09/07/2013
Les lieux sombres - Gillian Flynn
It wasn't a good Day
Petite dernière de la famille Day, Libby a survécu seule ou presque au massacre qui s'est produit le 2 janvier 1985 dans la ferme familiale. Elle avait 7 ans. Aujourd'hui dans la trentaine, elle vivote grâce aux derniers dons reçus suite au drame. Son frère Ben, de 8 ans son aîné, l'autre survivant, croupit en prison, jugé coupable du massacre des siens et ce, d'après le témoignage oculaire de sa petite soeur. Libby tient en respect ses souvenirs macabres mais, à court de moyens, elle va se laisser convaincre par Lyle un membre du Kill club, un groupe convaincu de l'innocence de Ben Day, de revenir sur son passé et de partir à la rencontre des principaux protagonistes de cette folle nuit meurtrière.
Je vais faire court : c'était bon, méchamment bon!
Dans cette Amérique rurale des années 80, les âmes que l'on croise sont pour la plupart déjà bien malmenées par la vie, vouées à un pire qui arrive inéluctablement.
Si vous êtes de ceux qui croient que la vie peut se montrer tout à coup indulgente parce que vous avez déjà vécu les pires galères ou, que la foudre ne frappe jamais 2 fois au même endroit, passez votre chemin! Ici il n'y a pas de répit, pas de rédemption, c'est la mouise. On tombe de Charybde en Scylla (presque écrit sans faute du premier coup ^^). Bref les Day n'ont pas de bol...
Le récit alterne passé/présent. L'un permet de remonter les évènements de la journée du 02/01/85 jusqu'au massacre nocturne avec pour principaux intervenants Patty Day et Ben Day. Course un peu folle d'une mère excédée par son ex, par ses filles, par les soucis et à qui son fils échappe. L'autre permet la confrontation de Libby Day avec ce passé qu'elle a enfoui au plus profond de son esprit et qu'elle aurait bien laissé à sa place si ce groupe d'amateurs de crimes (ir)résolus n'était venu gratter là où ça fait mal. Les deux auront pour but au final de lever le voile sur les zones d'ombres de la tuerie... Les éléments de réponse livrés au compte goutte tiennent les conclusions hâtives du lecteur en respect. Il faut attendre, peser et soupeser chaque information, ne pas les laisser prendre trop de place dans la tête. Quoi que vous élaboriez la fin sera une surprise.
Juste un petit mot sur les personnages de ce "thriller". Qu'il s'agisse des Day cette famille comme il en existe tant, anéantie par la pauvreté ou ces autres visages croisés pitoyables et glauques, tous sonnent incroyablement juste, sont incroyablement réalistes. Ils prennent aux tripes et, même s'ils n'ont éveillé aucune sympathie (ou si peu), la lecture n'en a guère été moins attrayante et saisissante.
Gillian Flynn va chercher l'intérêt du lecteur là où il faut, sans surenchère, ça suffit à me donner envie de poursuivre ma découverte de cette auteure.
Je vous invite à lire le très bel avis de Soundandfury ici qui a su me donner l'envie de plonger dans ce roman bien noir.
Citations :
"L’espoir fait vivre… Ces mots avaient été le fléau de mon enfance, pour rappeler constamment que rien ne s’arrangeait vraiment, pas seulement pour moi mais pour tout le monde, et c’est pourquoi quelqu’un avait inventé un tel dicton. Histoire qu’on sache tous qu’on n’aurait jamais ce dont on avait besoin."
"Vous croyez qu'une fois que vous connaîtrez la réponse vous trouverez la paix ? Comme si savoir allait vous guérir d'une certaine façon ? Vous pensez qu'après ce qui s'est passé vous pourrez trouver un jour la moindre paix ? Que dites vous de ça, au lieu de vous demander ce qui s'est passé, contentez vous d'accepter ce qui est arrivé."
"Parfois ça fait du bien de niquer quelque chose. Au lieu de se faire toujours niquer."
"Je n'étais pas une enfant aimable, et je suis devenue une adulte profondément mal aimable. Si on voulait dessiner mon âme, on obtiendrait un gribouillis avec des crocs pointus."
22:11 Publié dans Bang | Tags : les lieux sombres, gillian flynn, pas le bon jour, noir c'est noir il n'y a plus d'espoir, et pourtant... | Lien permanent | Commentaires (13)
13/06/2013
Brooklyn - Colm Tóibín
American way of life
Années 50, à Enniscorthy (Irlande), Eilis Lacey vit avec sa mère veuve et sa soeur aînée Rose, ses frères eux ont quitté le pays pour l'Angleterre. Malgré son intelligence, ses diplômes en comptabilité elle ne trouve guère d'emploi à la hauteur de ses aspirations. Une opportunité se présente sous les traits du père Flood, un prêtre irlandais ami de la famille expatrié aux Etats-Unis. La jeune femme poussée par sa soeur accepte non sans crainte cette offre et s'expatrie à Brooklyn où commencera pour elle une nouvelle vie, une vie d'exilée certes mais surtout une vie de femme émancipée.
Ce livre m'a été offert il y a plusieurs mois par ma collègue Zaz, il traînait sur mon bureau (qui n'a plus rien d'un bureau...) envahi de bouquins. Ce jusqu'à ce que Stéphanie mon binôme du challenge Livr@deux pour PALaddict #4 ne me le propose en choix de lecture. Alors mon avis?
Je ne connaissais pas du tout Colm Tóibín et quelle bonne surprise! Cet auteur a le don de plonger le lecteur au coeur des pensées et sentiments de son héroïne. C'est simple, on vibre à l'unisson des émotions de la demoiselle. Les craintes, les espoirs, la nostalgie de son pays, la langueur des siens mais aussi l'exaltation, le coeur qui bat, le rouge qui monte aux joues, le regard qui se voile ou qui brille. Une écriture pointue, d'une minutie extrême, un regard qui perce l'âme et s'approche au plus près des personnages mis en scène et notamment de la jeune Eilis.
Suivre les premiers pas timides d'Eilis l'irlandaise dans ce Brooklyn des années 50, où les ethnies s'expriment encore fortement et ne se mêlent à priori pas, où les premiers noirs pénètrent pour la première fois dans les boutiques de luxe tenus par des blancs, où la réussite et les rêves sont encore possibles, où les femmes commencent à s'émanciper aussi c'était extrêmement intéressant, saisissant de réalisme et de justesse. Bref, ce qu'Eilis vit, on le vit, on le ressent profondément, intimement. On assiste avec plaisir à son éveil, à son affirmation de femme indépendante et amoureuse puis, parce que tout est trop beau, un évènement survient la rappelant au pays et, là, choix cornélien. On mesure le chemin parcouru, on s'interroge jusqu'à la fin avec elle, venant même à regretter que l'histoire s'arrête ainsi. Je suis restée sur une question, sur une interprétation insatisfaite de ce choix final qu'Eilis fait, un brin frustrée et me répétant "mais alors, mais alors"...
Brooklyn c'est un roman d'apprentissage, une oeuvre romanesque mais pas que, c'est surtout une histoire d'une riche intensité narrative où tout tient au personnage principal, Eilis bien sûr, mais aussi à ces autres figures féminines que l'on croise. Que ce soit la propriétaire ou les colocataires de la pension irlandaise où Eilis réside, que ce soit ces femmes du magasin où elle travaille encore mais aussi Rose, cette soeur aînée qui est en quelque sorte un modèle pour elle. Et puis il y a les hommes, le père Flood figure bienveillante, paternaliste, le frère d'Eilis lui-même expatrié en Angleterre, Tony l'italien conquérant et conquis et puis, l'irlandais qu'on n'attendait plus. On s'attache à notre Eilis sortie de sa réserve, partie prenante de sa nouvelle vie. On s'attache à ces personnages secondaires. On s'attache à cette histoire de coeur partagé entre le passé, ce qu'aurait pu être sa vie irlandaise et ce qu'est sa vie américaine.
"Pour chaque jour qui passait, elle aurait eu besoin d'un jour supplémentaire afin de l'assimiler."
Quelle belle découverte que ce roman, quel coup de coeur! Un petit conseil, ne lisez pas la 4ème de couverture, gardez la surprise entière.
Zaz, merci de ce cadeau! C'est un petit bijou, j'ai adoré.
Stéphanie, merci de m'avoir fait sortir ce beau roman de ma PAL. Tu étais curieuse de connaître mon avis alors voilà, j'espère qu'il te donnera envie :)
22:39 Publié dans Boum boum | Tags : brooklyn, colm tóibín, enniscorthy, irlande, exil, rêve américain ou pas, émancipation, apprentissage, un regard qui déshabille les émotions | Lien permanent | Commentaires (15)
09/06/2013
La petite fêlée aux allumettes - Nadine Monfils
She's on fiiiiire!
Pandore, ville imaginaire est le théâtre de meurtres de gamines, version contes d'antan. Une jeune femme, Nake, craque une allumette et a la vision de ces horribles crimes. Un clodo, père de l'homme qu'elle a tué, est à ses trousses et veut lui faire la peau. L'inspecteur Cooper, vieux briscard se voit affublé pour l'enquête de son jeune collègue homo et travelo Michou qui n'en manque pas une pour le provoquer. Pour couronner le tout, voilà que mémé Cornemuse non contente de s'inviter chez notre inspecteur, décide de faire du bénévolat chez les flics. Le ménage par le vide et le pompage dans tous les sens du terme, c'est son domaine...
Voici une histoire complètement allumée, peu crédible, parfois crue, avec des cadavres à la pelle et un humour bien noir, empreint de dérision qui permet d'oublier toutes les incongruités du récit et de se concentrer sur l'amusement que nous procure cette lecture.
Je crois que le lecteur ne doit pas ici s'attacher à la vraisemblance des faits, il en sortirait déçu.
Les personnages que nous croisons, hauts en couleurs, sont tous liés par quelque chose ou quelqu'un, ont tous un lien direct ou indirect avec les crimes commis. Ils sont à part, paumés, déprimés, lubriques, mauvais, dérangeants ou en quête d'un mieux. Mais ils sont surtout drôles et surprenants. Les réparties qui fusent entre Cooper et Michou, Cooper et sa secrétaire ou Cooper et mémé Cornemuse sont un délice.
Mémé Cornemuse, ahlala quel phénomène! On peut ne pas adhérer à ses pratiques, à tout ce qu'elle est et fait mais, bon sang, une mémé comme ça, ça déménage! Elle ose tout sans scrupules et on se surprend à la trouver... je n'sais pas... sympathique n'est peut-être pas le mot, mais elle a quelque chose qui m'a fait sourire bien malgré moi parfois. Elle est détonnante, un feu d'artifice qui vous sidère et cloue le bec aux jugements qu'on peut porter sur elle.
"Eh stop! J'ai une mémoire sélective, mon coco. Je ne me souviens que des bonnes choses et des gens intéressants. Les cons, je zappe, pfouit, et je tire la chasse. On ne tapisse pas le bonheur avec des merdes."
Après avoir fermé ce livre, je n'ai pu m'empêcher de penser au visage de Nadine Monfils en train de me dédicacer le livre aux Quais du Polar. Je comprends mieux l'étincelle amusée dans son regard et cet air malicieux qu'elle avait, vous savez comme quelqu'un qui sait qu'il va vous jouer un drôle de tour :)
Je remercie Stéphanie pour cette LC à laquelle j'ai participé avec plaisir (et un peu de retard) et aussi Soundandfury qui a choisi ce roman pour le challenge Livr@deux de Livraddict.
Retrouvez ci-dessous quelques avis des participantes à la lecture commune :
22:43 Publié dans Bang | Tags : la petite fêlée aux allumettes, nadine monfils, mémé cornemuse refait des siennes, rien à voir avec le conte d'andersen | Lien permanent | Commentaires (12)