ça viendrait d'un seul coup. Ça jaillirait comme l'éclair. Fulgurant. Et il faudrait que je sois prêt à ce moment-là. Prêt à recevoir, et prêt à rendre. Alors, je me tenais à l'affût. J'attendais. Je guettais. Et quand c'est venu, effectivement, je n'ai eu qu'à exécuter. Ma main n'a pas tremblé. Ma main savait déjà. Mon coeur savait déjà. Bien avant que cela n'atteigne mon esprit. Quand c'est venu il ne m'a pas fallu plus de quarante huit heures pour tout réaliser. Toute la série. Toutes les toiles à la suite. Pas manger, pas dormir, peindre, peindre, peindre, tout peindre tout fixer avant que ça ne reparte. J'avais peur de ça : que ça s'en aille comme c'était venu, aussi vite, et que je me retrouve la main vide, le coeur vide, l'esprit déserté. J'avais peur de perdre ça. J'avais peur de la trahir."
Je remercie Livraddict pour ce partenariat et les éditions Gallimard (Folio policier). Je suis conquise par cette lecture et compte bien poursuivre ma découverte de cet auteur.
23:55 Publié dans Boum boum | Tags : les harmoniques, marcus malte, polar 100% noir, sur un air jazzy, histoire d'une vie histoire d'un conflit | Lien permanent | Commentaires (13)